Douteriez-vous de la force qui est en vous?

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Les Madianites s’approchent, ils sont prêts à attaquer les tribus israélites qui se sont péniblement installées dans le pays de Canaan. Gédéon a peur. Il se réfugie près du pressoir pour ne pas être vu ni volé, il bat son blé là où on piétine le raisin – l’action fait parfois oublier l’angoisse et il faut bien que la vie continue…

C’est alors qu’un ange du Seigneur s’approche de lui avec douceur et détermination. Il rejoint l’homme dans sa crainte profonde, son désarroi, son impuissance, sa désillusion. Le messager de Dieu vient s’asseoir sous l’arbre sacré d’Ofra, il prend le temps de parler à Gédéon, de le rejoindre dans ce qu’il est en vérité, dans ce qu’il vit véritablement. Et de se voir à la fin confier une mission incroyable et imprévisible : celle de protéger les tribus et donc d’affronter les ennemis en force, ces idolâtres sans foi ni loi. Défi que Gédéon accepte, non pas sans avoir, au préalable, vérifié par quelques signes que le Seigneur l’accompagnera vraiment jusqu’au bout, jusqu’à la victoire.

« Le Seigneur est avec toi, combattant courageux ! » dit l’ange du Seigneur. Une parole qui contraste tellement avec l’état d’esprit de Gédéon qui se sent profondément abandonné par le Seigneur, et de se considérer mais, ni vaillant, ni courageux. C’est comme un autre regard qui est porté sur lui, à l’opposé du regard que Gédéon porte sur lui-même, et sur Dieu.

« Le Seigneur est avec toi, combattant courageux », « Avec la force que tu as, va ! », « Tu battras les Madianites comme un seul homme », « Que la paix soit avec toi, n’aie pas peur, tu ne mourras pas » lui dit l’ange. Ce sont des paroles qui ouvrent vers la vie, vers l’avenir. Elles vont comme convertir Gédéon, le relever, le mettre en marche. Petit à petit, il va retrouver son Dieu, le Dieu de ses ancêtres, celui qui a accompagné autrefois de ses riches bénédictions Abraham, Isaac, Jacob. Ce Dieu qui a conduit son peuple dans sa traversée du désert vers la Terre Promise, vers ce pays où coulent le lait et le miel.

N’empêche que Gédéon passe par le doute : « Si le Seigneur est avec nous, alors pourquoi sommes-nous si malheureux ? » Un doute légitime ! Il doute aussi sur lui-même, ses capacités. L’ange lui permet de faire sortir, de raconter ce qui est en lui, comment il se voit, il se considère, comment il s’estime. Gédéon se sent « petit », pas grand-chose : « je suis le plus jeune de ma famille », dit-il à l’ange, « et mon clan est le plus faible de la tribu ». Et pourtant Dieu l’appelle pour libérer les tribus de leurs farouches ennemis.

« Va avec la force que tu as. » Prudent, méfiant, Gédéon va quand même demander un signe, une preuve que ce messager qui lui parle est bien envoyé par le Seigneur. L’ange fait preuve d’une écoute et d’une patience extraordinaire. Il répond alors à sa demande. Gédéon se sent écouté et donc accompagné sur son chemin qui le conduira, pacifié, vers une libération, une libération de ses forces. Il reprend confiance en lui-même et en son Dieu. La suite du récit nous apprend la victoire sur les ennemis, des ennemis bien plus nombreux que sa troupe composée de seulement 300 hommes. La victoire revient non pas aux hommes, ni à Gédéon, mais au Seigneur – à Dieu seul la gloire !

Nous pouvons nous reconnaître en Gédéon. Nous vivons parfois des situations difficiles, menaçantes, angoissantes : je pense à nos auditrices et auditeurs qui sont alités dans l’attente d’un xième traitement médical. Le malade peut se sentir humilié lorsque la maladie affaiblit son corps, sa beauté, sa vigueur. Je pense aussi à ces couples en voie de séparation : comment ne pas traumatiser nos enfants. Je pense à ces travailleurs qui sentent leur emploi menacé et à qui on annonce la délocalisation de leur entreprise, humiliés par la non-reconnaissance de leur investissement. Je pense à ces jeunes qui cherchent désespérément un apprentissage ou un premier emploi, ou encore à ceux qui se sentent exclus car différents. Et bien sûr je pense à tous ceux qui sont sur le chemin de l’exil et qui ne savent pas de quoi les lendemains seront faits.

Nos « Madianites » d’aujourd’hui, nos ennemis, nos adversaires ont pour nom : cancer, matérialisme, individualisme, délocalisation, intégrisme, pouvoir, manque d’amour, de pardon, de respect. Tout comme Gédéon, le croyant est en juste droit de se poser la question : « Si Dieu est avec nous, s’il existe, alors pourquoi ma vie est si difficile, le monde si menaçant?! »
Face à l’insécurité du lendemain, face à l’injustice, au malheur, aux problèmes, comment réagissons-nous ? Par une attitude de résignation, de repli sur soi-même, une attitude d’agressivité, d’accusation, de fuite ? Une jeune Tahitienne me disait l’autre jour : « Oro metua Bruno, quand chez nous les Polynésiens nous avons des difficultés, nous entrons dans la forêt et nous parlons à la terre, à la terre nourricière, au fenua, et ça va mieux ».

Tout comme Gédéon, nous nous sentons bien souvent « petit » pour affronter l’adversité. Où trouver les forces pour en sortir, ne pas craquer, mais aller de l’avant, vers la vie. Pour le héros de notre histoire, ce fut grâce à un ange du Seigneur, c’est-à-dire un messager envoyé par Dieu qui s’est tout simplement approché de lui pour lui offrir une présence, une écoute, une parole.

Croyez-vous que quelqu’un peut s’approcher de vous tout simplement, tout simplement parce qu’il n’est pas indifférent à la situation difficile que vous traversez ? Croyez-vous que quelqu’un peut cheminer à vos côtés, qu’il peut accueillir et respecter la révolte qui est en vous ? Croyez-vous qu’une parole peut vous relever, réssusciter la vie qui est vous ?
En fait croyez-vous aux anges ? Les anges peuvent prendre le visage d’un ami ou de votre infirmière à domicile, ils peuvent prendre le visage d’un voisin, d’un enfant qui vous visite aujourd’hui, peut-être demain.
Et si vous ne croyez pas aux anges, alors croyez au moins en vous ! Oui, que vous pouvez être porteur d’une parole qui relève et encourage, capable d’avoir une pédagogie aussi fine que celle du messager qui a cheminé avec Gédéon. Combien de fois avez-vous été des anges, vous les parents pour vos enfants, sans cesse les encourageant à surmonter leur spleen, leurs difficultés scolaires, leur mal-être, leur maladie, leurs handicaps.

« Va avec la force que tu as » : elle est puissante cette parole ! C’est une parole qui croit en moi, qui me dit qu’il y a au fond de mon être une force insoupçonnée, non pas à la manière des super héros, mais une force de confiance de l’autre pour moi.
« Je serai avec toi » : elle est rassurante cette parole lorsqu’elle vient de la bouche de quelqu’un qui vous aime et vous promet sa fidélité. Alors je n’ai plus peur de me risquer, d’aller de l’avant.

Bientôt l’événement de Noël nous rappellera ce beau deuxième prénom de Jésus « Immânu él », « Emmanuel », Dieu-avec-nous. Et pourtant, je me sens parfois si seul parfois dans le combat…

Mais souvenons-nous que l’ange du Seigneur n’a pas assis la victoire sur les seules forces de Gédéon, mais la victoire avec l’aide du Seigneur et d’autres hommes. Et de nous rappeler que la solidarité est essentielle, elle est une force inouïe pour gagner les combats, même ceux qui nous semblent insurmontables ou perdus d’avance. Il nous faut absolument redécouvrir cette conjonction de forces généreuses. Cette solidarité, nous pouvons la trouver dans l’Eglise, communauté d’hommes et de femmes qui rassemblent leurs énergies pour relever ce qui doit être relevé, pour s’approcher de ceux qui ont besoin d’une parole d’espérance, pour pacifier ce qui doit l’être.

Nous pensons aux visiteuses et visiteurs de paroisses, aux aumôneries dans les hôpitaux, les EMS, les prisons, sans oublier tous ceux qui oeuvrent auprès de ces frères et sœurs en humanité qui cherchent asile pour une vie meilleure et digne. Mais qui donc leur en voudrait de chercher à vivre mieux, à donner un avenir à leurs enfants? Bien sûr la solidarité n’est pas l’apanage des croyants, tant d’associations, tant de bénévoles se mettent au service de celui, de celle qui est au bout du rouleau. La solidarité dans notre Eglise existe, ne la boudons pas, mais renforçons-la. Engageons-nous ! Désirons faire partie de ces anges, de ces messagers que le Seigneur envoie !

Cet épisode de l’histoire de Gédéon devrait nous encourager à nous relever devant les épreuves, en nous ouvrant à la Parole, celle de Dieu, celle d’un ami, qui sent que nous pouvons être actrice, acteur face aux événements que la vie nous réserve. « Lève-toi et marche ! » dit Jésus à l’homme paralysé. Vas-y, tu peux te mettre debout, il y a des forces en toi, tu peux envisager un avenir, aller de l’avant ! Emouvant ce témoignage donné aux jeunes par ce motard aujourd’hui en chaise roulante, et qui leur dit : « Dieu m’a relevé en m’asseyant ».

Ne doutez pas que vous êtes aimés, qu’un amour vous accompagne. « Ephata ! » dit Jésus à l’homme sourd et muet, un mot araméen qui signifie « Ouvre-toi » ! Un cri, un appel pour ne pas rester emmurés dans le silence. Ouvrez vos oreilles pour accueillir une parole qui pourrait vous projeter vers la vie, ouvrez-vous à l’espérance ; cette petite voix qui vous redit qu’il y a un avenir possible. « Faites jaillir l’espérance qui est en vous ! » dira l’apôtre Paul aux Chrétiens dans la tourmente. Ouvrez votre bouche, dites ce qui vous fait mal, sortez votre révolte, vous serez reçus.

L’espérance chrétienne est une attente et un désir de l’accomplissement de la promesse de Dieu : celle de la Résurrection, de la vie plus forte que la mort. La foi, c’est croire au possible de tous les impossibles, c’est entendre le chant d’un oiseau dans la nuit alors que l’aube ne s’est pas encore levée. La foi, c’est croire profondément que Dieu est fidèle à ses promesses et qu’il a pour chacun-e de nous des projets non pas de malheur mais de bonheur.

Douterions-nous des forces qui sont en nous ? Elles sont là. Puisons-les au plus profond de notre être, ensemble libérons-les et rendons grâce.

Nelson Mandela, lors de son intronisation à la présidence de la République d’Afrique du Sud a su encourager son peuple avec ces mots : « Nous nous posons la question : ‘Qui suis-je, moi, pour être brillant, radieux, talentueux et merveilleux ?’ En fait qui êtes-vous pour ne pas l’être ? Vous êtes un enfant de Dieu. Vous restreindre, vous rétrécir ne rend pas service au monde. Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. Elle ne se trouve pas seulement chez quelques élus : elle est en chacun-e de nous, et au fur et à mesure que nous laissons briller notre propre lumière, nous donnons inconsciemment aux autres la permission de faire de même. »

Chers frères et sœurs dans la foi, ne doutons plus de la vocation que Dieu nous a adressée, allons avec la force et la lumière qui nous sont données, par grâce, et puissions-nous comme Gédéon bâtir un autel et y inscrire « Le Seigneur donne la paix ! »

Amen

Face aux difficultés de la vie, comment réagissons-nous? Et comment les traverser, les dépasser?
Le « petit » juge Gédéon témoignera de son histoire face aux menaces et humiliations permanentes des Madianites. Et parce que l’ange du Seigneur s’en est mêlé, avec tact et patience, alors Gédéon s’est mis debout…

Détails

Avec la participation de
Anne Vaucher-Gampert
Orgue
Diego Innocenzi
Musique
Ensemble vocal du Salève, sous la direction de Laurent Chiorino