Les trois immortels: 1. Ressusciter la foi

Temple de Vandoeuvres (©Alexandra Urfer Jungen)

Écouter le culte :

Pâques est la découverte d’une vie. Pas d’une autre vie, mais d’une autre dimension de cette vie que nous avons la chance de vivre. Quoi ? Comment ? Qu’est-ce qui, dans notre être, est rendu vraiment vivant ? Plus que vivant, et même source de vie.

Dans une de ses pages les plus célèbres, l’apôtre Paul affirme que « Maintenant donc ces trois choses demeurent pour toujours : la foi, l’espérance et l’amour ». Il y aurait donc trois qualités immortelles : la foi, l’espérance et l’amour.

Lors de cette première prédication nous chercherons comment notre foi pourrait vivre même si nous n’étions pas (ou pas très) croyant. C’est possible. Nous chercherons comment Dieu peut ressusciter notre foi, c’est à dire la rendre plus intense et plus libre, rayonnante de belles choses pour nous et pour ceux qui sont autour de nous. Car c’est cela avoir une foi « ressuscitée ». Ce terme signifie littéralement être éveillé, être mis debout, les yeux ouverts, en train d’avancer. Seulement, tout dépend ce que l’on appelle « la foi », tout dépend de ce que l’on a comme conception de Dieu.

La foi est quelque chose qui peut embellir considérablement notre vie. Avoir une foi vivante est une chance, allez-vous me dire. C’est vrai, mais pas seulement. C’est comme la forme physique, il y a une part de chance et il y a une part de travail pour faire de l’exercice, bien se nourrir, se soigner et être soigné.

Typiquement, il y a différentes situations de foi :

  • il y a des personnes croyantes et pratiquantes,
  • il y a des personnes qui croient qu’il y a « quelque chose » mais pour qui ça ne change pas grand-chose,
  • et il y a des personnes qui ne croient pas en Dieu.

Chacune de ces personnes peut vraiment voir sa foi ressusciter, une certaine foi, la sienne, et que cela rende sa vie vivante, pétillante, et source de vie à sa façon.

Commençons par le plus difficile : ressusciter sa foi quand on ne « croit » pas. C’est tout à fait possible, je vous l’assure ! Et j’ai rencontré bien des personnes pour qui c’est le cas.

Paul parle ici d’un « chemin par excellence ». La question, nous dit Paul, n’est pas tant d’arriver quelque part ; la question, c’est d’être dans un bon cheminement. De même Jésus nous dit que la question n’est pas de trouver, mais de chercher. Et il ajoute que si l’on bute sur une sorte de mur, on en cherche la porte et on frappe à cette porte.

Partons donc de ce premier obstacle : vous ne croyez pas en Dieu, ou pas tellement, vous pensez que l’univers n’est fait que de matière et de hasard. Et c’est pour cette raison que vous pensez ne pas être en mesure d’avoir la foi.

Je dirais : au contraire. Car si on pense qu’il n’y a pas de dieu pour faire avancer les choses, rien pour les orienter, rien pour nous venir en aide non plus ; si l’on pense cela, il faut alors d’autant plus être aux commandes de sa vie, il faut d’autant plus chercher ce qui va pouvoir être créateur dans ce monde et dans notre vie.

Comment faire pour chercher cela ? Ça peut se travailler par l’émerveillement : en cherchant ce qui nous touche par sa beauté ou sa grandeur, et s’étonner. Ça se travaille en cherchant en soi-même ce qui nous a rendu parfois plus vivant, ce qui a épanoui notre meilleure part, ce qui nous fait avancer, ce qui nous donne envie de rayonner. Ça se travaille aussi en interrogeant des personnes que l’on admire. Ça se travaille en questionnant les grands textes de l’humanité : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que le chaos ? Qu’est-ce qui fait qu’une personne est plus que son poids de matière ? Qu’est-ce qui est source de vie, de mouvement et d’être (comme le dit Paul à Athènes, Actes 17, 28) ?

Chercher comme on veut, mais s’interroger, chercher ce qui nous apparaît à nous comme étant source de vie. Ensuite, chaque fois que l’on relève l’indice d’une source, l’affiner encore, puis se placer face à elle régulièrement dans une méditation personnelle, sans se culpabiliser, mais afin d’en vivre plus concrètement.

Cette démarche est une démarche de foi, au sens où cette personne croit en « quelque chose » qui l’inspire pour avancer et être plus vivant. Même si on n’appelle pas ce quelque chose « Dieu » au sens de la religion, c’est une foi, et cette foi peut être vraiment éveillée (ressuscitée). D’ailleurs Paul non plus dans ce passage que je vous ai lu n’utilise pas le mot « Dieu », il utilise volontairement le mot « Amour » à la place. Je pense que tout le monde a noté dans sa recherche personnelle qu’un instant de belle relation est une source de vie.

Ensuite, c’est vrai que si l’on fait le lien entre ce qui est pour nous une source de vie et ce que les religions appellent « Dieu », cela permet d’entrer en dialogue avec un univers immense de théologies, d’arts et de spiritualités. Cela ne nous oblige pas pour autant à adopter ce que l’autre entend par « Dieu » ni sa façon de le vivre. Il est alors possible d’entendre les expressions comme « Dieu », « Christ », « Esprit-Saint » et les traduire intérieurement par « ce qui est source de vie », ou par « l’amour », si on veut, comme le fait Paul ici.

C’est ainsi qu’il est tout à fait légitime d’être pratiquant dans une église chrétienne quand on « ne croit pas en Dieu », car la Bible est une des excellentes sources dans la recherche de ce qui fait vivre. Le culte et la prière personnelle sont des exercices spirituels qui ont fait leurs preuves pour aider à chercher l’essentiel et à en vivre.

Passons à un autre cas de figure : ressusciter sa foi quand on est croyant et pratiquant. C’est tout à fait possible ! Sur ce chemin de résurrection, quels sont les murs qui font obstacle et dont il est bon de chercher les portes ? Paul nous le montre ici. Le mur serait de penser connaître Dieu et ne plus chercher. C’est une sclérose de notre foi qui devient un mur qui nous coupe du Dieu vivant, un mur qui nous coupe parfois de ceux qui ne pensent pas comme nous.

Paul cherche à nous montrer des portes dans ce mur : il nous montre que toute connaissance sur Dieu est comme celle d’un enfant, et il appelle ici Dieu « Amour », afin que nous n’ayons pas peur d’oser mettre en question nos idées préconçues sur Dieu.

Paul n’y va pas de main morte pour désacraliser les enseignements présentés comme sacrés : Les messages de prophètes ? Ils seront abolis. La connaissance ? Elle sera abolie. Autrement dit : ne confondons pas les doctrines sur Dieu avec Dieu lui-même.

Pourtant Paul est un formidable théologien, il nous apprend à réfléchir, à nous creuser la tête, à approfondir, à faire dialoguer la pensée biblique et la philosophie. Il le fait ardemment en ouvrant des perspectives novatrices. Il nous ouvre à cette liberté.

Comment ressusciter notre foi, alors ? Paul reprend les exercices essentiels pratiqués par le croyant... mais il en change la perspective. Pourquoi ? Parce que c’est Dieu « Amour » qui nous ressuscite, c’est lui qui est source de vie, pas les exercices en eux-mêmes.

C’est dans cette perspective que Paul nous invite à vivre ces exercices que lui-même passe son temps à faire : la recherche théologique, le dialogue avec les humains, se savoir soi-même prophète (chercher au fond de notre propre conscience), agir avec générosité dans le service des autres. Ce sont des portes utiles, mais ce ne sont que des portes. Tant qu’elles restent fermées, elles sont tout autant un obstacle que le mur. Reste à frapper à la porte, reste à demander à celui qui nous ouvrira qu’il nous donne de quoi vivre. Jésus nous dit que Dieu nous donnera alors son Esprit même si notre prière est maladroite. Cette perspective, c’est ajouter la prière à l’étude, c’est ajouter la prière à la réflexion personnelle, ajouter la prière à nos actions de service. Vivre ces exercices avec sincérité puisque Dieu nous aime déjà. Le laisser alors ressusciter un peu plus notre foi.

Cela nous amène à la troisième configuration : ressusciter sa foi quand on est croyant sans relation à Dieu. C’est tout à fait possible. Quels sont les murs qui font obstacle sur ce chemin d’éveil et dont il faut chercher les portes ? C’est souvent que cette personne est fâchée contre une certaine idée qu’elle a de Dieu, ou fâchée par ceux qui parlent ou agissent en son nom.

Je me souviens d’un monsieur juif âgé qui m’a dit qu’il était fâché contre « lui là-haut », car pendant la Seconde Guerre mondiale la totalité de sa famille de 40 personnes a été massacrée sauf lui. Je comprends, et je compatis, en même temps c’est précisément là qu’un travail de théologie et de prière pourrait nous ouvrir une porte. On peut demander à Dieu des comptes, râler comme Abraham, comme Moïse, David, Job et Jésus lui-même sur la croix. Dieu est amour, il ne se fâche pas contre nous. Frapper à la porte et le redécouvrir autrement. Et là aussi, chercher ce qui est source de vie dans notre vie, et faire le lien avec Dieu, le voir autrement.

En nous invitant à suivre ce Dieu qui est amour, Paul pourrait nous réconcilier avec la Bible, la théologie et même avec l’Église : les aimer, ce n’est pas être naïf, c’est faire le tri, garder le meilleur sans les prendre pour Dieu. L’Église peut être utile comme une salle de sport pour nous aider à chercher notre propre porte vers Dieu. Cette porte qu’est le Christ.

Ça peut rendre service, car si l’on reste croyant en « quelque chose » sans que ça change grand-chose à notre façon de vivre et d’espérer : c’est comme si nous étions un amoureux « non pratiquant » d’une personne qui nous aime d’un amour fou, et qui nous attend en vain derrière la porte.

Amen.

Dans la suite de Pâques nous regardons vers ce qui est rendu vraiment vivant. L’apôtre Paul lance ce cri «Maintenant donc ces trois choses demeurent pour toujours: la foi, l’espérance et l’amour». Trois qualités immortelles.

Lors de cette première prédication nous chercherons comment le Christ nous donne de ressusciter la foi, même si nous n’étions pas (très) croyant.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Diego Innocenzi
Musique
Magali Pérol Dumora, soprano