Matinée oecuménique: quand le chant ouvre au divin

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Écouter le culte :

Chers frères et sœurs en Christ,

Chères auditrices et chers auditeurs,

"Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu." Dans sa langue imagée coutumière, Jésus veut nous faire comprendre une chose très simple : il est difficile de se détacher de ses richesses. Mais ne pensez pas que Jésus ne s'adresse qu'à celles et à ceux qui ont une grosse fortune dans leurs comptes en banque, des actions en bourse ou une grosse entreprise qui ne connaît pas la crise. Ne vous dites pas : je ne suis pas concerné par cette mise en garde de Jésus parce que je ne suis pas riche financièrement. Nous sommes tous riches de quelque chose, il y a toujours quelque chose en nous-même duquel nous sommes particulièrement fier, un don, une qualité, un trait qui fait que cela ne peut venir que de nous. C'est aussi cela, la richesse dont Jésus parle.

Avez-vous déjà entendu l'expression anglaise "self-made man", dont il existe une version française très poétique : fils de ses œuvres ? Il s'agit d'expressions qui désignent un homme ayant acquis sa fortune ou son statut social par son mérite personnel, en partant de rien ou de peu de chose. On entend parfois l'expression : "Il s'est fait lui-même". C'est une figure assez en vogue aujourd'hui. Une figure qui rime avec réussite, opiniâtreté, succès, effort et récompense de cet effort. Arrêtons-nous juste une petite seconde pour voir comment nous pensons : ce fils de ses œuvres a l'air d'être tout seul, sans relation, sans histoire, sans famille, sans arrière-plan.

Le problème est que cette figure occulte une vérité primordiale de notre nature humaine : nous sommes des êtres de manque et nous avons besoin que l'on s'occupe de nous. Le fils de ses œuvres a été un bébé. Ses parents l'ont habillé, nourri, choyé, aimé. Ils lui ont changé ses langes. Le fils de ses œuvres ne serait pas là si ses parents ne s'étaient pas occupés de lui. Mais nous continuons d'être des êtres de dépendance, de manque. Ces manques, ces dépendances évoluent simplement avec nous. Nous n'avons peut-être plus besoin d'être langés, d'accord, mais peut-être avons-nous besoin d'estime, de tendresse, d'amour, de câlins, de contact humain. Simplement d'avoir quelqu'un qui nous dise : tu es quelqu'un de bien. Nous restons aussi des êtres dépendants chroniques au moins d'un point de vue : le manger et le boire. Nous avons besoin de nourriture et de boisson notre vie durant.
En somme, nous avons très vite tendance à considérer certaines choses comme plus importantes que d'autres : est-ce que la liberté d'un individu vaut quelque chose si personne n'a été là pour s'occuper de lui ? Elle ne vaut rien, parce que cet individu n'existerait tout simplement pas. Nous sommes des êtres de relation avant tout. Mais voilà notre monde est ainsi fait : un monde où règne la concurrence. Cette volonté de savoir qui est plus fort que l'autre est omniprésente, surtout dans le monde économique. Et surtout cette solitude, le fait de croire que l'on est quelqu'un que si on se fait soi-même. Arrêtons-nous sur cette expression : se faire soi-même. N'y a-t-il pas quelque chose de profondément aberrant dans cette formulation ? Qui se fait lui-même ? Mais personne ! Vous imaginez concrètement des personnes qui se créent par génération spontanée, comme des champignons, simplement parce qu'elles l'ont décidé ? Absurde !

Le constat arrive comme une douche froide : nous oublions vite cette réalité originelle, et malheureusement l'expression "fils de ses œuvres" ou "self-made man" ne simplifie pas cette prise de conscience salutaire et nécessaire. Et même si le fils de ses œuvres avait oublié qu'il était un être de manque et de dépendance, il peut se considérer au moins comme rempli de son savoir, de ses richesses, de ses charismes, et les mettre au service des autres, sans attendre un avantage en retour. C'est ce à quoi Jésus invite le jeune homme riche, à mettre sa plénitude, c'est-à-dire sa richesse, au service de ceux qui en sont dénués.

Et nous ? Sommes-nous prêts à mettre nos plénitudes au service des autres ? Sommes-nous prêts à nous vider, même de ce dont nous sommes particulièrement fiers, ce petit quelque chose qui fait que cela ne peut venir que de nous ? En y réfléchissant bien, je me demande si, au fond, ce n'est pas cela que Jésus désigne par l'expression abrupte : se renier soi-même... Ne rien garder pour soi. Ne pas se penser à l'origine des bonnes choses que nous serions capables de produire. Laisser tomber toute forme d'orgueil. Ne même pas penser à une phrase du type : "Oui, c'est moi qui l'ai fait et j'en suis fier."
Cette forme extrême d'abnégation n'est pas très en vogue aujourd'hui, à notre époque où l'on veut savoir qui est responsable de quoi, autant pour féliciter quand tout va bien ou pour savoir sur qui taper quand tout va mal.
C'est peut-être aussi une forme de modestie de savoir ce qui est à notre portée et ce qui ne l'est pas. Je trouve personnellement que cette forme d'abnégation, c'est trop me demander. Je n'y arriverai pas. Je me contenterai donc de mettre mes richesses, mes plénitudes au service des autres.

La solidarité, le 1er commandement
Sommes-nous prêts à mettre nos plénitudes au service des autres ? à nous vider de ce dont nous sommes particulièrement fiers, ce petit quelque chose qui fait que cela ne peut venir que de nous ? Ce vide nous fait peur. Or, chacun sait que la Nature a horreur du vide. La Nature comblera ce vide à nouveau par autre chose, une chose que nous ignorons. Cela ne rassure pas. Dès lors, la peur emplira l’espace laissé vacant. Ce n’est pas une parole d’Évangile. La peur n’est pas la promesse de Dieu.

Dès lors, il est difficile d’entrer dans le Royaume promis si nous ne sommes pas prêts. Il manque la clé. La clé est à chercher. Mais, voyons-nous, l’accès est donné. Il est le fruit de la foi : « Vous qui m’avez suivi… ». Problème : quand donc avons-nous suivi le Christ ? Cette question arrive en écho à la série de questions posées par les disciples : « Quand donc t’avons-nous donné à manger ? Quand donc t’avons-nous donné à boire ? Quand donc t’avons-nous habillé ? Quand donc t’avons-nous rendu visite ? » La réponse du Christ est fort simple : chaque fois que vous avez donné à manger à un plus petit que vous ; chaque fois que vous avez donné à boire à un plus petit que vous ; chaque fois que vous avez habillé un plus petit que vous ; chaque fois que vous avez rendu visite à un plus petit que vous ; c’est au Christ que nous l’avons fait.

Chaque fois que nous avons été solidaires, chaque fois que nous avons exprimé de l’empathie, chaque fois que nous avons incarné un signe d’aide envers notre prochain, nous avons été en relation avec le Christ. Le Samaritain s’arrête au bord du chemin pour venir en aide à celui que d’autres, pleins de suffisance, fils de leurs œuvres, ne se posent pas de questions. Ils passent. Le Samaritain s’arrête. Il agit. Si nous ne savons pas qui est notre prochain, la réponse est claire : notre prochain, c’est toi, c’est moi, lorsque tu perds pied, que tu perds confiance, que tu souffres de douleur, dans la séparation, dans la solitude. Chaque fois que ton cœur crie à l’aide.

Sommes-nous simplement pleins de nous-même, des hommes ou des femmes, fils ou filles de nos œuvres ? Sommes-nous le Samaritain qui s’arrête, prend soin de celui qui souffre en silence, que l’on néglige ou que l’on ne veut pas voir? Aider ce prochain, dont le visage se reflète chaque matin dans le miroir de nos salles de bain, est la réponse de notre foi en Jésus Christ. Aider ce prochain dont le visage nous est ignoré, mais dont nous savons qu’il existe ici comme au loin est la réponse de notre foi en Jésus Christ. Ainsi, nous ne faisons que participer à cette joie de Dieu qui, au livre de Jérémie, prend plaisir à la miséricorde.

Sommes-nous prêts à mettre nos plénitudes au service des autres ? à nous vider de ce dont nous sommes particulièrement fiers, ce petit quelque chose qui fait que cela ne peut venir que de nous ? Si nous nous vidons de ce qui nous parait essentiel, de ce qui fait notre humanité sans prendre gare, la peur nous envahira. Face à elle, Dieu nous offre la clé du Royaume. Cette clé se trouve dans le 1er commandement : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Je me contenterai donc de mettre mes richesses, mes plénitudes au service des autres, nous dit Nassouh, parce que Dieu est prêt à nous remplir d’amour, en plénitude, ce qui chassera toutes nos peurs.

Au nom du Christ. Amen.

De 9h - 10h Entretiens signés Catherine Erard et Gabrielle Desarzens.
De 10h-11h Célébration oecuménique en direct du Temple de Delémont

Dans plusieurs traditions musicales, le chant est perçu comme un élément de guérison spirituelle, un canal entre le divin et les hommes, une force douce qui soigne les douleurs humaines.Fairouz Nishanova est directrice de l’Aga Khan Music Initiative. Son organisme travaille depuis les années 2000 à la remise en valeur des traditions musicales ancestrales d’Asie centrale. Ses efforts ont amené à la formation du groupe Bardic Divas. La musique de ces trois femmes est empreinte de tradition chamanique et soufie. Elles vivent leur représentation comme une forme de prière.
La remise en valeur de cette tradition musicale permet également de remettre en lumière l’Islam traditionnel d’Asie centrale, qui est une spiritualité valorisant le questionnement, la recherche, l’ouverture à l’autre. Une manière de contrer un Islam fondamentaliste qui cherche à s’implanter dans cette région.
La tradition orthodoxe, plus proche de nous, donne également une place très importante au chant. Yan Greppin, créateur et directeur du chœur Yaroslavl’ revient sur la dimension spirituelle profonde des chants orthodoxes qui cherchent à nous ouvrir à la dimension divine de l’homme.
Des entretiens signés Catherine Erard et Gabrielle Desarzens.

Détails

Avec la participation de
Nassouh Toutoungi, curé catholique chrétien
Orgue
Musique
Chœur Yaroslavl’ sous la direction de Yan Greppin