« Le vide et la mort se traversent et offrent une espérance »

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Quel regard sur Vendredi Saint ?

« Le vide et la mort se traversent et offrent une espérance »

C’est ce regard que je voudrais porter sur Vendredi Saint avec vous chers paroissiens et auditeurs.

Mais quelques mots d’abord sur le regard : Dès que je suis réveillé, j’ouvre largement la fenêtre et je regarde mon jardin. Chaque matin, je remarque quelque chose de nouveau. Je suis émerveillé ! Ce forsythia qui peinait à s’épanouir comme les autres du voisinage : je croyais qu’il crevotait. Eh bien, on dirait que c’est la nuit qui l’a réveillé. Avant l’aube, il a mis sa robe de soleil. Il scintilla, majestueux, le long de la barrière.
Ce matin, j’ai porté un regard attendri sur l’un des derniers métaséquoïas du village. Un jour, ce sera aussi son Vendredi Saint, sa mort. Mais voilà qu’il traverse la semaine sainte avec de nouvelles ramures!

Regarder, porter notre attention sur un arbre, ou un visage, quel signe de vie et d’espérance !
Parfois nous sommes tellement préoccupés que nous n’avons plus le temps de regarder. Notre regard est mort. Nous nous contentons de voir et d’oublier. Des milliers d’images passent dans notre tête. Celles qui nous fascinent et que nous regarderions volontiers en boucle : un visage aimé, un amour perdu, le lac orangé ou les dents du midi irisées au coucher du soleil. Tant de vues qui se fondent dans l’invisible du cœur ou de l’oubli.

Vous le savez bien, tout n’est pas aussi beau à voir !
Devant la mort, nos regards se troublent infiniment : Dieu est-il si impuissant qu’il laisse mourir des jeunes, partir des parents ? Comment dire que Dieu nous aime et continuer de voir souffrir ?
Nous avons eu plusieurs décès dans la paroisse depuis le début de la semaine, comme si nos aînés et d’autres plus jeunes s’étaient donné la main pour cette traversée sainte !

« Le vide et la mort se traversent et offrent une espérance »

Oui, mais c’est dur de regarder le vide en face, même de l’imaginer à l’avance.
Le risque est alors de nous laisser éblouir, de laisser mourir notre regard, de fuir la vision de la perte, de l’échec, de l’insupportable.

Chers amis, Vendredi Saint, c’est l’occasion, à partir de la mort de Jésus, de porter un regard neuf sur notre vie!

« Le vide et la mort se traversent et offrent une espérance, trouvez le courage d’espérer, ne vous découragez pas ! Nous avons un Dieu qui a traversé le deuil et a refusé que la mort ait le dernier mot. Les vides et les manques, les pertes se traversent et ensuite, à Pâques, le tombeau est ouvert »

Ce regard sur la mort traversée par Jésus me fait du bien, comme lorsque j’ouvre ma fenêtre. Premier regard du matin, vision de quelque chose de nouveau, de vivant dans mon jardin, de changeant dans ma vie.

Le vide et la mort se traversent avec espérance !

Non seulement Jésus a traversé la mort, mais il est allé au-devant d’elle librement, sans se dérober. Sa mort, Jésus l’assume complètement, jusqu’au bout. « Jésus qui avait toujours aimé les siens dans le monde, les aima jusqu’au bout » témoigne l’évangile de Jean.
Sur la croix, Dieu Tout aimant est « désarmé et fragile ». Pourtant, l’évangile porte un regard royal sur Jésus crucifié. Un regard universel sur son règne, symbolisé par l’inscription en trois langues au-dessus de la croix « Jésus roi des juifs ».
Oui, Dieu traverse la mort désarmé et désarmant pour nos rêves de sauveurs tout puissants. Sa royauté s’accomplit dans la faiblesse, le vide, la descente dans les profondeurs de nos ombres. « Dès que nous commençons à faire ce chemin de descente dans nos blessures - écrit Lytta Basset - nous entrons déjà en résurrection ».

Christ descend en premier dans les profondeurs, pour que dans la foi nous osions traverser avec lui nos propres néants, traverser avec lui cette culpabilité d’avoir raté quelque chose dans notre vie, rater une relation de confiance avec le passeur de toute vie !

Christ traverse cette impasse pour que nous passions outre, au-delà. Pour que nous regardions sa vie en nous comme le plus beau don qui puisse nous être fait : telle une robe de lumière qui éclaire notre nuit, intacte, d’une pièce, comme la tunique du Seigneur après le partage des habits au pied de la croix. Une robe de communion avec les autres, éternelle. Une robe communautaire que personne ne pourra déchirer ou garder pour lui tout seul. Une robe d’une pièce, sans retenue ni coutures, sans exclusions ni séparations.

Vendredi Saint, chers amis et auditeurs, c’est un appel à ne pas avoir peur des moments de vides et de manques, dans l’espérance d’une insurrection de vie comme le forsythia jaune soleil qui a fleuri, presque de nuit, au moment où je pensais qu’il était perdu.

« Vendredi Saint, c’est même comme un merveilleux malheur - dirait Boris Cyrulnik- parce qu’il change notre vie, parce qu’il l’intensifie, l’ouvre aux autres et parce que la croix nous redresse, elle nous remet debout ». Vendredi Saint est une protestation levée en croix vers le ciel, pour tous ceux qui souffrent, sont humiliés, exclus.

Enfin Vendredi Saint est une source de compassion : car quelque chose de vital sort du corps transpercé de Jésus. Sa mort produit davantage de sens et de la communion.

De l’eau et du sang, symboles de notre baptême et de la cène, jaillissent du Seigneur. Ressources vitales pour cette fragile communauté d’amour au pied de la croix, avec Marie et Jean, debout, confiés l’un à l’autre, ressources pour nos communautés aujourd’hui.

Là où tout s’achève, dans la mort, c’est aussi là qu’une relation nouvelle avec le Seigneur commence ! Pour peu qu’un regard neuf soit porté, une attention aux traces puissantes d’amour d’un Dieu désarmé et fragile mais souverain à nos côtés !

Alors, de la traversée du vide peut ressortir une profondeur unique qui devient une compassion pour les autres, un regard intensif, vitalisant, un regard rempli de confiance et de bonté.

« Les personnes les plus formidables que j’aie rencontrées - écrivait Elisabeth Kübler-Ross - sont celles qui ont connu l’échec, la souffrance, le combat intérieur, la perte et qui ont su surmonter leur détresse. Ces personnes ont une appréciation, une sensibilité, une compréhension de la vie qui les remplit de compassion, de douceur et d’amour. La bonté ne vient jamais de nulle part. »

Je voudrais conclure avec un regard d’espérance et d’amour, une trace laissée par un ami pasteur décédé brusquement l’année dernière – Philippe Maire - quand il écrivait à propos de Vendredi Saint et de Pâques, je cite :

« Tout aurait pu finir par l’absurdité de la croix, les souffrances d’un homme et le froid d’un tombeau, le ricanement des puissants et le cri d’un innocent. Ils sont des millions qui ne cessent de se demander si tout ne finit pas ainsi.
Au creux de l’humanité ravagée, Dieu pose son recommencement et dévaste les fatalités.
Rien ne finit jamais quand l’homme meurt d’aimer »

Amen.

Vendredi Saint, un passage obligé vers la vie, le pouvoir de l’amour au cœur de la souffrance, un abîme de bonté.
Dieu s’engage à fond dans notre humanité et nous appelle à la compassion.L'intention du pasteur Laurent Jordan est d’inviter les auditeurs à méditer sur trois regards vivifiants que lui inspire Vendredi Saint:
- Considérer la mort de Jésus comme un commencement de vie... un passage et un silence qui préparent un chemin de résurrection;
- Considérer à Vendredi Saint non comme une défaite définitive, mais comme à un engagement d’amour inépuisable du Christ qui restaure la dignité des humiliés, proteste aux côtés des désespérés, sauve du non-sens;
- Considérer les pertes, les déceptions, les passages à vide comme des temps à part. Pour demander, accueillir ou offrir l’écoute, l’accompagnement d’autrui et la confiance de la communauté. Pour reprendre pied ensemble, retrouver goût à la vie avec le souffle du Ressuscité.

Détails

Avec la participation de
François Berger et Chantal Wüthrich
Orgue
Pierre-Laurent Haesler
Musique
Natacha Ducret et Marie Lipp, sopranos, Hélène Conrad et Regula Schwab, violons, Michèle Paillard, viole de gambe et Pierre-Laurent Haesler, orgue et clavecin

En collaboration avec