Le bonheur d'un jour de congé chargé, au temps de Jésus!

image

Écouter le culte :

Oh ! happy day
Quel jour heureux, quel jour heureux que ce jour-là…
En tout cas tout avait bien commencé : c’était congé, c’était sabbat, c’était jour de synagogue. Et rien que ce mot synagogue, c’est déjà tout un programme, en ce jour de votations : le jour de la synagogue, c’est le jour de la rencontre, le jour où l’on se rencontre. Jour heureux que ce jour où l’on a le temps de se retrouver.
Oh ! happy day !
Ce jour-là donc, rien à faire d’autre que de se rendre à la synagogue pour se rencontrer… Mais voilà que tout se gâte quand Jésus entre, lui aussi. Il y a des rencontres qui gâchent une journée, des journées pourtant si bien parties. Qui les gâchent ? C’est en tout cas ce qu’il croit, l’homme venu ce matin-là à la synagogue. Il ne demandait rien. Il voulait juste passer un bon sabbat, avec ses coreligionnaires. Et voilà que Jésus entre.
Oh ! happy day ! When Jesus washed… dit la chanson : Quel jour heureux quand Jésus m’a lavé…
Mais l’homme ne le sait pas encore. Il voulait certes des rencontres, mais peut-être pas de celles qui changent la vie.
C’était congé, c’était sabbat, c’était le jour de la synagogue, le jour de la rencontre… tout était parfait ! Pourquoi, diable, fallait-il que Jésus soit là aussi ?

***
J’avoue que j’ai été interpellé par la réaction forte de l’homme : « que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? », dit-il à Jésus.
D’autant que ses mots sont très proches de ceux de la femme chez qui habitait Elie et que ce dernier avait sauvée de la famine : « que me veux-tu, homme de Dieu ? Es-tu venu pour me rappeler ma faute et faire mourir mon fils ? »
Deux attitudes clairement défensives. Deux attitudes « projectives », pourrait-on même dire. L’homme et la femme projettent sur les hommes de Dieu des intentions qu’ils n’ont pas.
Alors on peut certes arguer qu’au moins l’un des deux était malade et que l’autre, bien bousculée par ce qui arrivait à son fils, n’était peut-être pas tout à fait elle-même. Mais restent ces méfiances, ces peurs…
D’autant que le plus contradictoire, dans tout cela, c’est que l’un et l’autre reconnaissent qui ils ont devant eux : « le saint de Dieu », confesse l’homme de la synagogue. Et la femme, elle, de dire après la guérison : « je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu et que la parole de l’Eternel est dans ta bouche »
Le jour était beau, le jour était heureux… mais voilà que quelque chose, dans cet homme, empêche la joie de la rencontre. En effet, quelle aubaine que de pouvoir rencontrer le « Saint de Dieu », non ?
Même scénario pour la femme… ou presque : si le jour avait moins bien commencé, quelle aubaine pour elle qu’Elie, l’homme de Dieu, soit encore là !
Eh bien non : quelque chose en eux deux empêche la joie ou le soulagement de la rencontre avec Dieu, avec Dieu ou ses lieutenants.

***
Je me souviendrai longtemps de ce moment très dur que j’ai vécu dans une famille, après le suicide de l’un des siens. Nous étions chez eux, autour d’une tasse de thé après le moment où, au cimetière, nous avions été déposer les cendres de l’homme qui s’était pendu, une ou deux semaines plus tôt. Tout d’un coup, alors que l’ambiance était plutôt paisible, le beau-frère du défunt me prend à partie de manière véhémente, me reprochant, lors du culte funèbre, d’avoir condamné au nom de Dieu ce suicide, du haut de la chaire, dans ma grande robe noire.
J’en tombais des nues : avait-il seulement écouté ce que j’avais dit ?
Mais de toute façon, ce jour-là encore, impossible de me faire entendre : il criait, n’écoutait rien, trop pris qu’il était dans son discours qu’il devait avoir « retenu » en lui depuis des jours.
L’atmosphère était lourde, l’air vicié…
Heureusement, le prêtre qui était avec nous - c’était une famille protestante et catholique -, donc l’autre homme de Dieu, si l’on peut dire, intervint pour lui dire qu’il n’avait, lui, rien entendu de jugeant dans mes propos, au contraire. L’homme finit par se calmer…
Là aussi quelque chose l’avait empêché d’entendre l’évangile : ma robe noire qui lui rappelait celle des juges et sans doute sa propre peur du jugement de Dieu sur un geste comme celui de son beau-frère. Du coup, au service funèbre, la rencontre entre la parole prêchée et son désarroi ne put avoir lieu. Projection, méfiance, rejet !
« Es-tu venu pour me rappeler ma faute et faire mourir mon fils ? » dit la femme à Elie.
Même mécanisme, non ?

Et quand je viens au culte ou que j’allume la radio pour l’écouter, qu’est-ce qui fait que la rencontre n’a pas lieu, alors même que je l’attends et que je confesse, moi aussi, que Jésus est le saint de Dieu ?
La mauvaise prestation du prédicateur ? La mauvaise prestation du prédicateur, seulement ?
En nous, il y a des images toxiques qui nous font rater la rencontre tant elles nous empêchent de voir le Dieu de l’Evangile, le Dieu de la bonne nouvelle. Pire ! Elles nous font nous en méfier. En avoir peur.
« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? »
Peur de nous perdre, peut-être ! Ou peur de devoir changer ? Changer de paradigmes et de repères. Peur d’entrer dans quelque chose de nouveau…

Ce qui est frappant, dans le récit où intervient Elie, c’est que le fils tombe malade alors que l’homme de Dieu les a sauvés, lui et sa mère, de la famine : huile et farine ne manquaient plus ; le danger de mort était donc normalement derrière !
Mais ce qui est encore plus frappant, c’est que la femme, malgré cette abondance miraculeuse, n’est pas guérie de ses pensées toxiques sur Dieu, au point qu’à la maison l’air en est irrespirable. Dans tous les cas, son fils étouffe…
Et c’est ce troisième élément qui me frappe : si, comme on vient de le voir, la femme n’est pas vraiment guérie de ses images toxiques sur Dieu après l’abondance retrouvée, ce n’est pourtant pas elle mais son fils qui manque d’air jusqu’à en mourir.
N’y a-t-il pas là quelque chose qui doit nous alerter ? Et si notre manière de comprendre Dieu avait aussi des conséquences sur notre entourage au point, parfois, de rendre l’air irrespirable pour lui ?
Pensées toxiques, disais-je. Marc parle, lui, d’impureté. L’impur est par définition le mélangé… Et cette manière de parler éclaire bien notre réalité : nos images de Dieu ne ressemblent-elles pas à des tissages dont les fils sont variés et de provenances bien différentes ? Tous viennent-ils de l’Evangile ? Lesquels de la culture ambiante ? Lesquels de ma psychologie profonde ? Lesquels de mes peurs d’enfant ou de mon besoin de justification et de maîtrise ?

Dieu est alors venu en personne pour nous aider à décrypter, démêler nettoyer, purifier, unifier son image en nous et rendre ainsi l’air plus respirable pour nous et notre entourage. Parce qu’il n’y a pas à tergiverser : celui qui vit dans une relation libre avec Dieu, sans peur ni méfiance, fait souffler un vent de liberté autour de lui.
O happy day, when Jesus washed… chantait le chœur. Mais peut-être que notre expérience nous ferait plutôt mettre ces jours au pluriel et chanter: quels jours heureux, ces jours où au contact de l’Evangile, j’ai nettoyé mon regard sur Dieu.
En tout cas, la culpabilité que porte cette femme et ce pourquoi elle croit que Dieu la juge aussi, sans la rencontre avec Elie, aurait fini par tuer son fils. Et il a fallu et le miracle de la farine et celui de la guérison pour qu’alors son regard sur Dieu soit lavé…

Dès lors, sommes-nous vraiment prêts à cette rencontre avec « le Saint de Dieu », comme disait l’homme ? Sommes-nous prêts à la confrontation de nos représentations ? à leur déconstruction ? à leur purification ?
En venant au culte ou en allumant la radio, nous sommes-nous dit que cela pourrait arriver ?

Jour heureux que ce jour de sabbat, c’était le jour de la synagogue, le jour de la rencontre… Mais notre homme s’attendait-il à cette rencontre-là ?
Jours heureux que ces dimanches où nous pouvons, en direct ou par les ondes, participer à un culte ou une messe. Jours heureux parce que, sinon, seuls, sans liens, même radiophoniques avec d’autres, comment ne pas continuer à projeter sur l’Evangile – et donc sur Dieu ! - nos images toxiques ! En effet, les autres, bien souvent, nous sont donnés, comme Elie à la veuve de Sarepta : pour nous parler de Lui et ainsi faire taire ces voix intérieures mensongères qui plombent notre vie et celles des autres.

O happy day et Good news !

Amen.

Des chants libres (choeur Jorat Gospel) pour accueillir un évangile (gospel) qui ne cesse de libérer! Mais au coeur de nos assemblées du dimanche, notamment, combien de voix sont-elles encore entravées? A la synagogue, ce matin de sabbat là, Jésus fait taire les réponses toutes faites et figées pour proposer un dialogue qui libère. Oh happy day! Oui, quelle belle journée!

Détails

Avec la participation de
Luc et Sylvia Humbert
Orgue
Aude Chollet
Musique
Ensemble Jorat Gospel