La brebis perdue de Pâques

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Écouter le culte :

Prédication en « je »

Tenez, je prends un problème de tous les jours, un problème simple, je rentre mes moutons le soir. En principe, ils sont tous de la même couleur. Sauf pour ceux d’entre vous qui se souviennent des vieilles publicités, vous le reconnaissez ! Les moutons, ils ne sont pas de toutes les couleurs sous nos latitudes, ils sont plutôt blancs, parfois il y a des moutons noirs, peu de nuances de gris. Je compte, j’arrive à des huitante. Enfin quatre-vingt, oui parce qu’ici on hésite un peu à Nyon entre huitante et quatre-vingt, je file sur les nonante, j’arrive à nonante-neuf et il en manque un. Nonante-neuf et il en manque un. Eh bien, me dis-je, il avait pas besoin de s’égarer ? Il n’avait qu’à suivre le troupeau ? C’est son problème ? J’ai fait mes heures, je m’en fiche ? Oui, mais quand même c’est ennuyeux. On voit mal un responsable, une responsable de quoi que ce soit, se comporter ainsi.
Vous voyez le topo, le groupe du troisième âge qui rentre : il en manque un ? La sortie d’entreprise ! Il en manque un ? Pour les classes, l’école, pas question de cela… Alors le bon berger, la bonne bergère, eux, vont mettre à l’abri leur troupeau et sortir pour retrouver le centième.

Centième mouton, centième billet, centième pièce comptable, centième voiture, centième pièce de puzzle, ce centième que vous êtes peut-être, centième note de musique... C’est une question de déontologie et en plus c’est biblique. Il en manque un, on va le chercher, et on le trouve, et on le ramène. Médiatiquement parlant, vous le savez, cela fait plus de bruit un train qui arrive en retard que nonante-neuf autres qui arrivent à l’heure. Médiatiquement parlant, cela fait plus de bruit, et c’est le cas de le dire, une voiture en contresens que toutes dans le bon sens.

Mais, dans l’histoire humaine de la brebis perdue, du nonante-neuvième mouton qui s’égare, il n’appartient à personne de l’accuser de s’être perdu, mais d’aller la chercher. Que l’on soit un enfant perdu, un ministre perdu, un homme ou une femme simplement à trouver, à retrouver. C’est toute la différence et c’est ce qu’Il fera.

Narration de l’Evangile de Jean 20, 19-24

Prédication en « tu »

Il arrive parfois dans l'existence des choses qui font hurler de rage. Tu te rends compte, tu étais en train de boire un pot sur une terrasse et tu apprends le lendemain qu’à la terrasse à côté, une star sirotait un café. A la terrasse d’à côté, oui, il fait enfin beau et chaud. Non ce n’était pas Georges et son « what Else ! » Selon les générations on pourrait aller de Alain Morisod à Lady Gaga, ou de Justin Bieber à Shakira, Shakira-Shakiri, ou Johnny, ou Ueli le Président, enfin, vous m’avez tous très bien compris, une star était à la terrasse voisine. Il y a de quoi rager non ? Mais dans une vie ordinaire une telle occasion de revoir tel ou telle personnage ne se représentera pas.
Tout comme d'avoir accepté le 25 mai rendez-vous chez tante Albertine. Alors tu n’as pas vu le problème, tu te dis que le 25 mai tu ne vas rien manquer, pas vrai... Et te voilà coincé chez la vieille tante qui n'a pas la télévision alors que l’Europe entière assiste à la finale de la Champions-League. Voir Lionel ! le Messie. Parole de François ! C'est rageant, non...

Eh bien dans l'ordre des absences stupides, Thomas, dans l'Evangile est recordman du monde. Ce disciple est vraiment à la terrasse d'à côté. Le soir où le Christ apparaît afin de lever tous les doutes sur sa résurrection. Il n'est pas là. C’est ce que raconte l’Evangile de Jean au chapitre 20 que je vous invite à relire chez vous. C'est un risque essentiel de la vie, à force de ne rien vouloir manquer, on risque de tout manquer. Ça c'est la vie qui zappe. Thomas avait peut-être une bonne excuse pour ne pas être là. C’est çà la vie qui zappe. Et son histoire a au moins le mérite de nous faire réfléchir là-dessus: où es-tu quand je suis là ? Où seras-tu quand je reviendrai ?

La maison, la réunion clandestine pour tenter de comprendre ce tsunami géant du tombeau vide, la porte cadenassée, le Christ est déjà dedans, il est dedans les portes bien fermées, il est dans les coffres-forts, dans le cœur des plus durs, dans l’ombre de l’aube profonde. Ici on ne zappe pas, c’est essentiel : la paix de Dieu vient sur tous ces résistants, sur tous ceux qui ne fuient pas à la Parole du Christ. Sur tous ceux qui demeurent !
Paix, souffle, envoi. Thomas, la vie qui zappe ! Mais on a tous manqué des rendez-vous !

Narration de Jean 20, 24-29

Prédication en « nous »

Allons au fond de l’histoire. Thomas nous rend bien service, car il est dans notre situation. Au fond de lui dort un scientifique qui s’ignore. Un vrai scientifique. Avant l’heure de Descartes, voilà un type raisonnable. On lui raconte des choses extraordinaires, la résurrection du Christ, des gens qui l’ont vu et lui n’y croit pas, il est plus que sceptique. Il veut des preuves. Et ici il y a encore quelque chose de très intéressant, il veut des preuves dont il détermine lui-même la nature et c’est très important, il détermine lui-même les preuves dont il a besoin.

C’est un pari de la foi qui est assez osé, il veut voir et toucher. Deux des cinq sens. Alors que ses amis ont vu, entendu, et été touchés par le souffle, trois des cinq sens. Mais lui veut ramener les choses à sa personne, mettre la main et j’ajoute avec un peu de dégoût, on se dirait dans un épisode un peu glauque des experts.

Séquence polémique :
Petit a : Il pouvait faire confiance aux copains ! Hommes et femmes mais… dans leur grande globalité, les gens ne le font pas.
Petit b : Il pouvait faire mollement confiance aux copains dans leur grande globalité, les gens ne le font pas. La question demeure : « est-ce que je vais tout lâcher parce que mes amis ont eu un événement spirituel majeur dans leur vie et les suivre ! ».
Petit c : Il pouvait tout nier « Moi Monsieur, Madame, je veux voir et toucher, alors je croirai. Thomas refuse l’expérience de toute une communauté en demandant à pouvoir juger par lui-même, c’est décidément un homme moderne que j’aime beaucoup

Séquence bizarreries : Aimez-vous les bizarreries ? Je vous en livre tout un paquet: Jésus qui joue les passes-murailles. Dans le premier rendez-vous, il ne veut pas qu’on le touche et il souffle sur eux. Dans le second rendez-vous il veut qu’on le touche, mais voilà que Thomas ne le touche pas, pourquoi ? Comment sont les cicatrices, en bon français les stigmates ! Bien refermées, justes refermées, sont-ce comme des vieilles cicatrices que nous aurions, bien guéries ? Où encore saignantes ? On sait pas ! Et ce trou au côté… nous n’aimons pas cette image. Pourquoi tant de précision sur cette porte verrouillée ? Et il entre comment Jésus quand tout est au noir et au blocage ? Bien des questions.
J’observe, avec beaucoup de monde avant moi, ces étrangetés, ces bizarreries, et je crois qu’elles peuvent toutes nous montrer des choses importantes, mais je n’ai pas le temps… la vie qui zappe.

Revenons au fond du fond : Ce qui est le plus étrange, et plus étrange que les bizarreries, et qui ne doit pas égarer notre esprit. Il ne faut pas l’oublier ce ne sont pas les marques, d’autres mystiques les ont eues, on s’en fiche des stigmates, non ce qui est fou c’est la présence du Christ. Et ce qui est super fou, c’est qu’en plus c’est une présence non pas pour nous, mais pour une personne, et en plus une personne qui doute. Alors bon sang, si on se met à sortir en laissant les nonante-neuf moutons pour aller chercher le centième, où va-t-on ? Où va le monde si l’on se met à sortir pour retrouver la brebis égarée ?

Le monde irait mieux. C’est plutôt bien non qu’il se soucie d’un parmi les autres. Thomas. Qu’il se soucie de moi parmi les autres. Qu’il se soucie de nous parmi tous les autres. Qu’il prenne soin de notre aller, comme de notre arrivée. Cette particularité nous va bien. Individus que nous sommes tous. « Mon Seigneur et Mon Dieu » répondra Thomas

Confession de foi
La confession de foi que fait Thomas est belle et des plus simples : « Mon Seigneur et mon Dieu » et nous, nous avons fait des choses plus compliquées et cette prédication devra bien se terminer par un « Amen », sinon, serait-ce une prédication. Il se trouve que dans notre livret de chant, à la toute dernière page, ou dans nos mémoires, il y a la confession de foi. Celle des Eglises. Celle qui fait que nous ne sommes pas que des individus, mais que nous pouvons faire résonner ensemble, ici et au loin ce bien, ce bien communautaire, c’est un bien qui ne nous appartient pas, une confession qui dépasse largement l’espace de ces murs et le temps de ce culte. Je vous invite à prononcer ensemble une confession de foi qui pourrait se résumer à « Mon Seigneur et mon Dieu », mais qui a été pensée d’une manière plus complète.

La confession de foi de Thomas est belle. Celle des églises est sans doute plus compliquée, répondant à d’autres exigences que celle de l’individu, mais je vous propose de la faire bien résonner, ensemble, ici et chez vous. Car elle est le bien précieux issu de ces temps lointains, un bien communautaire qui dépasse largement les confessions pour nous unir.
Je crois en Dieu / le Père tout puissant, / Créateur du ciel et de la terre.
Je crois en Jésus-Christ, / son Fils unique, / notre Seigneur, / qui a été conçu du Saint-Esprit, / et qui est né de la vierge Marie. / Il a souffert sous Ponce Pilate. / Il a été crucifié. / Il est mort. / Il a été enseveli. / Il a forcé le séjour des morts. / Le troisième jour, il est ressuscité des morts. / Il est monté au ciel. / Il s’est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, / et il viendra de là pour juger les vivants et les morts.
Je crois en l’Esprit saint. / Je crois la sainte Eglise universelle, / la communion des saints, / la rémission des péchés, / la résurrection des morts / et la vie éternelle. Amen.

Heureux ceux qui sans avoir vu ont cru !
Alors, quel que soit la couleur de vos yeux
Les bruns, les bleus, les gris, les noirs, les verts, les yeux qui ne voient plus très bien, ou ne voient plus rien du tout.
Heureux ceux qui sans avoir vu ont cru !
Parce que Thomas, lui, a eu la chance de demander une preuve et de se trouver confronté à sa bêtise ou sa présence, à avoir choisi la mauvaise terrasse un soir, heureux ceux qui comme nous sont capables à distance de croire, sans voir.

Recevez la bénédiction de la part de Dieu.

Détails

Avec la participation de
Ellen Renaud
Orgue
Daniel Meylan
Musique