Matinée oecuménique dans le cadre du festival "Notes d’équinoxe à Delémont"

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Écouter le culte :

Avec « Notes d’Equinoxe », ce week-end, ici à Delémont, est placé sous le signe de l’universalité de la musique. Alors, pas besoin d’aller cherche trop loin le thématique de cette prédication, - c’est du tout cuit ! Je vous invite donc à nous saisir de cette notion d’universalité. « Universel », un mot que nous retrouvons d’ailleurs, tout à l’heure, dans notre liturgie, lorsque nous réciterons le Credo : « Nous croyons en la sainte Eglise universelle », comme le disent les Réformés, « Nous croyons la sainte Eglise catholique » comme le disent les catholiques. Cette petite différence terminologique vaut la peine d’être clarifiée, d’autant plus dans le cadre de ce culte œcuménique. En grec, langue originale du Credo, « universel » se dit « katholikos », adjectif que l’Eglise catholique a repris tel quel, alors que les Réformés ont simplement traduit ce terme par « universel », pour les francophones du moins !

Ceci dit, je vous propose, dans une première phase, de réfléchir un peu et de manière globale à ce terme « universel » avant de resserrer notre propos sur la manière dont Jésus envisage l’universalité de la foi, à travers le texte de l’évangile de Matthieu que nous avons entendu tout à l’heure. Vous verrez, c’est plutôt décapant !

Commençons donc par les généralités ! On le sait, ce qui fait la beauté de la création, c’est la diversité, diversité du monde minéral, diversité du monde végétal, diversité du monde animal, diversité ethnique dans l’humanité. Que le monde serait terne et ennuyeux, s’il n’y avait qu’une sorte de pierre, de végétaux et d’animaux. Cela pourrait fonctionner mais serait terriblement ennuyeux. Non ! L’œuvre créatrice de Dieu a visé la diversité, les nuances, l’altérité. C’est cela qui fait le charme et la beauté de la création.
Mais le fil rouge qui traverse cette heureuse diversité, c’est précisément l’universalité. Et l’universalité, c’est ce lien profond qui fait que ces multiples éléments si divers ne sont pas isolés et absolument étrangers les uns par rapport aux autres. Eh oui ! La recherche de l’universalité est une manière de dire :
« Je ne veux pas être seul dans et avec ce que je suis ». J’ai besoin d’être en lien avec tout ce qui m’entoure. Et pour que ce lien puisse s’établir, il faut que je trouve quelque chose de moi-même dans l’autre et vice versa. C’est la condition minimale de toute possibilité de communiquer. Incroyable, - l’exemple est peut-être exagéré mais cela joue même avec un bloc de calcaire. Eh oui ! un atome de carbone de ce bloc de calcaire est exactement le même qu’un atome de carbone de mon corps. C’est déjà un début dans une relation même si cette relation avec un bloc de calcaire ne mène pas très loin ! Mais universalité de la matière tout de même …
Sur le plan humain, nous sommes souvent confrontés à des situations dans lesquelles, a priori, tout nous sépare : l’ethnie, la langue, la culture, la religion, la cuisine. Je peux bien sûr mettre en avant toutes ces différences et ainsi ériger un mur de la non-communication. Ou alors, plus positivement, je peux essayer de traverser ces séparations et chercher chez cet autre si différent, ce que nous avons de commun. Cela n’est rien d’autre que de la bienheureuse quête de l’universalité. Je le répète la quête de l’universalité est une manière de dire : « Je ne veux pas être seul dans et avec ce que je suis », besoin fondamental d’avoir un vis-à-vis, un répondant.
Ne pas être seul dans ce que je suis… Voilà peut-être ce qui pousse les astrophysiciens à aller voir inlassablement, aussi loin qu’ils le peuvent, s’il n’y aurait pas de vie sur une autre planète. La vie biologique, n’est-elle que le propre de notre petite planète perdue dans l’immensité de l’univers ou est-elle un phénomène universel ? On attend toujours la réponse.
Arrivés à ce point, nous pouvons affirmer que la conscience et la recherche de l’universalité est une sagesse, une démarche bonne en soi, quelque chose en phase avec nos convictions religieuses, dans le sens où elle vise à maintenir et établir des relations qui s’inscrivent dans l’amour, dans le meilleur des cas.
Mais hélas, comme une pièce de monnaie a toujours deux faces, la sagesse de l’universalité a aussi son revers. L’universalité devient perverse quand elle devient pensée unique, totalitarisme ou mondialisation économique. Et cette perversion ne touche pas seulement le monde politico-économique mais aussi la religion en général et notre christianisme lui aussi. Désolé de devoir le dire mais la religion chrétienne n’échappe pas à la tentation de la pensée totalitaire ! Dès qu’une Eglise, dès qu’une communauté chrétienne se déclare seule dépositaire de la vraie foi chrétienne et du Saint-Esprit, cette Eglise n’est plus universelle, mais totalitaire. Qui aurait envie de dire : « Je crois la sainte Eglise totalitaire » ?

Frères et sœurs ! A partir de là, je vous invite maintenant à observer comment le Christ profile l’universalité de la foi.
Voici donc, cet officier romain qui pénètre le cercle des auditeurs juifs de Jésus pour lui demander de guérir son serviteur malade. Nous sommes tellement habitués aux textes bibliques que bien souvent nous ne voyons plus la tension interne de ce texte.
Pour bien visualiser la tension qu’il y a dans notre texte, c’est un peu comme si lors de la dernière guerre, un officier SS était entré dans une synagogue pour aller consulter un rabbin ! Bref ! Cet officier réunit en lui tout ce qu’il faut pour ne pas aller vers le Christ :
- Un païen polythéiste qui eu égard à sa fonction de chef militaire romain doit sacrifier aux dieux de la guerre.
- Un chef des troupes d’occupation de l’ancien Israël.
Un paria haïssable tant sur le plan politique que religieux.
D’ailleurs, Jésus lui-même dit son étonnement en le voyant s’approcher pour lui demander une faveur : « Quoi ? Toi, tu viens me demander une guérison » ! Et cet officier est loin d’être niais se met à argumenter. Notez bien qu’il ne dit pas à Jésus : « Oui, je sais, je ne suis qu’un pauvre païen, oppresseur de ton peuple. Mais je suis prêt à changer, prêt à te suivre, à me faire baptiser, à demander ma carte de membre… » Rien de tout cela. Chose remarquable, l’officier garde sa ligne et va puiser ses arguments dans sa propre expérience de militaire. Cet homme a l’habitude de donner des ordres et aussi l’habitude de voir ses ordres exécutés.
Conclusion : Par expérience, cet homme a une claire conscience de l’efficacité de la parole, une parole qui n’est pas langue de bois ou bla-bla mais une parole efficiente, efficace. « Alors, toi Jésus, de ton côté, dis une seule parole et mon serviteur sera guéri » !
Frère et sœurs, c’est maintenant le moment du renversement : Jésus reçoit cinq sur cinq les arguments et la demande de l’officier païen, arguments de cet homme qui croit à l’efficacité de la parole… celle de Jésus, en l’occurrence.
C’est maintenant aussi que Jésus va jeter le gros pavé de l’universalité dans la mare des particularités religieuses. « Amen, je vous le déclare, je n’ai jamais vu une aussi grande foi en Israël » ! Dire cela, c’est déjà beaucoup, une vraie provocation. Mais Jésus pousse encore le bouchon un peu plus loin en déclarant qu’un homme tel que celui-ci devancera les fils d’Israël devant Dieu !
Evidemment, en entendant cela, les chrétiens que nous sommes, se donnent du coude et rigolent puisque ce sont de nouveau les Juifs qui en prennent pour leur grade ! Vision commode, facile et simpliste parce que la translation est vite faite si l’on ne veut pas neutraliser ce texte mais y entendre une parole pour nous. Voilà ce que nous avons à entendre aujourd’hui : Face au dernier paria religieux, entendre le Christ nous dire : « Amen, je vous le dis, je n’ai jamais vu une si grande foi dans vos Eglises, toutes dénominations comprises » !
Ce passage de l’Evangile nous montre, à l’évidence, que l’universalité de l’Eglise ou des Eglises ne se joue pas sur le terrain de nos compromis institutionnels, de notre reconnaissance ou non reconnaissances réciproques. L’universalité de foi se joue exclusivement dans notre face à face avec le Christ en dépit de qui nous sommes et d’où nous venons. Et si nous redoutons ce face à face avec le Christ à cause de ce que nous sommes, pensons au pedigree de l’officier romain ! Nous avons encore de la marge, me semble-t-il.
Amen

Détails

Avec la participation de
François Xavier Gindrat, prêtre et Dominique Olgiati
Orgue
Gérard Kummer
Musique
Glo Gospel, direction Sophie Kummer