Culte de longue veille

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Écouter le culte :

1ère partie : Jésus lumière pour l’homme (Luc 2, 1 – 20)

Que serait la crèche sans l’âne et le bœuf ? Ils ne sont pas mentionnés dans le récit biblique et pourtant leur présence vraisemblable fait partie de l’image d’Epinal que nous propageons quand nous évoquons de la naissance de Jésus. Ils contribuent à embellir l’atmosphère chaleureuse de la naissance du fils de Dieu. Pourquoi pas ! Bien que je ne sois pas certain que l’aspect attendrissant de l’événement soit le plus significatif de cette naissance.
Le problème c’est que la tradition n’en est pas restée là. Le besoin de miraculeux des croyants, une fois de plus a peint une couche de surnaturel sur ce qui – somme toute – est bien naturel. L’âne et le boeuf se mettent à parler, ce qui est déjà un exploit mais qui plus est, en latin !
« Le latin des ânes (nous dit la chanson du de l’Abbé Bovet) est connu des bœufs, l’un croit braire… et dit soudain natus, l’autre pour parfaire, lui répond Christus ». Personnellement je préfère oublier ce détail qui consiste à diviniser ce que Dieu a pris tant de soin à humaniser. Notre bœuf est un bœuf et notre âne reste un âne. Ce dernier par contre joue dans les Evangiles un rôle modeste qui n’est pas fortuit. On le voit descendant de Nazareth à Bethléem avec Marie sur son dos, quelques jours avant la naissance de Jésus, puis notre animal réapparaît quelques jours avant la mort du Maître, accompagné d’une foule excitée qui crie sans comprendre : « Qu’il soit béni celui qui vient au nom du Seigneur, paix dans le ciel et gloire aux plus hauts des cieux.» En ces temps troublés, qu’il est rassurant ce Messie, qui certes n’a pas d’armée à son service, mais qui peut à tout instant appeler à sa rescousse des légions d’anges qui bientôt, c’est certain, viendront damner le pion à ces Romains arrogants.

« Vous avez des yeux et vous ne voyez pas, …vous êtes incapables de lire les signes des temps. » répète Jésus à la foule. Le temps est venu pour toi, Jérusalem, d’abandonner tes fantasmes et d’accepter la réalité. Le Fils de Dieu n’est pas celui que tu crois. Il n’a pas d’avantage l’intention de chasser les armées romaines que de se jeter du faîte du Temple pour impressionner la foule incrédule.
Dieu d’ailleurs ne s’intéresse pas d’avantage aux ânes qui parlent latin ! Vous êtes aveugles quand vous refusez la désarmante simplicité du Fils de l’Homme, son déconcertante humilité et sa scandaleuse fragilité. Or c’est ainsi paré que Dieu a décidé de vous rencontrer. C’est seulement dépouillé de tout artifice que l’homme et Dieu peuvent se rencontrer.
Demain, regardez bien la crèche déposée au pied de votre sapin ; oubliez le boulanger, le ferronnier, le marguillier, le curé, la lavandière ou l’épicière et concentrez-vous sur l’essentiel : Marie, Joseph, les bergers, les animaux d’une étable et les mages, c’est largement suffisant pour vous imprégner de cette image qui annonce si bien le dépouillement et l’humilité de la vie de Jésus.

Par contre vous aurez peut-être d’avantage de peine à imprimer cette simplicité dans le repas de Noël que vous avez préparé. Qu’à cela ne tienne ! A défaut d’un repas frugal, essayez tout de même de vivre simplement ce repas de fête qui s’avère, c’est vrai, souvent bien compliqué. Il faut, pour préserver un peu d’harmonie éviter les sujets qui fâchent, ne pas placer oncle Gaspar à côté de son neveu antimilitariste et assumer l’absence de ceux qu’on a volontairement oublié d’inviter, parce qu’ils ne manquent jamais une occasion de réveiller d’anciennes querelles.
Supposons tout de même que vous parveniez à éviter ces écueils et que votre Noël joyeux et harmonieux vous permette d’évoquer l’essentiel : Jésus devenu grand, mais dont la véritable grandeur sera précisément d’avoir su rester petit, simple et fragile comme nous, refusant de faire appel à sa condition divine pour fuir cette humanité qu’il a volontairement accepté d’endosser. (Voyez à ce sujet le récit des tentations auxquelles Jésus à été soumis dès le début de son ministère. Cf. Mt. 4,1 – 11)

Ceci me fait penser à ces moines français de Tibhirine en Algérie dont l’assassinat a fait la une de nos journaux il y a une quinzaine d’années et qui, en cette période troublée, avaient refusé de se mettre en sécurité dans leur patrie, afin de rester jusqu'au bout, avec ces villageois dont ils avaient décidé de partager la vie. C’est là qu’ils ont pris racine, c’est là que la mort les rejoindra. Je vois là l’expression de cet amour parfait qui n’accepte aucune échappatoire. Un véritable ami reste là jusqu’au bout. Sa fidélité devient alors l’expression même de la tendresse de Dieu.
Mon Dieu, en ce Noël, fais-nous la grâce de voir ce qui ne crève pas les yeux, c'est-à-dire ton humanité et ta fidélité par cet enfant qui naît à Bethléem.

2ème partie : Jésus, lumière pour tous les hommes (Matthieu 2, 9 – 11)

« Sur vos dromadaires, Mages d’Orient parcourez la terre pour découvrir le roi des rois. Dans une étable trouvez l’enfant, il est adorable. A lui l’or, la myrrhe et l’encens » nous dit la chanson de l’Abbé Bovet.
Si l’interprétation de la naissance de Jésus que nous donne l’évangéliste Luc, rappelant l’indéfectible solidarité de Dieu avec sa création est essentielle à la compréhension du christianisme, c’est celle de Matthieu qui me semble devoir montrer clairement le chemin d’avenir du christianisme. Sensible au messianisme juif qui voyait affluer à la fin des temps les nations du monde entier à Jérusalem y apportant leurs offrandes et leurs hommages, Matthieu met en valeur la visite des trois mages orientaux auprès de Jésus. L’ouverture du christianisme aux autres nations est un élément essentiel de la foi chrétienne, mais qui n’est pas toujours accepté comme tel.
Pour Jésus l’ouverture aux autres n’est pas d’abord une démarche intéressée qui consiste à intégrer de nouveaux adeptes à une nouvelle communauté, mais bien plutôt de leur donner une véritable place dans la nouvelle économie du salut qui respecte pleinement leur identité. Nos Eglises n’ont-elles pas souvent un regard condescendant sur les croyants des autres Eglises qu’il faut bien accepter, mais qui restent convaincus de la supériorité de leur communauté. Ce qui, à l’évidence ne correspond guère à l’attitude de Jésus.
Du temps de Jésus beaucoup de juifs méprisaient les samaritains impurs de race et de religion. Or c’est précisément ceux-là que Jésus a pris maintes fois en exemple pour obliger ses disciples à relativiser leurs barrières religieuses et territoriales qui les sécurisaient tant.
La Samaritaine que Jésus a rencontrée au puits de Jacob, était profondément troublée par le fait que certains affirmaient fermement que le centre de la foi se trouvait à Jérusalem et que c’était là qu’il fallait adorer Dieu. Ceux de son peuple affirmaient au contraire que c’était en Samarie, au Mont Garizim. Jésus dit alors à cette femme étrangère cette parole prophétique qui bouleversera la foi de l’époque et qui devrait continuer à nous interpeller encore aujourd’hui.
« Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. L’heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » (Jean 4, 20 – 24). En d’autres mots, la foi ne sera plus référée à un lieu symbolique et sacré, ni à des pratiques religieuses normatives – bien que ces dernières s’avèreront toujours nécessaires, mais pas essentielles. La foi devient d’abord une affaire de cœur, d’amour et de justice.

Les lieux symboliques auxquels sont rattachés nos Eglises : Rome, Constantinople, Genève, Jérusalem ont leur histoire qui a son importance, mais il y a plus grand que le catholicisme, l’orthodoxie, le protestantisme ou le judaïsme. Quand le prophète Isaïe voit les nations du monde entier apporter à Jérusalem l’or et l’encens, quand le visionnaire de l’Apocalypse mentionne les rois de la terre contribuant à la gloire de la Jérusalem céleste, ils élargissent la foi aux dimensions de l’humanité !
Mais quelle gloire apportent-ils ? Celle de leur pouvoir, de leurs lieux saints, de leurs armées, de leurs territoires conquis ? Certainement pas. La gloire pour Jésus est d’un tout autre ordre. Jésus sera « élevé » – pour reprendre les termes de l’Evangile de Jean – le jour de sa mort au Golgotha, pulvérisant ce jour-là, comme il l’a fait tout au long de ce ministère, les images traditionnelles d’un Dieu invincible et tout puissant. Dieu a volontairement subi les outrages de ceux qu’il venait rencontrer et aider, sans pour autant les condamner. La « gloire de Dieu », c’est l’incompréhensible solidarité de Jésus avec les pauvres et les démunis, victimes habituelles de l’injustice, sans pour autant que celui-ci rejette les auteurs de cette dernière.
Dieu n’est que pardon, voilà la gloire dont toutes nos Eglises et je dirai même toutes les religions, devraient se prévaloir. L’amour, le pardon et le respect de la justice manifestés par Jésus-Christ, voilà la splendeur que l’enfant de Noël vient nous proposer et qui certainement constitue la crédibilité de notre christianisme.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Agnès Biolay, Pierre-André Loizeau, Jacqueline Tirabosco.
Orgue
Irina Alieva
Musique
Sabine Matouch, soprano