Un acte de foi pas forcément spectaculaire

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Chers amis,

Que d’aventures avant la guérison de Naaman ! Que d’éléments surprenants, de rebondissements et de qui-propos. Une petite fille qui voit les problèmes de santé d’un roi dont elle est la servante, l’esclave et qui a pitié de l’oppresseur de son peuple, Israël. Un adulte qui suit les conseils d’un enfant. Un prophète, Elysée qui ne se laisse pas impressionner par l’ennemi couvert d’or et d’argent. Un roi d’Israël qui se sent menacé alors qu’il se trouve simplement face à un malade à la recherche du bon remède. Une guérison ni merveilleuse, ni fracassante qui s’opère lors d’un bain rituel.
Ce récit est déroutant comme peut l’être le quotidien. En évitant les clichés, il montre que la vie ne se déroule pas comme on la prévoit. Que les soutiens proviennent de personnes et de façons inattendues.
L’histoire de Naaman souligne le parcours de celui qui a l’habitude de commander, mais qui au travers de problèmes de santé apprend petit à petit la dépendance des autres, le passage obligé du pouvoir, de la richesse au dénuement, ceci en vue d’une vie nouvelle.
Pour être guéri, Naaman va devoir se baigner sur territoire ennemi, en Israël lui le Syrien. La guérison peut changer totalement l’individu, c’est en cela qu’elle devient réellement miraculeuse. Le chef militaire deviendra croyant dans le Dieu unique de ses ennemis, nous apprend la suite de l’histoire. Naaman reconnaît la bonté de ce Dieu à son égard et veut l’honorer en devenant lui aussi bon. Il franchira différentes étapes jusqu’à celle de l’abaissement total devant lui.

On attend des personnalités, des hommes et les femmes publiques qu’elles sortent du commun et on s’arrête plutôt sur leurs forces que leurs faiblesses. Dernièrement j’ai été frappée par la dignité de Monseigneur Genoud peu avant sa mort. Sa modestie, le dépouillement devant la mort de cet évêque si apprécié en Suisse romande dans ces derniers instants, pour moi, parlaient davantage de sa foi en Dieu que les débats théologiques auxquels il a participé.
On a relevé à l’époque que Naaman un chef militaire était fort et puissant, un commandant estimé et même le favori du roi. Son nom en ougaritique signifie gracieux, agréable. Même malade il relève la tête à cause de son statut, fier de sa position, il ne perd pas de sa superbe. Mais son apparence n’impressionne pas l’enfant qui voit le fond de son cœur, qui voit sa souffrance. Les rôles s’inversent. C’est grâce à son intervention que Naaman va cheminer vers sa guérison car la servante voit l’homme avec sa souffrance plutôt que l’ennemi.
Cela m’a fait penser à un passage du film Des hommes et des dieux. On voit des musulmans intégristes qui veulent chasser des religieux de leur monastère alors que ceux-ci offrent des soins aux villageois très pauvres et l’un des moines cite alors le Coran pour les dissuader de les mettre dehors. C’est déroutant de la part d’un moine chrétien, mais quelle inspiration ! Il rejoint l’autre dans sa réalité humaine d’homme de foi comme la petite fille qui voit l’homme capable de croire derrière le roi.
Cela sonne juste. Chaque personne prise individuellement au sérieux mériterait d’être vue comme potentiellement croyante en Dieu ou plus simplement comme capable de faire le bien au-delà des on-dit, des apparences. Je vois un parallèle avec ce que Jésus dit dans l’Evangile de Luc : « Père, je te loue, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits. »
Le chemin de guérison de Naaman se poursuit toujours déroutant. Le roi d’Israël qui a reçu une lettre du roi de Syrie croit que c’est un piège. Il veut se mêler de l’affaire alors qu’il n’est même pas concerné. Qui de nous n’a pas cru devoir intervenir alors que cela ne lui a pas été demandé ? Qui ne se sent jamais dépassé par une demande alors que quelqu’un d’autre peut répondre de manière plus efficace ?
Alors le prophète Elysée intervient en faveur de Naaman, en il lui faisant dire de se plonger dans le Jourdain à sept reprises. Imaginez la scène : mais c’est comme un remède de grand-mère, des conseils de magazines qu’on lit chez le coiffeur ou en vacances, cela ne semble pas sérieux. Or justement la guérison en vue du bien-être nécessite une foi toute simple qui prend place dans des parcelles de l’existence qui sont blessées. Comme l’écrit Etty Hillesum, morte dans un camp de concentration : il faut faire un abri à Dieu en nous.

La guérison, la nouvelle vie possible passe au travers d’un acte de foi qui dit oui à Dieu, qui l’intègre à sa vie blessée, qui accepte de s’abaisser, de plonger en profondeur en soi pour retrouver la trace de Dieu qui lui veut du bien, qui veut le bénir. L’histoire nous dit que Naaman va se plonger dans l’eau. L’eau qui symbolise la purification, la simplicité, car elle glisse et apaise les souffrances, l’eau va détendre toutes ses crispations, celles occasionnées par le pouvoir en grande partie, l’eau l’inonde de bonheur. Naaman retrouve l’essentiel, Dieu qui lui veut du bien, qui caresse sa peau et la rend comme celle d’un nouveau-né.
Bien sûr on ne peut s’empêcher de penser au baptême sacrement de la vie nouvelle. La véritable guérison réside dans une vie renouvelée. J’aimerais revenir au rôle crucial des serviteurs. Ils le raisonnent en lui disant : « Fais ce qui est simple. Lave-toi et tu seras pur. » De la même manière que la petite servante-esclave, ses serviteurs interviennent comme des intermédiaires entre Naaman et Dieu.
Les catholiques font une place aux Saints qui parlent de Dieu, un peu comme ces serviteurs. Par contre, j’apprécie l’anonymat des serviteurs du récit, un anonymat qui nous laisse libre de reconnaître qu’à un certain moment de notre vie telle ou telle personne a compté dans notre vie et nous a aidés à nous relever d’une difficulté. De plus je ne peux m’empêcher de penser à Jésus, serviteur de tous et même Serviteur souffrant proche dans tout ce que traverse l’humanité.
Nous avons suivi le parcours de Naaman qui paraît bien tortueux pour arriver à une guérison sans fracas. Un peu comme nos histoires compliquées qui pourraient trouver une issue heureuse: Plongeons-vous dans la foi en Dieu pour retrouver un regard neuf, un regard d’enfant sur la vie qui nous fait voir les autres non comme une menace mais comme un soutien. Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Véronique Contri
Musique
(Mlle) Camille Bosshart violoniste; Cédric Wehrlé, accordéon; Chorale -Cène