Nul ne sait ni le jour ni l’heure !

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De nos jours, cela se rapporte à l’heure de notre mort ! Nous savons plus ou moins bien ce que veut dire se préparer à mourir ou plus exactement vivre avec l’idée de la mort et ce que l’on peut en retirer. Par contre, nous ne savons plus très bien de quoi Jésus parle quand il lie de façon étroite le fait de veiller et d’attendre son retour. Notre contexte a tellement changé que je trouve intéressant de relire à nouveaux frais l’exhortation à veiller - qui semble si simple pourtant !
Le commandement de veiller et prier dans l’attente du retour du Christ parcourt les Evangiles et les épîtres. Plusieurs images le soutiennent dont notamment celle du maître qui s’en va laissant seul les serviteurs. Cependant une autre image existe, celle que vous venez d’entendre : l’image du voleur qui ne pénétrerait pas dans la maison si le propriétaire veillait. Deux aspects se dégagent de cette image.
Le premier : si on ne veille pas, on se fait voler. Ne pas attendre Jésus transforme sa venue en un vol. Cela devait être une idée existante parmi les juifs concernant le Messie. Anthony De Mello rapporte, parmi sa compilation d’histoire de différentes traditions religieuses, celle où un fermier juif qui est devenu riche après tant d’années de travail apprend, catastrophé, que le Messie est arrivé! Maintenant qu’il pouvait enfin jouir de ses richesses, la venue du Messie anéantit son projet de vie. De même, attendre le retour du Christ met forcément la vie dans une autre perspective avec d’autres enjeux qui auraient été inexistants sans cette attente.
Le deuxième : l’image du voleur laisse également entendre qu’il y a quelque chose à protéger. Cela donnerait ceci : si vous étiez conscient qu’il y a quelque chose à protéger, vous seriez en train de veiller pour ne pas être dérobé ! Qu’y a-t-il à protéger ainsi ? Dans l’oreille, on entend en arrière-fond une exhortation de Jésus, celle de se faire un trésor au ciel, là où justement le voleur ne peut percer la maison. Ce trésor n’a rien de commun avec les richesses matérielles ou sociales.

Qu’est-ce à dire pour nous qui écoutons cette parole, qui sondons l’enjeu de l’image du voleur ? Concernant l’attente du retour de Jésus, il y a plus forte chance que l’heure de notre mort arrive avant. Même les anciens qui disaient "si Dieu le veut nous ferons cela" évoquaient plus souvent les circonstances que le retour du Christ. Reconnaissons-le pourtant ! Le retour du Christ est un événement qui, si on l’attend, est source d’espérance, contrairement aux autres fragilités de la vie. C’est l’espérance d’un Dieu qui n’a pas déserté la Terre après avoir vécu en Jésus et qui œuvre pour la justice et d’une parole qui après plus de 2000 ans reste fiable.
Dans cette espérance, la peur du lendemain a moins prise et tenant compte de l’engagement de Dieu, une confiance se développe. Cela a définitivement un impact au quotidien ; Je trouve à cet égard le conte de Ruben Saillens du Père Martin plein de sens. Le père Martin avait reçu la promesse que Jésus lui rendrait visite ce jour-là. Dès les premières lueurs de l’aube, il se mit à la fenêtre et attendit. À attendre ainsi cette visite, notre cordonnier n’a jamais été aussi attentif aux autres et à lui-même ainsi qu’à Jésus : aux uns il dit bonjour, à un autre il offrit un café, à une jeune femme, il fit don de chaussures pour son enfant. La conclusion de l’histoire est qu’à chaque rencontre avec le balayeur, les différentes personnes et la jeune femme avec son enfant, c’est Jésus qu’il a de fait rencontré. Cette attente a transformé également tous les autres soucis en les subordonnant à l’attente. J’oserais affirmer là qu’attendre le retour de Jésus veut dire dans le quotidien, tenir compte de l’action de Dieu et de sa visite même si la mort nous prend avant. Quand on attend le Dieu de Jésus qui vient comme visiteur, mais également comme celui qui dans son retour apportera la justice, toute la vie prend une autre dimension et d’autres priorités se font jours.

Et veiller dans ce contexte ? C’est prendre acte d’un trésor qui est la présence de Dieu en nous, son action d’amour au plus profond de notre être. C’est mettre notre cœur dans cette présence afin qu’elle se mêle à notre terre, notre humus. Veiller consiste à discerner aussi Dieu partout, même dans les lieux les plus improbables et dans le temps qui passe, car chaque seconde est porteuse de son amour manifesté en Jésus. C’est une attention si soutenue que d’autres préoccupations deviennent secondes. La crainte est plus de manquer ce rendez-vous que de n’avoir pas assez matériellement ou de réussir dans la vie. C’est une respiration qui lie l’air que je respire au Dieu de la vie. À être éveillé ainsi, je peux comprendre ce que l’Esprit dit à l’église de Sarde. Etre vivant, c’est bien être attentif à ce trésor-là, celui que Dieu nous donne en Jésus, et de moins craindre les autres enjeux de la vie, car Jésus revient, car Jésus est visiteur de nos journées. À être attentif à Dieu qui passe, une sensibilité se développe qui nous rend encore plus attentifs. Nous devenons plus présents à ce que nous faisons, plus unis dans nos impulsions si variées. Ce n’est pas le chemin de la maîtrise de soi et du forcing moral. Ce n’est pas le chemin de la méditation où sont cherchés le détachement et la sérénité pour eux-mêmes. Ce n’est pas un chemin pour spécialiste ou intellectuel. Ce n’est même pas un chemin pour ceux qui ont du temps. C’est le chemin de tous ceux qui veulent simplement rencontrer l’amour du Père manifesté en Jésus. Alors, veiller devient un soin à la relation à nous-mêmes, à Dieu et aux autres. Cela est affaire de tous ceux qui attendent encore le retour de Jésus et déjà sa visite au quotidien.

Nul ne sait ni le jour, ni l’heure…. Et comme cela fait plus de 2000 ans, cela affadit notre foi ! En fait, peut-être à la manière de la sagesse orientale, plus que le but, c’est le chemin qui est important. On ne verra pas le retour du Christ ? Qu’à cela ne tienne : veillons, car Dieu est présent au sein de ce monde. Le royaume de Dieu s’est approché en Jésus ! Nous avons beaucoup plus à perdre, nous chrétiens, à se poser cette question si fatale : « Dieu a-t-il vraiment dit ? » que de veiller et de cueillir les fruits d’un cœur à cœur avec Dieu. Pour veiller ainsi, il faut attendre un Dieu qui parle vrai, comme il l’a fait en Jésus et dont les paroles ont encore un sens même pour aujourd’hui ! Cet éveil permettra de ne pas ressembler à la grenouille mise dans une casserole d’eau qu’on chauffe ; s’adaptant à la température, elle finit par mourir cuite ! Dieu nous en préserve !

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Daisy Bacca
Musique