Je suis avec vous tous les jours… !

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Les dernières paroles d’un personnage célèbre, le discours d’adieu d’un politicien en fin de mandat et même la dernière prédication d’un pasteur partant à la retraite sont toujours écoutées, disséquées attentivement. Or, le thème de prédication retenu pour ce 4e culte radiodiffusé à St-Martin, « Je suis avec vous tous les jours… » fait partie, dans l’évangile selon Matthieu, des dernières paroles du Christ avant son Ascension. Elles méritent donc sans doute une attention particulière.
Sur le papillon qui annonçait nos 4 cultes à Vevey, ces 4 « Je suis » du Christ reflétaient idéalement notre désir d’exprimer l’excellente collaboration vécue entre nous au fil des années dans cette ville. Mais voilà, dans le texte biblique, ce « je suis avec vous tous les jours… » de Jésus est précédé par « …et voici moi, je suis avec vous… », soulignant que ces mots ne sont que la fin d’une phrase qu’il serait malhonnête de tronquer, en exégète qui se respecte ! Ecoutons donc le paragraphe entier de ces paroles célèbres !
« Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée. Quand ils le virent, ils se prosternèrent devant lui, mais quelques-uns eurent des doutes. Jésus s’approcha et leur dit : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à mettre en pratique tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 16 – 20).

Même en face du Ressuscité, quelques disciples eurent encore des doutes, comme nos jeunes du catéchisme! A ne pas confondre trop vite avec de l’incrédulité. Non ! le verbe utilisé ici par Matthieu ne se retrouve qu’une autre fois dans le Nouveau Testament, et toujours chez Matthieu, au chapitre 14, dans cet épisode troublant où Jésus rejoint ses disciples de nuit, au milieu du lac, en pleine tempête, en marchant sur les eaux. Surmontant sa peur, Pierre, disciple de Jésus, crie à l’adresse de son Maître : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne que j’aille vers toi sur l’eau ! » « Viens !» répondit Jésus ! Et Pierre de passer par-dessus bord pour se mettre à marcher sur l’eau en direction de Jésus. On ne sait pas combien de mètres il a ainsi parcouru, mais, en commençant à s’enfoncer, il a eu peur et a crié : « Seigneur, sauve-moi ! » Et c’est là que Jésus utilise ce même verbe : « Pourquoi as-tu douté ? » Ce verbe souligne donc une hésitation, une certaine crainte, après un acte de foi remarquable. C’est un peu ce que nos jeunes ont essayé d’exprimer, prêts pourtant à faire encore confiance aux promesses de Dieu et de Sa Parole.
Il est certain doute qui ressemble plutôt à une sorte de test, et ce test, dépassé par la réflexion et la prière, peut faire grandir dans la foi. Il t’arrive encore de douter parfois ? Pas de complexe ! Les disciples y ont passé avant toi !

Revenons à ces dernières paroles du Christ ! J’aimerais mettre en évidence aujourd’hui ces trois petits mots « et voici, moi » qui forment une sorte d’articulation entre un mandat : « Faites des disciples ! » et une promesse : « Je suis avec vous tous les jours… » Cette expression, dans la bouche de Dieu, « Je suis (ou je serai) avec toi » se retrouve souvent dans la Bible, et replacée dans son contexte, elle nous permet de constater qu’elle est normalement liée à un envoi, une mission, un mandat personnel (Moïse, Josué, Gédéon, Jérémie) ou communautaire (Israël, une tribu, l’Eglise).
Ces « je suis (ou je serai) avec vous » émis par Dieu lui-même sont promis pour soutenir, combler la faiblesse de l’envoyé. Parfois cette faiblesse est avancée comme objection, comme excuse, pour ne pas obéir à l’appel de Dieu. Moïse se révèle être le champion des objections à ses débuts (lisez Exode 3, 10 ss) ! Il se livre à un véritable marchandage avec Dieu qui a vraiment dû mettre le paquet pour que Moïse y aille et commence à comprendre ce que signifiait réellement « je serai avec toi... » de la part de Dieu. En fait, le problème, ce ne sont pas tellement les objections ou nos doutes, le problème c’est de ne pas écouter quand Dieu prend la peine de répondre aux objections.

Reprenons donc la belle promesse de Jésus à ses disciples en Matthieu 28 : « Et voici, moi, je suis avec vous tous les jours ! » Elle est précédée par un impératif : « Faites de toutes les nations des disciples ! », le seul impératif de ce passage qui résume la mission de l’Eglise pour tous les temps : sa raison d’être est de rester sur terre jusqu’à la fin du monde ! Tout, pour l’Eglise, pour les disciples, donc pour nous chrétiens, tout dans nos vies, nos choix, devrait être subordonné à ce mandat qui fait partie d’une sorte de contrat ou d’alliance entre le Seigneur et ses disciples.
« Faites des disciples ! » Pas du prosélytisme, pas des convertis. Des disciples qui se forment, qui pratiquent ce qu’ils croient, qui se nourrissent des enseignements du Maître et qui, en l’imitant, en se mettant au service de leur prochain, donnent envie de leur ressembler. Sans pression, sans manipulation, sans démagogie !

Et Jésus d’ajouter 3 verbes au participe présent (dans le grec), 3 moyens d’accomplir la mission : allant , baptisant, enseignant tout ce que je vous ai prescrit.
1) Allant. Pas question d’un appel missionnaire particulier. Tous sont concernés. Allant : c’est d’abord l’idée de sortir, de bouger, sans se replier sur ses vérités-certitudes ! Allant : c’est l’anti-statique, l’anti-nombrilisme, c’est la foi rayonnante qui fait sortir de soi pour rejoindre les autres, pour s’intéresser aux autres.
2) Baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. L’épître aux Romains parle de « mourir et ressusciter » en évoquant le baptême. Changement radical, renoncement « à Satan et à toutes ses pompes » (comme l’attestent les premières confessions de foi baptismales du IIe siècle !), refus des combines, des magouilles et de certains conditionnements pollués du monde pour s’imprégner de la mentalité du royaume de Dieu, c’est-à-dire une nouvelle identité pour confesser non seulement Jésus Sauveur, mais Jésus Seigneur, animé par Sa toute-puissance d’amour.
3) « Enseignant à observer tout ce que je vous ai prescrit » Moyen au service de notre mission, dit Jésus. L’unité, l’amour les uns pour les autres, le salut par la foi, le pardon, la sanctification, les dons de l’Esprit, le partage, tout. Tout et pas « le 5e évangile des saints évangéliques » comme le nommait Juan Carlos Ortiz ; ce 5e évangile qui consiste à trier les versets et les doctrines qui nous arrangent sans trop nous préoccuper de certaines exigences qui nous dérangent et qui sont pourtant tout aussi inspirées.
Faites le test, chacun pour soi ! Relisez le Sermon sur la Montagne (Matthieu 5 à 7) et cochez les versets que vous prenez vraiment au sérieux dans vos options éthiques ! Plus j’avance, plus je suis convaincu que l’essentiel qui résume ce « tout » des prescriptions de Jésus est concentré dans son Sermon sur la Montagne. John Stott en parle comme d’un modèle de contre-culture chrétienne à vivre dans notre monde pour proposer un style de vie qui fera réfléchir, réagir nos contemporains.

« Et alors (et voici), moi (de mon côté) dit Jésus, je suis avec vous tous les jours… ». C’est sa part du contrat d’alliance avec nous : Sa présence avec nous, en nous, comme équipement indispensable pour être des témoins crédibles en toutes circonstances, dans les joies, dans les peines, dans l’abondance, dans la disette, dans le succès, dans la défaite. « Et voici, moi, le Ressuscité, vainqueur de la mort, je suis avec vous tous les jours… ! »
On est bien loin ici d’une simple promesse de protection style ange-gardien-contre-les-tracas-de-la-vie. Par cette promesse finale de Jésus ressuscité, Matthieu nous rappelle qu’il avait commencé son évangile en citant une prophétie d’Esaïe concernant le Messie : « on l’appellera Emmanuel, Dieu avec nous ! » (Mt.1, 23). Et au milieu de son Evangile, c’est encore Matthieu qui rappelle cette autre promesse du Seigneur : « Là où deux ou trois s’assemblent en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt. 18, 20).
Il nous honore de sa présence fidèle depuis longtemps, il se réjouit que nous répondions « présent » en honorant notre part du contrat d’alliance avec Lui, en témoins du Christ ressuscité qui a vaincu la mort et nous libère de la crainte de la mort, pour annoncer à nos contemporains l’espérance de la vie éternelle par la rencontre du Christ vivant avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Co-célébrant : Sébastien DEmierre
Orgue
(Sans)
Musique
Chorale Dynamis