La lumière de Noël qui brille dans la nuit

image

Aujourd’hui c’est 353’000 fois Noël. En effet chaque jour nous assistons à 353’015 naissances dans le monde. Vous vous rendez compte ? Aujourd’hui, en ce jour de Noël, il y aura plus de trois cent mille naissances partout sur notre terre. Ça fait 15'000 nouvelles vies, rien que pendant l’heure que l’on passe ensemble ici à Syens. Je ne dis pas à l’unité près, mais les statistiques sont formelles. Formidable non ? Et comme il y a à peu près 150'000 décès par jour, cela laisse un solde positif d’environ 200'000 personnes qui viennent grossir les rangs des humains chaque jour. Cela fait près de huitante millions par année. Des chiffres qui donnent le vertige.
Alors pourquoi faire autant d’histoires pour une naissance ? Qu’a-t-elle donc de si particulier ? D’ailleurs pendant les trois cent cinquante premières années de son existence l’Eglise chrétienne ne fêtait tout simplement pas Noël. Aujourd’hui c’est devenu la fête la plus universellement connue au monde et elle génère un business immense.
Pourquoi l’approche de cette fête nous met dans un tel état ? Pourquoi dans le monde y a-t-il une espèce de trêve de Noël, où tout le monde se met à acheter des cadeaux, et où on parle beaucoup de paix sur la terre, sans forcément la faire d’ailleurs ? Est-ce que c’est parce qu’on parle de crise partout et que ça fait du bien d’entendre quelque chose de rassurant ? Est-ce la force d’une famille réunie autour d’une table de fête ? Ou la promesse du retour de la lumière ?

On peut se perdre en hypothèses, comme Cesar Auguste se perdait dans ses recensements et comme les rois mages se perdaient dans leurs calculs qui les amenaient droit au Château d’Hérode. Il y a sûrement beaucoup de raisons de toutes sortes pour marquer ce temps de l’année par une fête.
Mais la marque chrétienne est ailleurs. Voyez les lectures que l’on a entendues tout à l’heure. Esaïe d’abord, il dit :
Ruines de Jérusalem,
poussez des cris de joie !
Le Seigneur redonne de l’espoir à son peuple,
Il libère Jérusalem.
On a du mal à comprendre Esaïe si on oublie qu’il parle en plein exil et que toute perspective de retour au pays semble dérisoire. Annoncer la paix, le bonheur et le salut, oser dire toute sa confiance en Dieu qui restaurera Jérusalem et ramènera les siens dans leur terre le fait passer pour un extrémiste, un doux rêveur, un fou, un illuminé. Mais son pari était juste et cela nous vaut aujourd’hui les chants d’espoir les plus beaux de la terre.

Quant à Jean, il dit :
La lumière brille dans la nuit,
et la nuit ne l’a pas arrêtée.
On a du mal à comprendre Jean, si on oublie qu’il parle en pleine obscurité. Son monde est en crise. La toute jeune église chrétienne, éparpillée dans le bassin méditerranéen était l’objet de persécutions, menacée de partout, sujet de tous les racontars de bas étage. Jean, il sait bien ce qu’il dit quand il écrit : La Parole était dans le monde, et Dieu a fait le monde par elle, mais le monde ne l’a pas reconnue. Il vit au quotidien cet aveuglement et cette non-reconnaissance, parfois au prix de la vie. Il sait bien la puissance écrasante de cette obscurité qui cherche à étouffer la moindre étincelle de lumière.
L’un comme l’autre, Esaïe l’illuminé et Jean le clandestin nous amènent dans une curieuse quête d’espérance et de lumière, là où il y a peu de raisons d’y trouver, loin des évidences et des certitudes.

Dans mes exils, qui vient pour me ramener ? Dans ma nuit, qui m’apporte de la lumière ? Qui m’éclaire dans mon obscurité ? Et qu’est ce que j’y ai caché ? Qui vient me porter cette trace de Dieu dont j’ai tant besoin pour que mes jours prennent un sens ? Car bien avant de savoir comment porter cette lumière plus loin sur mon chemin, il faut bien se dire que la grâce, c’est d’avoir été aimé d’abord, sans condition. La nuit n’a pas eu raison de cette lumière. Elle brille !
Et si la surprise de Noël était de rencontrer les traits de visage de l’enfant Jésus dans le plus petit d’entre mes frères. Si la surprise de Noël était de découvrir que cette trace de Dieu se cache au cœur de ceux qui sont en quête d’espérance, d’une terre d’accueil, de nourriture, de dignité. Chercher Dieu dans les poubelles de l’humanité et dans les déchets de la société, dans le visage de ceux que nous avons laissés au bord du chemin avec plus ou moins de lassitude et de complaisance.
Chercher Dieu, guetter la lumière, chanter l’espérance. Oui tout cela, car la lumière brille dans la nuit et la nuit ne l’a pas arrêtée.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Co-célébrant : Patrick Haesslein
Orgue
Sylvain May
Musique
Sandrine Fessler (flutiste) et Jean-Daniel Estoppey (chanteur); groupe de jeunes de la région