La Bonne Nouvelle du jugement dernier !

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1. L’histoire a une fin.
Comment voyez-vous l’avenir ? Votre avenir personnel ? L’avenir de la planète ? Vers quoi se dirige l’histoire du monde et la vôtre ? Où allons-nous ?
- «On ira tous au paradis !» dit la chanson? Ce paradis, comment est-il ? C’est une sorte de prolongation des vacances, ce temps sans contrainte, sans obligation ; des vacances qui n’auraient pas de fin. Ce qui faisait dire à mon professeur de français, avec un brin d’ironie : « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin ! »
- A l’inverse, pour d’autres, l’avenir est sombre. Sur le mur d’un bâtiment de Neuchâtel, quelqu’un a écrit : « Arrêtez la terre ! Je veux descendre ! » «Je l’avoue : je n’ai pas d’espoir. Ceux qui s’aveuglent parlent d’une issue. Mais moi je vois : quand les erreurs seront consommées, le néant, suprême compagnon, nous fera face » Ces mots apocalyptiques sortent de la plume de l’écrivain allemand Bertolt Brecht aux prises avec une époque meurtrière. Le paradis ? l’enfer ? Vers quoi allons-nous ?
La réponse de l’évangile de Matthieu est claire, c’est une troisième option : nous allons vers le Jugement dernier.
Voilà la première Bonne Nouvelle du Jugement dernier : le monde a une fin ! La planète ne va pas continuer à tourner éternellement. Nous ne sommes pas condamnés à vivre à perpétuité ! La Providence n’abandonne pas l’histoire à elle-même ! Un événement va surgir, imprévisible. On en connaît ni le jour ni l’heure. C’est l’intervention libre et souveraine de Celui que nous nommons Dieu.

2. Prendre la place du « curieux »
Ce récit du Jugement dernier de l’évangile de Matthieu a inspiré de nombreux artistes. Des peintres, des sculpteurs ont fixé sur la toile ou dans la pierre des Christ majestueux rendant la justice.
Je revois en particulier le tympan de l’église Sainte-Foy à Conques. Le spectacle est grandiose. En observant attentivement cette scène, j’ai découvert un personnage qui se tenait un peu en retrait : il s’agit d’un homme, plutôt petit, mais c’est difficile d’en juger car on ne le voit qu’en partie. Il se penche du haut de la scène et l’artiste, je crois, l’a nommé « le curieux » ! De son poste d’observation, le curieux embrasse l’entier de ce dramatique spectacle. Le curieux voit les deux mondes côte à côte : celui des justes et celui des injustes; le paradis et l’enfer. Il n’est pas dans le spectacle. Il est spectateur. Il regarde. Il est assez près pour distinguer toutes les subtilités de la scène.
Je vous invite à vous mettre à la place du curieux.
Ces images de jugement avec la séparation des uns et des autres provoquent chez moi des sentiments partagés. D’un côté, je suis satisfaite que la justice soit rendue, un jour ! Et de l’autre, les foudres du Jugement dernier ont trop souvent été utilisées pour faire peur aux gens par des personnes ou des systèmes qui souhaitaient asseoir leur pouvoir. Je suis tiraillée entre l’envie du jugement et la peur d’être jugée !

3. Ce qui était caché sera révélé
Calés dans votre fauteuil, vous êtes comme au théâtre. Vous avez devant vous deux scènes qui se jouent en parallèle. Deux groupes en conversation avec le « Fils de l’homme ». Une conversation avec les personnes qu’il a placées à sa droite et une conversation avec celles qui sont à sa gauche. Par un artifice propre au théâtre, la paroi entre ces deux groupes est étanche. Ils n’entendent pas les paroles échangées par les uns ou par les autres avec le Christ. Vous, spectateurs, vous suivez l’entier de la scène qui se déroule sous vos yeux.
Les uns disent au Christ : « Quand avons-nous bien pu te voir affamé et de te donner à manger… ? » Ils sont totalement surpris. Ce qu’ils ont fait, ils ne savaient pas qu’ils le faisaient à Jésus. D’où leur étonnement. Leurs actions, leurs œuvres ne sont pas là pour les mettre en valeur devant Dieu et les hommes. Ce n’est pas un moyen pour gagner leur paradis.
Ils ont agi sans calcul, sans programmation, sans système, sans média pour soigner leur image (tout le contraire du sponsoring – entre nous soit dit – ou de l’aide humanitaire annoncé aux quatre coins de la planète !).
Dimanche passé, ma collègue Corinne Baumann a parlé de gestes de bonté à propos de ce texte. Elle a évoqué ceux qui en ont bénéficié : « Quand ces belles surprises, disait-elle, nous tombent dessus, ça vient du cœur de celui qui nous a tendu la perche, c’est spontané, ça coule de source, et souvent ces personnes sont toutes étonnées qu’on leur dise merci. »
Une main tendue, une invitation à dîner, un SMS bien placé, ces gestes simples, concrets, occasionnels, ils les ont accomplis simplement parce qu’en l’autre, ils ont vu une personne.
Les autres disent « Quand avons-nous pu te voir affamé ou étranger… sans t’assister ? » Eux aussi sont surpris. Mais pas de la même manière que les premiers. Eux savent ce qui est bien, qu’il faut donner aux malheureux et aider les pauvres. La surprise porte sur le fait qu’ils n’ont pas vu que c’était le Christ. « Si on avait su que c’était toi, on t‘aurait aidé sans hésiter !»
Ils n’ont pas fait de mal, ils se sont simplement abstenus de bien faire. C’est l’abstention qui est condamnée ici. Prisonniers des catégories qu’ils font entre les hommes : ceux qui sont dignes et les autres. Ils jugent leurs prochains et se rendent prisonniers d’une conduite irréprochable. Je me sens très proche d’eux.
Le Jugement dernier révèle ce qui était caché. Le sens ultime de nos actes est dévoilé. Le Jugement fait de nous des adultes, appelés à rendre compte de nos vies. Un jour, toute la lumière sera faite. La Justice sera rendue. Voilà la deuxième Bonne Nouvelle du Jugement dernier.

4. La foi et les œuvres
Dans l’ouvrage de l’écrivain Romain Gary, Les Racines du ciel, Morel est un ancien résistant français. Déporté dans un camp, il découvre un jour que l’humanité commence dans l’amour – quelle découverte au cœur même de l’enfer ? – l’amour qu’on éprouve dans les hommes les plus humbles, mais aussi pour les animaux et même les hannetons. Ce jour-là, malgré la fatigue et l’épuisement, il s’agenouille et remet sur ses pattes un hanneton tombé sur le dos. Un geste incroyable en faveur de la vie, dans un univers infernal. Un geste juste, qui semble venir d’un tout autre monde.
Matthieu souligne l’importance des gestes les plus simples, des actes les plus naturels qui aident autrui. Vous qui êtes des auditeurs et des paroissiens avisés, vous ne manquerez pas d’intervenir avec l’idée, si chère aux protestants, de la justification par la foi. La foi seule sauve. Pas les œuvres ! Attention : non seulement l’amour inconditionnel de Dieu ne nous dispense pas d’agir dans le sens de la justice et de nous engager dans des gestes concrets. Bien plus, lorsque nous puisons notre valeur dans cet amour, nous n’avons plus rien à prouver, plus rien à gagner. Nous sommes rendus disponibles à l’action, libérés devant l’imperfection du monde et la nôtre, assidus à développer nos qualités, sans illusion. Ce que nous avons reçu, nous voulons le donner plus loin. « Seul peut oeuvrer pour autrui celui qui est libre d’angoisse, libre de la présomption de se croire meilleur que ses frères… » disait le fameux musicien de jazz Duke Ellington
Ecoutez la troisième Bonne Nouvelle que nous promet le Jugement dernier : la réalité du bien est prise au sérieux ; la réalité du mal est prise au sérieux, ni l’une ni l’autre ne sont jamais relativisées, édulcorées, minimisées. Un jour le mal sera détruit. Ce sera le jour de la moisson, du tri définitif où le bon grain sera débarrassé de l’ivraie.

5. Nous avons le choix
Le rideau va bientôt être tiré sur le spectacle décrit par l’évangile de Matthieu. De quel côté sommes-nous ? Dans le groupe à la droite du Fils de l’homme ou dans le groupe à sa gauche ?
Les gens à droite du Fils de l’homme, c’est nous. Les gens à gauche, c’est aussi nous ! Nous avons le choix. Nous avons la liberté de passer d’un côté à l’autre. Ce n’est pas parce que nous nous sommes trompés, illusionnés que cela doit continuer. Nous ne sommes pas condamnés à faire toujours plus de la même chose. Et c’est une Bonne Nouvelle. Sans cesse, « Dieu nettoie et transforme nos consciences ! » disait le réformateur Martin Luther.
Il est temps de nous laisser transformer en profondeur. Il est encore temps de comprendre que le Royaume de Dieu nous est destiné. Il est temps de faire confiance à Celui qui est et qui vient !

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Pierre-Laurent Haesler
Musique
Hélène Conrad, violon; Michèle Paillard, viole de gambe; Léana Durney, soprano