Le voeu de la paix

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Nous sommes dans le temps des vœux. Avec les fêtes de Noël et du passage de l'an, nous échangeons nos vœux. Parmi ces vœux, revient souvent la paix. Si nous nous souhaitons la paix, c'est qu'elle est précieuse dans nos vies. Nous en avons besoin, mais souvent elle nous manque. Durant cette année écoulée, elle a beaucoup manqué à notre monde. La guerre a continué à faire des ravages sur tous les continents. Elle a ensanglanté et affamé. Cette année, la paix a aussi été mise à mal par le terrorisme. Les attentats du 11 septembre à New York ont créé un sentiment d'insécurité. Nous avons découvert qu'en quelques instants la mort pouvait emporter des milliers de personnes au cœur de notre société occidentale, là où nous pensions être en sécurité. Les images vues et revues ont à chaque fois renforcé notre sentiment d'insécurité et notre peur. La violence a aussi été présente dans nos villes. Rappelez-vous les bagarres au camping d'Yverdon l'été dernier. Bien des personnes me disent : «Je n'ose plus sortir seul le soir.» Dans nos familles aussi, la paix manque parfois cruellement, dans nos relations avec nos enfants ou entre conjoints.
«Que règne en vos cœurs la paix à laquelle vous avez été appelés, tous en un seul corps.» La parole de l'apôtre est un vœu bien approprié pour cette fin d'année. Nous avons besoin de paix intérieure, de paix en nos cœurs. Nous avons aussi besoin de paix dans nos relations, avec les autres dans nos familles, nos groupes, nos Églises ou nos villes. Que règne cette paix au cœur de notre vie et de notre société. Ce n'est pas toujours elle qui règne. Bien plus souvent, c'est la peur qui règne, peur de l'avenir, peur des autres, peur de ne pas être aimé, peur de n'être pas à la hauteur. La peur est utile lorsqu'elle est invitation à la prudence. Mais lorsqu'elle règne, c'est la méfiance qui prend le dessus. Comme le hérisson, je me recroqueville et me rend piquant ou alors je passe à l'attaque. Les murs s'élèvent, les fossés se creusent, les flèches partent et la paix disparaît. L'autre sentiment qui règne souvent, c'est l'esprit de rivalité. La compétition envahit tout, non seulement le sport, mais aussi le monde du travail, les loisirs et même la culture. Il s'agit d'avoir plus, de pouvoir plus, d'être plus. Ainsi je pense obtenir d'être aimé, craint ou admiré. Dans cette rivalité, l'autre est toujours une menace. Il risque de me prendre ma place. Les rapports sont de force. Il n'y a pas de paix.

La parole de l'apôtre est un vœu bien approprié, bien nécessaire. La difficulté, c'est que ce n'est pas un vœu. L'apôtre ne souhaite pas aux chrétiens de vivre en paix, il le leur ordonne. La paix est ici ordonnée et non pas seulement souhaitée. Faites régner la paix dans vos cœurs ! Comment comprendre cet ordre ? Si la paix nous manque, comment pourrions-nous la faire régner en nous ?
La paix est ordonnée, car elle est d'abord donnée. La paix dont il s'agit ici est celle du Christ. Le Christ en est l'origine. Il nous a donné la paix et il nous la renouvelle. Cette paix est don de Dieu, grâce qu'il nous offre. Comme le dit notre passage : «Vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu.» Le don de la paix est dans cet accueil de Dieu. Il nous fait place dans son amour tels que nous sommes, sans nous demander de commencer par changer. Il tient à nous. Il nous choisit pour être ses partenaires, il nous fait confiance. Il nous donne de sa force pour transformer notre être en nous associant à sa vie. Cette paix donnée, nous avons alors à l'accueillir, à la recevoir dans la confiance. Prenons le temps de nous imprégner de l'amour de Dieu, de méditer son appel et sa parole. Prenons aussi le temps de la reconnaissance, le temps de reconnaître le bien que Dieu nous fait. La paix pourra alors grandir en nous. Dans cet accueil de Dieu, je peux écarter les peurs qui m'emprisonnent et trouver la paix.
Siméon reçoit ainsi la paix en accueillant l'enfant Jésus dans ses bras et il dit à Dieu sa reconnaissance. Il peut s'en aller en paix, car il a expérimenté la fidélité et la bonté de Dieu. Dieu veille sur son peuple, il offre la lumière et la vie aux humains, cet enfant en est le signe. Cette paix reçue permet à Siméon d'aller en confiance au-devant de la mort. Dieu restera fidèle. La paix reçue n'arrête pas Siméon, elle le met en route. Recevoir la paix me permet de désarmer mes peurs, d'ouvrir ce qui était recroquevillé. Le chemin vers l'autre s'ouvre. La paix intérieure n'est pas la fin de la route, mais l'ouverture de chemins nouveaux pour aller à la rencontre des difficultés de la vie dans la confiance.

La paix est un ordre et un don, mais elle est aussi un appel. La paix reçue est une force qui permet de construire des relations de paix, de renoncer à l'hostilité et à l'agression. Le peuple de Judas, soumis par les Assyriens cherche la force guerrière pour chasser l'ennemi. Ésaïe montre l'inutilité de cette tentative. Il ouvre ainsi la possibilité d'une autre manière de vivre ensemble à partir de la confiance et du calme. La force de vie n'est pas celle de la guerre, mais celle qui peut renoncer à vouloir s'imposer par la violence et accepter de baisser les armes.
La paix du Christ vient de la qualité de relation que Dieu nous offre et il nous appelle à l'offrir aussi aux autres. La paix ne va pas toute seule, elle vient avec l'amour. Nous la recevons de Dieu avec son amour, nous la construisons en aimant. Dans son exhortation, l'apôtre énumère une série de vertus. L'amour est au sommet, comme la vertu qui rassemble toutes les autres et la paix est comme l'autre versant de cette exhortation.
Dans l'esprit de rivalité, je ne peux pas laisser la place pour l'autre car alors je pense que je vais perdre ma place. L'amour permet de laisser de la place à l'autre, de le reconnaître tel qu'il est, avec ses émotions, ses valeurs, ses besoins. Les vertus demandées sont comme des expressions concrètes de l'amour de l'autre. La compassion est accueil de ses sentiments. La bienveillance et l'humilité permettent de ne pas se placer au-dessus pour juger mais à côté, avec respect. La douceur offre la chaleur pour exprimer ce qui peine à pouvoir se dire. La patience accueille l'autre avec son rythme et donne le temps pour comprendre et pour s'ajuster. Cet accueil est celui que le Seigneur nous a donné en nous accueillant dans son pardon. Le mot utilisé ici pour le pardon est plus large. Il signifie faire grâce. Offrez-vous les uns aux autres cette générosité bienveillante du Seigneur pour vous.
L'appel à la paix va avec cette mise en œuvre de l'amour. Là où l'autre est ainsi reconnu et respecté, le chemin de la réconciliation est ouvert.

Tout cela ne résout pas le problème de la guerre ou du terrorisme. La paix intérieure et la paix avec l'autre ne suffisent pas. Il ne s'agit plus seulement de relations à deux ou dans un cadre restreint. Les problèmes ont une dimension sociale, économique et politique plus large. Ce qui est dit ici est cependant une clé importante. Les conflits entre peuples sont aussi alimentés par la peur et l'esprit de rivalité. Tant que ce sont la peur et la rivalité qui règnent, la paix est impossible. Il ne suffit pas de se protéger par des barrières toujours plus sophistiquées. Tout système de protection a ses failles et nous avons vu l'ingéniosité des terroristes pour les trouver. Il ne suffit pas non plus de tuer un maximum de terroristes. Écraser son ennemi peut permettre un temps de répit mais, tant que l'ennemi n'est pas reconnu avec sa détresse, son manque d'espoir et ses besoins, la paix n'est pas possible. Nous pouvons transposer ce que nous avons dit de la personne aux groupes. Nous pouvons aussi faire régner la paix en nous en tant qu'Église, association ou nation et ouvrir des chemins de paix avec d'autres groupes humains en les accueillant et les reconnaissant tels qu'ils sont.

En ce temps des vœux, la paix revient fréquemment. Elle nous est précieuse, nous en avons besoin et elle manque souvent. Pour l'apôtre, elle n'est pas seulement un vœu. La paix intérieure nous est ordonnée car elle nous est d'abord donnée. Elle est don de Dieu qui nous aime, nous accueille et nous appelle à l'amour. En recevant ce don dans la confiance et la reconnaissance, nous pouvons donner sa place à la paix dans notre cœur et la construire dans nos relations. Cette exhortation à la paix exprime cependant aussi ce que l'apôtre souhaite pour ses lecteurs. En ce sens, elle est aussi un vœu et nous pouvons le faire nôtre. Pour cette année nouvelle je vous le souhaite à chacune et chacun: « Que règne en vos cœurs la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés tous en un seul corps. »