Le vase et le potier

image

Dans l'histoire racontée par Jérémie, nous découvrons deux aspects qui découlent des relations entre la matière et le créateur. Le premier, c'est que la matière est capable d'être remodelée - cela ne nous étonne pas - mais le deuxième aspect est plus difficile à accepter : Dieu est capable de changer d'avis. Un Dieu qui change d'avis fait peur à de nombreuses personnes, mais je trouve une assurance magnifique dans l'idée que Dieu a une personnalité dynamique, qui se modifie en relation avec nous et en interaction avec notre comportement et notre confiance en lui.
L'image du potier apparaît ailleurs dans la Bible. Elle est utilisée par Isaïe et par saint Paul, mais le message qu'elle véhicule est celui d'un Dieu très autoritaire et plutôt froid. L'impact extraordinaire de ce texte est que Jérémie a senti les hésitations de Dieu à notre regard. Dieu n'est pas enfermé dans sa propre logique, mais dans une relation d'amour avec nous. Il ne nous aime pas à cause de nos qualités, mais malgré nos défauts. C'est pour cette raison que Jérémie est l'une des plus grandes figures de l'histoire de la religion. Il n'est surpassé dans sa compréhension de Dieu que par Jésus lui-même.

La situation historique de Jérémie est importante pour comprendre sa parole. Nous sommes en l'an 586 av. J.-C., Jérusalem est sur le point de tomber. Le roi Sédécias verra ses fils exécutés, il sera, lui-même aveuglé, et le peuple va être exilé à Babylone. Avant Jérémie, les Israélites avaient une théorie de l'histoire qui était définie par un rythme de quatre temps - péché - jugement de Dieu, punition - repentance et, finalement, pardon de Dieu. Ce système mécanique ne révèle pas beaucoup de personnalité de la part de Dieu. La parabole du potier nous fait faire un grand pas en avant, car elle remplace une théorie de majesté de Dieu devant qui l'homme ne peut rien faire, par une image d'un Dieu d'amour concerné, voire angoissé, par sa création.

Jérémie est aussi en train de se libérer d'une image d'un Dieu figé dans un cycle sans fin. Le temps devient une flèche plutôt qu'un cercle. On regarde la création. On se pose des questions au sujet de la fin du temps. Un Dieu d'amour, à qui on peut faire confiance de ne pas être enfermé dans une logique mécanique, nous donne un espoir immense qui est révélé pleinement dans la vie de Jésus. Quand on aime, on veut le bien de l'autre, tout comme Dieu veut notre bien. Quand on aime, on n'aime pas à cause du physique ou à cause des qualités de l'autre personne. On aime car on aime. Dieu ne nous aime pas à cause de nos qualités, mais parce qu'il nous aime. Ceci est la raison pour laquelle tous les intégristes ont tort d'imaginer qu'ils peuvent faire plaisir à Dieu par les règles de conduite, de nourriture ou vestimentaires.

Jérémie est aussi très moderne dans le sens que la matière existe en soi. La matière n'est pas créée par le potier, mais moulée par lui. Dans le même ordre d'idées, Dieu ne peut pas simplifier ses relations avec nous simplement par quelques règles simples ou simplistes. Dieu nous a délibérément donné des natures compliquées et sophistiquées. Nous sommes influencés par les réclames ou par notre sexualité, par notre groupe social ou ethnique. Nous comprenons cela mieux depuis Freud et Marx. A cause de la parabole du potier et à cause de notre propre expérience, nous savons que nous avons une réalité existentielle. Nos choix sont réels. Nous ne sommes pas des rêves dans la pensée de Dieu, nous existons, indépendants et aimés. Dieu nous invite à vivre une aventure de la foi avec lui.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Thilo Muster
Musique
Les Petits Chanteurs de la Cathédrale, dir. Pierre Favre-Bulle