Lumière

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Dans sa première lettre (1 Jean 1/5), l'apôtre Jean proclame que Dieu est lumière et dès le début de l'évangile selon Jean, la parole de Dieu, c'est à dire Jésus, est présentée comme étant la lumière du monde. Plus loin dans ce même évangile, l'on voit Jésus s'écrier «Je suis la lumière du monde». Voilà une manière de parler de Dieu et de Jésus caractéristique de l'œuvre attribuée à Jean. C'est une façon de parler de Dieu et du Christ qui est sensée évoquer une réalité familière : la lumière. Et donc nous permettre de comprendre ce que Jésus apporte avec lui.
L'évangile de Jean nous montre Jésus se comparant également au pain, à la vigne, à un berger. Si l'on ne peut vivre sans pain, sans vigne (en Palestine en ce temps-là) et si un troupeau de brebis ne se conçoit pas sans berger, alors il tombe facilement sous le sens de chacun que nul ne saurait se passer de ce pain, de cette vigne, de ce berger et de cette lumière qu'est Jésus, le Christ. Cependant il faut reconnaître que ce langage nous est devenu quelque peu étranger. En effet le pain n'est plus vraiment la nourriture de base qu'il fut autrefois. Il n'apparaît plus aussi indispensable. La vigne peut encore signifier quelque chose pour un vigneron qui vit de la viticulture, mais un habitant de la ville ou de la montagne ne rêve pas d'avoir une vigne. Les brebis se gardent toutes seules derrière des clôtures électrifiées. S'il reste des bergers, nous les regardons comme un vestige du passé. Quant à la lumière enfin, nous ne nous rendons plus compte de ce que c'est, parce qu'il n'y a plus dans nos villes, ni jour ni nuit. Les illuminations électriques nous ont fait un peu oublier quelle différence il y a entre la nuit et le jour. La lumière du jour ne conditionne plus la vie des hommes comme elle la conditionnait autrefois.
De tout cela il ressort que le Christ serait un pain dont on n'a pas vraiment besoin, une vigne, mais seulement pour ceux que le métier de viticulteur intéresse, un berger pour se rappeler de temps en temps les jours d'autrefois, une lumière dont on ne voit vraiment plus l'utilité puisque la nuit est vaincue. Peut-être faudrait-il donc se rappeler, pour retrouver le sens et la portée de cette comparaison, de cette proclamation «Dieu est lumière, Christ est la lumière du monde», que la lumière est indispensable à la vie, et que sans la lumière du jour, sans la lumière du soleil, aucune espèce de vie ne saurait être. Et l'on commence à comprendre, après quelques décennies de matérialisme pour seul horizon, qu'une vie spirituelle fait partie de la vie tout court, qu'elle est comme un espace qu'il ne faut pas négliger.

Mais ce n'est pas tout. Devant cette proclamation «Dieu est lumière», nous avons le sentiment d'une contradiction avec la réalité. En effet la religion n'a-t-elle pas plongé l'humanité plus souvent dans les ténèbres qu'elle n'a apporté de lumière ? N'est-ce pas à propos de la religion que l'on a parlé parfois et avec raison d'obscurantisme ? Rappelons-nous toutes les fois son dogme. N'est-ce pas en s'affranchissant de la tutelle religieuse que l'humanité a fait ses plus grands progrès ? Avons-nous besoin de chercher la lumière en dehors de notre raison ? Celle-ci n'est-elle pas plus sûre et plus crédible ? Où est la lumière dans les fanatismes contemporains et dans ceux que l'on appelle bien mal à propos des illuminés ?

Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, l'apôtre Paul a, me semble-t-il, quelque peu vu en son temps déjà que l'évangile pouvait être lumière pour certains et obscurité pour d'autres. Il a constaté en effet que la Bonne Nouvelle qu'il annonce reste obscure parfois à ses auditeurs. Pourquoi ? Parce que dit-il, «le dieu mauvais de ce monde a aveuglé leur intelligence. Ce dieu les empêche de voir la lumière répandue par la Bonne Nouvelle qui concerne la gloire du Christ, lequel est l'image même de Dieu». Dieu n'a pas toujours été et n'est pas toujours synonyme de lumière dans l'histoire des hommes, mais ce n'est pas parce que Dieu n'a pas été et n'est pas tel que l'évangile le dit. Parler en son nom et être ses interprètes autorisés, ont été et sont, en fait, aveuglés, empêchés de voir dans le Christ la moindre clarté.
L'obscurité, la nuit, n'est pas en Dieu, elle est dans le cœur et dans l'intelligence de l'homme. L'on ne veut pas dire par là qu'en toute chose l'intelligence des hommes ne soit en réalité que nuit et ténèbre. Au contraire l'intelligence humaine a produit et produira encore des choses merveilleuses, et aussi le pire. Et il ne s'agit pas de remplacer la raison par la foi, mais d'avoir les deux choses. L'un de nos chants dit justement : «Je ne puis rien Eternel sans ton aide; tes vérités, oh que je les possède. Oh que la foi règne avec la raison dans ma maison.» (P. & C. n° 52). Mais l'on dit seulement que lorsqu'il s'agit de Dieu, Dieu venu dans le monde en Jésus-Christ, notre intelligence ne peut d'elle-même saisir cette Bonne Nouvelle. Dieu, et la Parole de Dieu, le Christ, nous sont naturellement inconnus, incompréhensibles, tant que Dieu lui-même ne fait pas «briller sa lumière dans nos cœurs» comme l'écrit encore Paul. Il s'agit là pour Paul d'un acte aussi important que celui par lequel Dieu crée le monde en ordonnant que la lumière soit, en séparant la lumière de l'obscurité. Chacun a en mémoire ces premiers mots de la Bible : «Dieu dit. Que la lumière paraisse et la lumière parut. Dieu constata que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l'obscurité».

Jusqu'à un certain point, et non d'une façon absolue, cette séparation a lieu aussi pour tous ceux en qui la Bonne Nouvelle a répandu sa lumière. Imparfaitement mais indubitablement, une manière de vivre en effet suivra, qui témoignera que Dieu est effectivement lumière, et Christ lumière du monde.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Wojtek Wezranowsky
Musique
Choeur paroissial