"Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu"

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Joseph, notre guide, comment s'y est-il pris pour sortir de l'esclavage et occuper le poste prestigieux de Pharaon ? Qu'est-ce qui était important pour lui ? A quoi peut-on attribuer sa réussite telle que la comprend l'auteur de ce texte de la Genèse ? Comment est-il devenu celui que nos frères juifs nomment le Juste ? Qu'est-ce qui fait que bien des chrétiens ont vu dans l'histoire de Joseph une préfiguration de Jésus-Christ ?

Joseph, notre guide, peut être aussi un état de conscience ou encore une partie de nous-mêmes. En tout cas un modèle à imiter. Laissons-le nous accompagner et guider notre exploration.

La première étape de notre voyage va nous conduire au plus secret de notre être, ce lieu intime où nous nous savons reliés à Dieu; l'âme pour certains, le Christ intérieur pour d'autres... De là montent nos prières, c'est dans ce paysage que nous conduit la méditation... Qu'importe les mots et les étiquettes, goûtons à la saveur bien particulière de cet endroit, laissons-nous bercer par sa mélodie... "Le Seigneur fut avec Joseph qui s'avéra être un homme efficace". Efficace... ce terme hébreu désigne l'art de la persuasion et de l'organisation. Joseph est connecté à Dieu et en même temps il possède un savoir-faire qu'il utilise abondamment pour améliorer son sort. Noter qu'avec lui "spiritualité et efficacité" font bon ménage ... et le mariage va durer tout au long de cette histoire. Si la vie spirituelle demande de la confiance, la capacité à lâcher-prise, elle ne nous prive pas pour autant des objectifs à atteindre, de la rigueur, et de la compétence. "Le Seigneur fut avec Joseph qui s'avéra un homme efficace". Il réussissait tout ce qu'il entreprenait.

Cette expérience nous l'avons certainement déjà vécue, même fugitivement. Je pense à ces moments où nous nous sommes sentis portés par une conviction si intense que les montagnes semblaient littéralement s'aplatir devant nous : nous rencontrions les personnes que nous devions rencontrer, nous étions au bon moment à l'endroit adéquat, nous disions ce qu'il y avait à dire. Rappelez-vous ces instants... tout coulait de source, sans effort, sans lutte: une naissance, un projet professionnel, un pacte d'amour, une décision, que sais-je ?

Deuxième étape.

Joseph nous emmène encore ailleurs, découvrir un autre visage du pays de la réussite. "Le Seigneur bénit la maison de l'Egyptien à cause de Joseph". Joseph devient source de bénédiction pour son entourage. Devant les tragédies qui nous entourent et qui nous touchent, parfois, de très près, il arrive que nous ayons des scrupules à être heureux. Moi-même, j'ai longtemps eu cette mauvaise conscience: comment être gaie tant qu'il y a encore un enfant qui meurt de faim ?

Je crois, aujourd'hui, qu'ajouter ma tristesse et ma pesanteur aux souffrances de ce monde n'a aucun effet positif. Au contraire ! Ma propension à porter le monde sur mes épaules ne contribuait qu'à me rendre désagréable envers mes proches. Et cela, bien entendu, au nom de la compassion. Je préfère désormais choisir la contagion du bonheur. La réussite dont Joseph est le modèle est une réussite "gagnant-gagnant". C'est dans ce sens-là qu'un jeune de la paroisse de Fleurier citait d'ailleurs, le slogan publicitaire "réussir ensemble". Oui, réussir ensemble pour la bénédiction de tous... comme l'arbre planté près du courant d'eau porte du fruit en sa saison (Psaume 1) et donne ainsi de la nourriture aux habitants de la terre.

Troisième étape.

Quittons ces paysages riants pour explorer un autre lieu encore. Ici, il est nécessaire d'avancer avec précaution. Que s'est-il passé entre la femme de Potiphar et le bel esclave hébreu ? Joseph porte certainement une part de responsabilité dans l'attirance qu'a pour lui cette femme. Bien des commentateurs juifs ont échafaudé toutes sortes d'hypothèses à ce sujet. Il est vrai que "Joseph est beau à voir et agréable à regarder". L'essentiel, c'est qu'il a finalement honoré la confiance de son maître. Il a fait preuve d'intégrité, de fidélité à ses convictions. Sa réussite naît aussi d'une telle éthique.

Quatrième étape.

A ce stade du voyage, il est temps de suivre Joseph sur un des sommets de ce pays et de prendre du recul.
- Où en suis-je avec la réussite ? Y suis-je accroché comme les dents du chien dans le mollet du facteur ? Ou, au contraire, est-ce que je m'en méfie ?

Pourtant il y a cette affirmation de Jésus: "Vous ferez les oeuvres que je fais et de plus grandes encore". Il y a le Psaume que nous avons chanté "Tu as fait l'homme presque semblable à Dieu..." (Psaume 8).

Qu'est-ce qui nous retient ? Qu'est-ce qui nous gêne ? J'aimerais évoquer ici un grand voyageur : Erhard Lorétan, le 3e homme au monde à réussir l'ascension des 14 sommets du globe dépassant 8000 mètres d'altitude. Au journaliste du Nouveau Quotidien qui l'interroge à propos de sa réussite, il parle des tabous, des barrières inconscientes. "Il y a quelques années, les alpinistes qui s'attaquaient à la face nord de l'Eiger ne partaient pas sans matériel de bivouac. Aujourd'hui, ils se passent de ce genre de bagages. Même à 8000m. L'homme peut faire des choses incroyables, ajoutait-il, dommage qu'il soit encore freiné par ses préjugés". Le journaliste lui a encore demandé : -"Etes-vous normal ?" "J'ai la même capacité pulmonaire et cardiaque que n'importe quel sportif : la différence est dans la tête!" Pour réussir, la différence est dans la tête, à l'intérieur même de nos croyances parfois les plus cachées. Vous connaissez la boutade :"Tout le monde disait que c'est impossible, un ignare l'ignorait : il l'a fait ".

Cinquième étape. Redescendons de la montagne ... pour traverser une tout autre région, plus aride. A la suite de l'épisode chez Potiphar, Joseph est jeté en prison. Dans le fond, il est possible que cela ne nous étonne pas. "C'était trop beau pour durer. Chacun doit porter sa croix... C'est bien connu quand tout va bien, il faut s'attendre à recevoir une tuile!" Nous pouvons adopter cette manière de voir et de penser. J'en préfère une autre, celle de ce paysan russe. J'aimerais bien vous raconter son histoire :

- Un fermier d'un village de Russie élève des chevaux. Un jour, lui et son fils réussissent à capturer un magnifique étalon. Ils l'emmènent non sans mal dans un très grand enclos où le cheval sauvage peut s'ébattre. Lorsqu'il apprend la nouvelle de cette capture prestigieuse, un voisin se précipite chez notre paysan pour le féliciter: - Ce cheval est magnifique. Vous en retirerez un grand prix. Ah, quelle chance vous avez. Vous êtes comblés des dieux!" Le paysan lui fait cette réponse : "Je ne sais pas si c'est un bien, je ne sais pas si c'est un mal".

Quelques jours plus tard, le fils du paysan tente de monter le superbe étalon pour le domestiquer. Lors d'un des nombreux essais, l'animal le jette violemment au sol. Sa jambe se brise. Rapidement informé, le voisin se hâte chez le paysan. Ah quelle triste nouvelle, votre fils est immobilisé pour longtemps. Vous avez perdu une force de travail importante, quel malheur : vous n'avez pas de chance!" Le paysan lui fit cette réponse : "Je ne sais pas si c'est un bien, je ne sais pas si c'est un mal"! peu de temps après, la Russie entre en guerre; chaque homme, même dans les villages les plus reculés, doit se présenter à l'enrôlement, à l'exception des personnes âgées, des malades et des accidentés, bien sûr. Donc, le fils de notre fameux paysan est exempté. Son accident le retient à la maison. Vous l'avez deviné, le voisin, apprenant la nouvelle, ne peut s'empêcher une fois de plus de dire combien la chance leur fait un magnifique cadeau, combien le destin les protège et qu'ainsi le fils échappera à la guerre... Une fois encore, le paysan explique sereinement à son voisin qu'il ne sait pas si c'est un bien ou si c'est un mal..." L'histoire pourrait continuer... je vous fais grâce de la suite...

Bien sûr, Joseph est jeté en prison. Remarquez qu'il échappe à la mort, ce qui serait le lot habituel d'un esclave accusé d'adultère, à cette époque. Cet emprisonnement va être le marchepied nécessaire à son ascension à la fonction prestigieuse de majordome du roi d'Egypte. C'est ainsi qu'il deviendra lui-même Pharaon, qu'il retrouvera ses frères, son père. Grâce à lui, l'Egypte, mais aussi d'autres pays avoisinants échapperont à une famine meurtrière. Plus tard, Joseph fera cette réflexion à ses frères qui craignent sa vengeance :"Vous avez voulu me faire du mal. Dieu a voulu en faire du bien..."

Nous sommes invités à regarder ce que nous appelons nos malheurs, nos échecs, nos malchances d'un autre oeil; d'un autre point de vue... comme se découpant sur un horizon plus vaste. Il s'agit de ne pas tant résister aux événements qui semblent négatifs, mais bien de les accepter avec cette liberté :"je ne sais pas... je ne sais pas si c'est un bien, je ne sais pas si c'est un mal". Cette manière de penser peut avoir un impact sur la réalité même et ainsi notre vie peut changer, si nous le voulons.

Conclusion :

Tout à l'heure, nous allons revenir de ce voyage. Nous allons quitter notre guide. Nous découvrirons d'autres horizons. Je ne sais pas ce que nous emporterons de cette heure passée ensemble. Il nous restera des flashs, une ambiance, des parfums, des danses et des mélodies... comme au retour de vacances.

Notre dimanche s'en ira, lundi viendra, la semaine, la fin de l'année avec ses défis, ses nouveautés, ses habitudes... et si nous retrouvions régulièrement ce lieu secret où se livre Dieu,... si nous pensions à Erhard Lorétan, au paysan russe... si nous nous mettions sérieusement à croire que "toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu"... alors je pourrais prononcer un véritable Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique
Laurent de Ceuninck et un groupe de percussionnistes