La consolation dans les détresses

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Que vous reste-t-il de votre catéchisme d'adolescent ? "Pas grand-chose..." direz-vous peut-être. Et cependant, en y réfléchissant bien, vous retrouverez quelques souvenirs révélateurs...

Ainsi, je garde le souvenir du stagiaire qui nous enseignait quelquefois. Ce mordu de la montagne nous avait raconté comment, étant tombé un jour dans une crevasse, il s'était vu mort par anticipation. Qu'on puisse se voir mort, tout en restant provisoirement vivant, ce fut pour moi une découverte.

Parmi les inscriptions de nos vieux chalets, cherchant celles qui seraient intéressantes pour les cultes radiodiffusés, je suis tombé sur une prière de 1752, provenant d'un chalet maintenant disparu, dans le hameau du Lavanchy, au-dessus de Vers-l'Eglise.

Ecoutez : "Rendons louange immortelle à notre Dieu, Seigneur tout-puissant, qui nous a fait la grâce de rebâtir nos maisons après cette terrible avalanche arrivée avant jour du septième février 1749. Pour éviter toute semblable sorte de péril, il n'y a rien de si précieux que la concorde et la paix et de se soumettre à la volonté et providence de Dieu".

La terrible avalanche de 1749, les historiens la connaissent. Elle ravagea effectivement le hameau, alors beaucoup plus habité que maintenant, tuant 17 adultes et enfants. Dans la vallée, on parle encore de la fosse commune qu'il fallut ouvrir au cimetière de Vers-l'Eglise. Et on sait que, parmi les rescapés, il y en eut qui restèrent marqués toute leur vie par les traumatismes psychiques et physiques.

Ainsi, pour David Jaquerod et Magdeleine Berruex, son épouse, qui reconstruisirent leur chalet trois ans plus tard, en rendant grâces à Dieu, comme pour tous ceux qui échappèrent au désastre ou en furent témoins, resta le souvenir terriblement choquant d'un de ces événements où l'on a été frôlé par la mort, dans laquelle d'autres ont été engloutis.

C'est à un événement semblable que Paul fait allusion dans le début de sa seconde lettre aux Corinthiens. Il évoque le péril qu'il a couru en Asie (l'actuelle Turquie), péril qui l'a accablé à l'extrême, au-delà de ses forces au point que, dit-il, "nous désespérions même de la vie". Aujourd'hui, nous ne savons pas de quoi il s'agissait, mais nous pouvons imaginer dans quelle situation critique Paul s'est trouvé, puisqu'il ajoute : "Nous avions reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort".

Nous avions reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort... Même expérience que celle du prophète Jonas dans le ventre du grand poisson. "Les portes du monde des morts se refermaient pour toujours sur moi..." Et plusieurs de ceux qui nous écoutent pourraient peut-être dire: "Moi aussi, j'ai passé par là, j'étais perdu, au fond du gouffre, j'ai vu la mort..."

Trois ans après le drame, David Jaquerod et Magdeleine Berruex ont reconstruit leur chalet "plus beau qu'avant", comme dans la chanson ? Je ne sais. Et peu importe! Ce qui doit nous frapper, c'est qu'ils reconstruisent en rendant grâces à Dieu et en affirmant: "Pour éviter toute semblable sorte de péril, il n'y a rien de si précieux que la concorde et la paix et de se soumettre à la volonté et providence de Dieu".

Au hameau du Lavanchy, il y a donc eu, en ce temps-là, comme une résurrection, comme un miracle de Dieu. Car il n'y a pas besoin de Dieu pour serrer les dents dans le malheur, ni même pour reconstruire le chalet détruit. Mais reconstruire en rendant grâces à Dieu, assumer l'affreux malheur en disant: "Il ne faut pas que le malheur arrive pour rien: je dois apprendre à me confier entièrement à Dieu et à aimer bien davantage mon prochain", cela, c'est comme une résurrection. Ou plutôt: le malheur vécu ainsi, c'est comme la croix et la résurrection de Jésus-Christ imprégnant nos pensées et nos actions.

Ce qui nous manque dans le malheur, c'est de connaître réellement Jésus-Christ. C'est ce qui fait que nous soyons si rapidement révoltés. "Si Dieu était vraiment tout-puissant... comment peut-il permettre..." Nous ressemblons à ces gens qui, du temps de Jésus, le côtoyaient chaque jour, mais sans le voir, sans l'entendre et qui avaient encore la prétention d'obtenir de lui un miracle. Mais Jésus leur répondait: "Il ne vous sera pas donné d'autre miracle que celui du prophète Jonas". Jonas, c'est l'exemple de l'homme comme mort, condamné, perdu, mais que le monstre va recracher sur le rivage de la vie, parce que Dieu le veut, ainsi, lui qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie.

Jonas, c'est l'Ancien Testament. C'est l'un des douze petits prophètes. Mais Jésus s'est reconnu dans ce prophète: "Tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits".

Il y a une suite dans le plan de Dieu. Il y a une continuité dans la bible. Et c'est à cause de cette continuité, c'est parce que la foi l'unit profondément à Jésus-Christ vraiment mort et ressuscité, que l'apôtre Paul, en péril de mort, peut dire un jour:"Ainsi notre confiance ne pouvait plus se fonder en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts".

Nous croyons en Jésus-Christ, ressuscité des morts. Notre foi, "démonstration de ce qu'on ne voit pas", va jusque-là. Cela veut-il dire que le monstre devrait nous recracher, nous aussi, sur le rivage de la vie ? Assurément, dans le sens où l'entendait le regretté pasteur Philippe Zeissig, qui écrivait: "Le malheur c'est comme la terre. Si, dans une rage impuissante, on la frappe du pied, elle se fait sourde et hostile. Mais si, au lieu de la frapper, on y dépose une graine, alors la terre répond par une fleur ou un épi. Il y a de grands malheurs qui, quand on y sème une graine, donnent des fruits extraordinaires. C'est ainsi que, du désastre de la croix, parce que quelqu'un l'a fécondé, on a vu jaillir rien moins qu'une résurrection".

Expérience de ce couple qui reconstruit, après les terribles destructions, en s'écriant: "Rendons louange immortelle à Dieu..."

Expérience de l'apôtre Paul, après qu'il a frôlé la mort. Et il écrit: "C'est Dieu qui nous a arrachés à une telle mort et nous en arrachera; en lui, nous avons mis notre espérance: il nous en arrachera encore".

Expérience de tous ceux qui, ayant jeté la graine de la foi dans la terre du malheur, peuvent affirmer maintenant: "Autrefois, je croyais en Dieu; maintenant, je ne crois plus qu'en Dieu".

Dès lors, et seulement parce qu' à l'instar de l'apôtre Paul, on l'a découvert dans la souffrance, on peut déclarer: "Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation: il nous console dans toutes nos détresses..."Il nous console, non point en supprimant la détresse, mais en nous faisant rencontrer premièrement le crucifié. L'ami qui relève d'une grosse opération me disait tout récemment: "Quand je me sentais bien mal, je me disais: "Pense à tout ce que le Seigneur a souffert pour toi". Chose étrange! Dieu ne nous console pas, ne nous rassure pas, ne nous apaise pas en nous disant: "Ne t'en fais pas! je vais tout arranger..." Il nous console d'abord en nous montrant les souffrances du Christ, la défaite du Juste, la mort du Fils du Dieu vivant. C'est la folie de la croix. Et il y a, dans les souffrances de Jésus, une telle force d'amour et de vérité, un tel pouvoir de réconciliation et de paix, que nous en sommes changés, intérieurement renouvelés, consolés et rassurés. Est-ce pour rien que Jésus nous laisse le pain, signe de son corps brisé, comme gage de sa présence agissante au milieu de nous.

"Il nous console dans toutes nos détresses, pour que nous puissions consoler tous ceux qui sont en détresse". C'est à cela qu'on reconnaît la victoire du Ressuscité dans nos vies: quand nous faisons bénéficier les autres, même sans nous en rendre compte, de notre confiance ressuscitée en Dieu.

L'apôtre Paul, délivré d'un danger mortel par l'intervention du Seigneur, vient désormais partager sa confiance et sa joie avec les frères chrétiens de Corinthe: "Béni soit Dieu... Il nous console dans toutes nos détresses!" David Jaquerod et son épouse Magdeleine, après le drame du Lavanchy, laissent à la postérité le témoignage de leur confiance retrouvée, renouvelée, dans le Père tout-puissant.

Et nous, qu'allons-nous laisser ? Quel témoignage de foi? Qu'avons-nous à partager ? Rien que nos questions et nos doutes? Ce n'est pas plus difficile, contrairement à ce qu'on dit, d'être chrétien aujourd'hui qu'autrefois. Mais il ne faudrait justement pas qu'on se contente d'un christianisme facile. Il n'y a qu'une foi chrétienne: la foi en Jésus-Christ crucifié et ressuscité, qui est la Vérité parce qu'il est à la fois notre faiblesse et notre force, notre mort et notre vie. Acceptez-le donc crucifié! Acceptez-le ressuscité! Et non seulement vous serez consolés dans vos détresses, mais vous aurez encore toujours de quoi consoler les autres.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Marianne BESSE
Musique
Choeur/musiciens ?