Vie quotidienne de l'équipe d'aumônerie

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J'aimerais partager avec vous ce que notre équipe œcuménique d'aumônerie vit quotidiennement : accompagner des hommes et des femmes qui font tout un chemin de deuil.
Deuil de leur santé, d'une partie de leur corps. Deuil d'un être cher, de leur chez-soi. Deuil de projets, de rêves, de leur vie elle-même.
Tout un chemin pour accepter peu à peu que rien ne sera désormais tout à fait comme avant. Ce chemin de dépouillement que nous devons tous vivre un jour représente aussi un cheminement spirituel, vécu depuis des millénaires par tous ceux et celles qui nous ont précédés.
Je vous invite donc à m'accompagner dans mes visites pour qu'ensemble nous soyons témoins d'hommes et de femmes qui souffrent, qui crient, qui se sentent abandonnés, qui découvrent par-delà leur souffrance la paix et l'espérance.

C'est une belle matinée d'automne. Dans cette chambre du 4e étage règne une douce lumière, un homme est assis dans son fauteuil à côté du lit, un journal ouvert sur ses genoux. Il regarde dehors, ses yeux errent sur les vignes jaunies, le champ labouré...
Soudain son regard est attiré par une troupe d'enfants et de parents parcourant à vélo la petite route campagnarde.
Sa respiration s'accélère, son visage change d'expression et il dit : "Eux, ils peuvent faire du vélo, moi je ne pourrai même plus marcher... je ne supporte plus de les voir... ah si au moins je n'avais jamais vécu ce jour...

Lecture : Jérémie ch. 20 / 14 - 18

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C'est une femme couchée dans ce lit, souriante, mais le regard si triste. La fenêtre est ouverte sur le jardin, des moineaux picorent quelques miettes.
Tout semble calme et pourtant le bruit des avions qui décollent de l'autre côté du lac donne régulièrement l'impression que quelque chose nous arrive dessus, nous envahit.
Il faut du temps à cette femme, fidèle paroissienne pour oser nous dire dans un murmure que oui, tout au fond d'elle-même, elle se sent submergée par des vagues d'abandon. Dieu lui semble alors si loin, si impuissant, si incapable à tenir ses promesses... et plus elle y pense plus il lui paraît lointain...

Lecture : Psaume 77 / 2 - 11

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Nous nous retrouvons dans le couloir de l'hôpital et résonnent encore en nous ces cris entendus, cette souffrance exprimée...
Notre cœur est rempli de cette peine et nous évoquons notre propre existence et les blessures que nous portons tous :
- l'amie partie, la lettre qui dit une nouvelle fois que je ne suis pas choisi pour ce travail, ce père décédé trop tôt, cette enfant qui refuse de manger...
- nous nous sentons solidaires, au cœur de la vie et de son cortège de misères...
Mais nous nous arrêtons, nous ne pouvons pas nous laisser envahir par toute cette peine, quelque chose tressaille tout au fond de nous : la vie n'est pas que malheur, elle a aussi son côté soleil. Et n'y a-t-il pas cette promesse inscrite dans nos cœurs d'un Dieu pour nous et non contre nous, de Jésus traversant la mort pour nous donner la vie... ?
Il faut respirer profondément et aller vers d'autres patients, nous asseoir à côté de la vieille dame recroquevillée dans son fauteuil roulant et l'écouter. Peu à peu, la voilà qui se redresse en évoquant son passé : la fuite devant les armées ennemies, la famille séparée, les trains bondés, de ville en ville les logements de fortune et l'argent qui vient à manquer, mais "chaque fois on s'en est sorti..."
Et ses yeux brillent en acquiesçant lorsque je lui demande si évoquer ces souvenirs l'aide à vivre le présent d'aujourd'hui.
Un autre jour, nous serons assis au chevet d'une autre femme qui sent la vie lui échapper, mais qui communique si bien avec cette petite mésange qui vient chanter devant sa fenêtre toujours à la même heure. La mésange chante le refrain et la patiente dit avec douceur la reconnaissance pour sa vie si remplie et aujourd'hui accomplie.
Et vous vous souvenez aussi de ce monsieur avec qui vous avez respiré doucement, entrant dans cette communion profonde par-delà tous les mots, tous les sourires, les caresses. Ce moment où vous avez, avec lui, inspiré le souffle de Dieu et remis votre souffle entre ses mains pour recevoir la paix.

Que s'est-il donc passé ?
Ils, elles ont osé lancer leur cri à Dieu, hurler à la Vie les pourquoi et l'abandon et soudain, un jour, un instant, au bout d'un long cheminement, d'un dur labeur intérieur, un silence autre s'est imposé, une pause, une ouverture sur d'autres regards.
La réalité demeure la même, mais les cyclistes semblent joyeux et amicaux, le vent a tourné, les avions font moins de bruit.
Le temps est venu de se laisser aimer, de se laisser porter.
Quelque chose d'imperceptible a lâché prise en nous et nous pouvons ouvrir les mains et tout remettre entre Ses mains...
Le rythme, l'histoire de ce long chemin est différente pour chacun, pour chacune, tout est souvent à recommencer, mais accompagnant ces malades nous avons redécouvert et reconnu que ce chemin va vers la paix.
Dans chacune de nos vies, une promesse est inscrite, un amour infini peut fleurir... et solidaires les uns des autres, nous pouvons nous agenouiller avec Paul pour prier...

Lecture : Ephésiens ch. 3 / 16 - 19

Détails

Avec la participation de
Orgue
Franz Josefovski
Musique