Seigneur, que ta confiance est magnifique !

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Seigneur, que ta confiance est magnifique !

Il y a des indiscrétions salutaires. Celles qui consistent par exemple à tendre l'oreille pour écouter ce que dit cet homme, cette femme dans sa prière. Surprendre ce dialogue intime avec son Dieu. Indiscrétions salutaires ? C'est à quoi nous invite depuis près de 3000 ans le livre des psaumes.

Introduction à l'acte de repentance et à l'annonce du pardon
Cris de détresse, cris de révolte; cris de joie, cris d'émerveillement. Dieu en entend de toutes les couleurs avec les psaumes. Car non seulement, un jour, tel homme, telle femme ont vécu cette prière, ce dialogue avec Dieu dans le secret de leur coeur. Mais ils l'ont partagée oralement. Cette prière retravaillée, ciselée est devenue au fil des années et des siècles une prière communautaire,
Ces prières, Jésus les a pratiquées depuis sa plus tendre enfance. Le texte de l'évangile appelé "magnificat" n'est rien d'autre qu'un psaume exprimée par sa mère Marie. Et au moment de mourir sur la croix, Jésus prononcera ce cri déchirant, citant le psaume 22 : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Aujourd'hui dans chaque synagogue juive et dans chaque église chrétienne, un psaume est lu, prié, dialogué, psalmodié ou chanté. Des milliers de communautés réparties dans le monde récitent - dans la solitude d'une cellule et ensemble - ces 150 psaumes en une semaine. Et recommencent inlassablement, semaine après semaine. Le livre des Psaumes est donc vraiment le livre de prière le plus médité de la chrétienté.
Et les Réformés ne sont pas en reste puisqu'ont soutenu ces 150 prières par la musique. Le manuel de chant que nous tenons dans nos mains : "Psaumes et Cantiques" en témoigne.
Ce dimanche, et les deux qui suivront, je vous invite à entrer dans la méditation de quelques-unes de ces 150 prières, trésors précieux de notre foi commune avec les Juifs, piliers de nos liturgies.
Tenez : pour vivre l'acte de repentance et recevoir le pardon de Dieu, je vous invite à rejoindre ce roi d'Israël humilié par sa faute et implorant le pardon de Dieu.
Prière du psaume 51, 1 à 14a.

Psaumes de supplications, psaumes de louange, psaumes de confiance, psaumes de révolte: tous les sentiments humains, sans exception, sont représentés dans ce livre de prières : la haine aussi bien que l'amour; la violence jusqu'à l'envie de meurtre aussi bien que la confiance pleine de tendresse.
Je vous propose ce matin de méditer le psaume 8.

Prédication
Offrez-vous une fin de soirée un peu particulière si vous ne l'avez pas déjà fait. Une fin de soirée qui ne vous coûtera rien, mais qui vous procurera un plaisir rare. Exceptionnellement, vous pouvez emmener cette nuit-là vos enfants, même les plus petits. Et si vous êtes très âgés, les amis qui vous accompagneront vous installeront un lit de camp.
En fin de soirée donc, en choisissant une nuit parfaitement claire, vous vous rendez en pleine campagne, le plus loin possible de toute lumière; condition essentielle. Vous vous couchez dans l'herbe et vous regardez le ciel.

Seigneur, que ce spectacle est magnifique. C'est inouï de penser que tu as créé cet univers. Et ces étoiles, qui sont à des milliards et des milliards d'années-lumière. Tellement éloignées certaines, que notre imagination n’arrive décidément pas au bout du compte.
Quand je vois ce ciel, oeuvre de tes mains, et que je me vois, moi, un rien sur cette terre - qui elle-même est plus minuscule qu'un grain de poussière - je me dis avec le vertige : mais qu'est-ce que l'être humain pour toi ? Qu'est-ce qu’un homme, une femme pour que tu penses à nous ? pour que tu t'intéresses à nous ?

Or là, je ferme les yeux à ce spectacle et je regarde en moi, l'être humain et le monde où il vit. Seigneur : tu nous as donné des capacités époustouflantes. Pour le meilleur et pour le pire, l'homme est capable de choses prodigieuses.
Il est capable, dans XXe siècle de détruire plusieurs fois la vie sur la terre; ou de détruire un pays familier maison par maison. Il est capable de s'échapper de la pesanteur terrestre. Capable de créer des musiques, des textes, des images, des constructions qui tiennent du prodige. L'être humain règne sur la nature et sur tous les êtres vivants. Il est capable de détruire par la haine au-delà de ce qu'on n'ose pas imaginer... Il est capable d'aimer, de se donner, de sacrifier jusqu'à sa propre vie...
Seigneur, tu as fait l'homme roi de la terre. Tu as tout mis sous ses pieds. Vraiment, Seigneur, que tu es magnifique sur toute la terre et dans l'univers entier !


De retour chez vous- si vous ne vous êtes pas endormis sur place ! - relisez le psaume 8. Et vous verrez. Et vous découvrirez une chose essentielle sur les psaumes - quels que soient leur forme littéraire ou leur thème. Il n'y a jamais des idées toutes faites sur Dieu; encore moins des théories sur son compte. Les psaumes n'expriment jamais qui est Dieu-un-point-c'est tout. Alors que nous adorons, dans notre mentalité d'Occidentaux, faire des théories sur Dieu, sur son existence, ou sa non-existence.
Non : les psaumes - qui parlent sans cesse de Dieu, à toutes les lignes - disent ce que Dieu a fait, fait ou fera peut-être. Les psaumes disent les actes d'amour que Dieu accomplit à journée faite dans la vie de ces hommes et de ces femmes et dans l'histoire concrète, au jour le jour, de notre humanité, de vous, de moi, de nous.
Et l'être humain qui parle à Dieu, qui converse au fil de ces pages, c'est un être vivant, qui parle de sa vie, de ce qu'il a sur le coeur : amour, haine; confiance, doute; louange et révolte...
Ce qui explique à mon sens pourquoi en près de 3000 ans ces vieux textes n'ont pas pris une seule ride.
Il n'y a pas ici un Dieu qui expliquerait le monde et nos problèmes. Ni un Dieu gendarme ou vengeur qui justifierait l'injustice et le malheur. Il y a ici, dans ces psaumes, un Dieu présent, vivant, solidaire de nos pires souffrances, et complice de nos joies, de nos jubilations. Un Dieu avec nous : Emmanuel.
Et en même temps, un Dieu qui nous échappe, qui reste mystérieux, déroutant, toujours insaisissable pour l'homme. Un Dieu dont nous ne pouvons que chercher sans cesse la compagnie.

Maintenant attention. Si ce psaume 8 exprime une expérience humaine faite avec le coeur, avec tout son corps, s'il rend compte d'un dialogue intime du croyant avec son Dieu, il n'est pas pourtant écrit d'un jet, sans retouche. Au contraire, il est minutieusement travaillé, ciselé. Pour nous, lecteurs modernes, c'est un travail d'observation passionnant de découvrir peu à peu la structure interne du tecte.
Ce psaume 8 est un bon exemple. Il débute et se conclut par le thème. L'idée essentielle n'est pas apportée au centre, mais d'emblée, en ouverture.
Entre la répétition de cette confession de foi réduite au minimum, mais sortie du coeur du croyant émerveillé, le psaume opère 3 renversements qui justifient ce cri de la foi.
Le 1er renversement est exprimé en une phrase: mieux que les cieux, la terre chante ta gloire. Alors que c'est l'immensité du ciel qui nous ferait admirer la gloire de Dieu, c'est la terre ici, où l'être humain vit et peine, qui chante la gloire de Dieu.

2e renversement époustouflant. Par la bouche des nourrissons, tu as dressé une forteresse contre tes adversaires, pour réduire au silence l'ennemi le plus acharné. Quel renversement ! L'ennemi le plus violent, le plus irréductible: il perd ses moyens, il perd jusqu'à ses arguments puisqu'il est réduit au silence devant la bouche des tout-petits. Le balbutiement du bébé réussit à faire taire les cris de colère du dictateur.
C'est dans la fragilité et non la force, la violence de l'homme que Dieu fonde une forteresse. La garantie contre tout ce qui peut nous détruire, ce n'est pas la solidité et l'immensité du ciel et de l'univers; c'est un gosse qui pleure. Voilà l'oeuvre de Dieu : il choisit de créer un espace de sécurité et de liberté sur ce qui est le plus vulnérable en l'homme.

Pour amener le 3e et dernier renversement de ce psaume, l'auteur en vient alors à cette question fondamentale : non pas, comme nous le faisons si souvent : qui est Dieu ? Qu'est-ce que Dieu ? Et nous voilà partis pour de superbes théories, de quoi remplir des bibliothèques de théologie... Mais : qu'est-ce que l'être humain ? L'homme quelconque, le commun des mortels, vous et moi ? Est-ce qu'un être humain, vu sa petitesse, sa faiblesse, sa fragilité, cet humain tiré de la poussière mérite vraiment que Dieu, le maître de l'univers se soucie de lui ?
Or, cet humain, qui est moins que rien, tu as fait de lui presque un dieu. Tu le fais régner sur tout ce que tu as créé sur la terre. Tu as tout mis sous ses pieds. La plus faible des créatures est, grâce à Dieu, le roi de la terre. Quel risque Dieu prend en nous créant ! Et quelle confiance folle il nous fait !
Voilà bien le paradoxe de cette prière d'étonnement. Il ne s'agit pas tant de la foi de cet homme en prière; ou la confession de foi de la communauté qui le lit et le relit. Il s'agit essentiellement de la foi de Dieu à notre égard.
L'homme, la femme qui prie ici, attentif à la place que nous occupons dans cet univers, sur cette terre, découvre avec émerveillement la confession de foi de son Dieu!
Je confesse que Dieu nous fait terriblement confiance.
"Seigneur notre Dieu, que ta confiance est magnifique".

Détails

Avec la participation de
Orgue
Claire-Lise Imhof
Musique
Avec l'Ensemble vocal du pied du Jura, direction Marie-France Berthoud