Courage donné par Dieu

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"Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s'assit, ses disciples s'approchèrent et il se mit à les instruire."
Suivent les neuf béatitudes. Elles sont une introduction au grand discours qu'on appelle le "sermon sur la Montagne".
Trois endroits sont évoqués :
- La région immense d'où vient la foule qui s'est rassemblée autour de Jésus et des disciples : c'est toute la Palestine, symbole de toute la terre habitée.
-La foule est rassemblée en un lieu où elle a trouvé Jésus. Elle demeure à cet endroit alors que Jésus s'en écarte.
-Jésus, lui, se dirige vers la montagne : troisième lieu. Là - la foule ne l'accompagne pas. Seuls ses disciples gravissent la montagne. Ils s'approchent de Jésus qui se met à les enseigner.

Jésus n'instruit pas la foule demeurée en bas, mais les disciples. C'est à eux seuls que le sermon sur la montagne est adressé. Car appelés à vivre les béatitudes, ils devront être "sel" et "lumière" au sein de la foule qu'ils retrouveront en descendant.

Au premier plan, Jésus. La montagne où il se trouve évoque tout à la fois sa dignité et sa mission ! En bas, la foule, l'humanité. Apparemment éloignée, elle est proche en fait, puisque c'est à elle que les disciples seront envoyés.
Entre les deux, jouant un rôle d'intermédiaires, les disciples. Auditeurs privilégiés du message de Jésus, ils auront la charge d'en être les témoins vivants au milieu de tous les hommes. La montagne, c'est le cadre où Moïse a proclamé la loi de Dieu, qui fut la boussole pour le peuple de l'Ancien Testament. Jésus va donner à ses disciples une boussole nouvelle.

Suffirait-il des béatitudes pour organiser le monde ? Évidemment non.
Jésus s'exprime comme un prophète qui rend Dieu proche et qui provoque les hommes pour accueillir ce salut et ce règne de Dieu. En proclamant les béatitudes, il dit le sens de la vie : il en donne l'esprit qui permettra aux disciples de construire leur vie. Mais il ne dispense personne de chercher par lui-même à découvrir quel genre de vie quotidienne cet esprit devra susciter et comment cette vie se concrétisera.

Aujourd'hui, les disciples rassemblés autour du Seigneur et de sa promesse, c'est nous. Il nous a redit au début de ce culte notre enracinement dans le pardon qu'il nous a acquis et qu'il nous donne. Et il nous instruit. Il nous parle, tels que nous sommes. Plus ou moins riches, plus ou moins pauvres, tous pécheurs, avec nos soucis et nos problèmes.

Heureux les pauvres de coeur.
Heureux ceux qui pleurent.
Heureux ceux qui sont persécutés.
Ces béatitudes sont un appel : soyez heureux !

Quand Jésus commence son ministère public en Galilée, c'est le petit peuple qui l'entoure. Il n'y a guère de riches, ni de notables. Mais des malades, des infirmes, des gens sans travail, des femmes pas toujours bien vues, des enfants, des marginaux, tous ceux qui n'étaient pas selon l'ordre et la morale des bien-pensants d'alors.
Les voyant écrasés par la pauvreté, découragés par les difficultés de la vie, harassés et prostrés comme des brebis qui n'ont pas de berger, Jésus leur dit : vous aussi, vous pouvez être heureux, car le bonheur n'est pas d'abord affaire de richesse, de pouvoir ou de rang à tenir dans la société.

Soyez heureux, vous les pauvres ! Faites-vous un coeur de pauvres, un coeur humble et sans prétention, un coeur disponible. Que vos mains soient toujours ouvertes, prêtes à donner autant qu'à recevoir. Soyez heureux, vous les doux ! Soyez tellement tenaces dans votre douceur que vous laissiez tomber toute pensée d'agressivité. Soyez heureux, vous qui pleurez ! Vous qui vous sentez personnellement atteints par toutes les souffrances... Soyez heureux, vous qui avez faim et soif de justice, de vraies relations entre les hommes et avec Dieu. Soyez miséricordieux ! Sachez oublier le mal sans ressasser la rancune ! Laissez le passé au passé. Sachez goûter la joie du pardon et de l'amitié retrouvée.
Soyez des artisans de paix ! Ne vous résignez pas devant les divisions et les brouilles. Et si l'on vous contredit, si l'on vous met des bâtons dans les roues... cela arrivera : quand on ne se résigne pas devant le mal, quand on se refuse à utiliser d'autres armes que la douceur et le pardon, on s'expose tôt ou tard à recevoir des coups... mais alors même, soyez heureux, soyez tenaces.

Le message de Jésus, sa bonne nouvelle, n'est pas un programme politique. Les béatitudes ne sont pas seulement paroles de prophète. Elles proclament un bonheur qui vient avec celui qui l'annonce, un bonheur qui est offert à qui veut bien le suivre.

La lecture du prophète Sophonie jette une lumière sur le message central des béatitudes. Sophonie exerça son activité à Jérusalem, aux derniers temps de la royauté. C'est une période de crise profonde. Le prophète annonce l'intervention de Dieu contre son peuple devenu infidèle. Mais il y a aussi une promesse : un reste sera fidèle. Un peuple petit et pauvre subsistera.

Cherchez le Seigneur... Cherchez la justice... cherchez l'humilité ! Heureux les pauvres de coeur !

L'hébreu ne connaît qu'un seul et même mot pour désigner la pauvreté et l'humilité. Ce mot exprime l'idée d'être courbé. Les pauvres, les humbles, ce sont ceux qui ne peuvent se sortir d'affaire par eux-mêmes et qui sont tout en dépendance. L'humilité c'est aussi l'expérience d'une pauvreté spirituelle, d'une disponibilité à l'égard de Dieu.

Cherchez l'humilité : c'est-à-dire ne comptez pas seulement sur vos propres forces en pensant pouvoir vous passer de Dieu et des autres. Cherchez l'humilité, c'est accepter un renversement de valeurs, c'est accepter d'être pauvre devant Dieu. C'est dans la mesure où - devant Dieu - le croyant prend conscience du fait qu'il est démuni, qu'il peut saisir et accueillir le projet de Dieu sur lui et sur le monde et donc qu'il peut y entrer pour le vivre.

C'est vivre la justice, c'est-à-dire cette attitude harmonieuse de l'homme devant son Dieu, qui découle de ce que sont respectivement Dieu et l'homme : de ce qu'ils sont l'un pour l'autre. C'est vivre l'harmonie de justes relations où chacun est à sa place. Cela requiert de notre part une conscience profonde de notre pauvreté. Vivre selon la justice, c'est harmoniser sa vie avec cette pauvreté radicale, essentielle de l'homme devant Dieu. Accepter l'humilité d'une telle condition c'est possible grâce à une certaine expérience de la gloire et de la sainteté de Dieu.

Les béatitudes ne sont pas un idéal impossible à atteindre. Elles sont un appel, une provocation, une porte ouverte pour faire venir le Royaume de libération et de paix proclamé par Jésus.
Les béatitudes ne se réduisent aucunement à un programme humain comme si la venue du Royaume dépendait de nos propres forces. Elles proposent une exigence de vie dont chacun doit trouver les modalités concrètes, mais elles affirment que l'initative en revient à Dieu et que le courage pour les vivre est donné par lui.

Bibliographie : J.-F. Six, Les Béatitudes aujourd'hui. L. Monloubou, L'évangile de Matthieu.

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