Plus amical avec la Création

image

Imaginons un instant la situation suivante : nous sommes en l'an 2010. L'atmosphère terrestre s'est réchauffée de plusieurs degrés suite à l'effet de serre causé, notamment, par la pollution. Une partie des glaces ont fondu au Pôle Nord et au Pôle Sud. Dans les Alpes, nos beaux glaciers ont disparu. Les eaux des océans sont montées de plusieurs mètres. Des millions de personnes vivant le long des côtes ont dû quitter leur habitation. Des villes comme New York, Venise, San Francisco, Amsterdam, Marseille ont pratiquement été rayées de la carte.

Dans cette situation dramatique, des gens, issus de sectes un peu étranges, proclament avec force : c'est un châtiment de Dieu ! Vous n'avez pas voulu prendre soin de la Création comme Dieu vous l'a commandé. Eh bien maintenant, Dieu vous punit ! Comment réagirions-nous à une telle affirmation : "Dieu vous punit !"

Une telle affirmation nous mettrait sans doute mal à l'aise. Car elle nous donnerait l'impression d'être contraire au Dieu d'amour et de bonté que nous révèle le Christ. Mais nous aurions peut-être, quand même, quelques doutes en pensant à certains passages de la Bible qui semblent montrer un Dieu violent. Un Dieu qui n'hésite pas, apparemment, à tuer pour punir. Comme cela semble être le cas, au premier abord, dans le récit du Déluge dont nous avons entendu la fin tout à l'heure.

Dans l'histoire de Noé, la violence a envahi la terre et l'a empoisonnée depuis la création du monde. Ça va tellement mal que, selon le récit biblique, Dieu décide d'anéantir sa Création à l'exception de Noé, de sa famille et des représentants de chaque espèce d'animaux.

Et, à l'exception de l'arche et de ses occupants, le Déluge provoque la destruction de toute vie sur la terre. Dieu serait-il donc un destructeur et un meurtrier ?

Pour répondre à cette question, il faut d'abord prendre conscience de la nature du récit auquel nous avons affaire. Ce récit n'est pas un compte-rendu qui aurait pour but de nous transmettre avec exactitude un événement historique. Ce genre d'exactitude-là, si chère à nos concsciences occidentales modernes, n'intéressait absolument pas les Israélites qui vivaient à l'époque où ce récit a été mis par écrit, il y a 2500 ans ou 3000 ans. Pour eux, ce qui est important dans un tel récit, ce n'est pas son exactitude historique, mais l'enseignement, la signification qu'il peut apporter à ceux qui l'entendent ou le lisent. Cela ne veut pas dire qu'il soit inventé de toutes pièces. Mais nous sommes dans l'impossibilité aujourd'hui de savoir à quel événement historique lointain il pourrait correspondre, faute de renseignements. C'est pourquoi il faut lire ce récit, en sachant qu'il est destiné à nous faire réfléchir sur Dieu, la Création et l'être humain. Pas seulement à une époque ancienne, mais, d'une certaine manière, à toutes les époques. Et ceci est vrai aussi des récits de la Création du monde et des onze premiers chapitres de la Genèse.

Pour comprendre la signification du Déluge, il faut savoir comment les Israélites d'il y a 2'500 ans à 3'000 ans comprenaient la relation entre Dieu et les erreurs de l'être humain.

Prenons un exemple. Aujourd'hui, si quelqu'un est au volant d'une voiture et roule à une vitesse excessive et si cette personne sort de la route et a un accident, on dira sans hésiter que ce conducteur a subi un accident à cause de son imprudence. Si le même événement était raconté à l'époque où l'on a mis par écrit l'histoire de Noé, on dirait "le conducteur a été imprudent et Dieu l'a fait sortir de la route". Bien sûr, il serait parfaitement clair que le seul et unique responsable de l'accident est le conducteur fautif. Mais à cette époque ancienne, on pense que l'être humain agit et que Dieu déclenche les conséquences des actions humaines, ces conséquences que nous qualifierions aujourd'hui de "naturelles".

Il faut relever que dans ce qu'on appelle l'Ancien Testament - et qu'on appellerait peut-être plus justement le Premier Testament - l'intervention de Dieu consiste le plus souvent à retarder, à retenir, à suspendre, à limiter les conséquences catastrophiques des erreurs humaines. On le voit dans les récits de la Création, comme dans l'histoire de l'ancien Israël. Mais Dieu n'agit pas ainsi indéfiniment, car il a choisi de considérer l'être humain comme un vis-à-vis qui est responsable de ses actes.

Pour ceux qui ont raconté en premier le récit du Déluge, ce qui est surprenant, c'est que la violence humaine n'ait pas entièrement détruit la terre. Pour eux, si cette destruction s'était produite, cela aurait été tout à fait logique et normal. Ce qui est inattendu, c'est que Dieu soit intervenu pour sauver sa Création à travers les passagers de l'arche de Noé.

Dans le passage du livre de la Genèse que nous avons entendu tout à l'heure, le Déluge vient de se terminer. Noé, sa famille et les animaux sont sortis de l'arche. Noé offre un sacrifice à Dieu. Dieu le bénit ainsi que ses fils et il leur confie sa Création en leur fixant toutefois deux limites. Ils ne devront pas consommer le sang des animaux, car dans l'ancien Israël, le sang est considéré comme le siège de la vie. Or la vie appartient à Dieu. Et l'homme comme l'animal ne devront pas verser le sang de l'être humain.

Ensuite, nous arrivons au passage que nous avons entendu où Dieu dit à Noé : "Je vais établir mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous."

L'alliance, ça veut dire la relation d'amitié très forte que Dieu établit avec l'être humain et toute la Création. Cette relation, c'est Dieu seul qui en prend l'initiative. Et il faut relever que Dieu ne pose aucune condition à Noé et à tous ses descendants. L'amitié de Dieu est gratuite et inconditionnelle. Ainsi, si Dieu nous aime, ce n'est pas pour nous récompenser de nos mérites, de nos efforts ou de notre foi. Mais c'est simplement parce qu'il aime chaque être humain comme un père aime, ou devrait aimer, ses enfants.

Dans notre récit, Dieu dit ensuite à Noé : "J'établirai mon alliance avec vous : aucune chair ne sera plus exterminée par les eaux du Déluge, il n'y aura plus de Déluge pour ravager la terre."

Dieu s'engage en faveur de tous les êtres vivants. Il s'engage à fixer une limite au cours "naturel" des choses, entre guillemets, de façon à ce qu'une catastrophe aussi énorme que le Déluge ne puisse plus se produire malgré les fautes de l'humanité. Et il donne un signe de son engagement à travers l'arc-en-ciel. Il est intéressant de noter que le mot hébreu que nous traduisons par "arc-en-ciel" signifie d'ordinaire l'arc, l'arme de guerre. Dieu montre donc qu'il a suspendu son arc, pour toujours.

Dieu a montré jusqu'où vont sa fidélité et son amour pour l'humanité en envoyant son Fils Jésus parmi nous. Comme le dit le passage de l'évangile de Jean que nous avons entendu tout à l’heure : "Dieu n'a pas envoyé son Fils pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui."

Si un jour, de larges portions de notre planète devenaient inhabitables, ce ne serait pas à cause d'un Dieu imaginaire qui ressemblerait au père Fouettard de la légende. Ce serait simplement à cause de notre aveuglement persistant. Mais à entendre de nombreux scientifiques, la terre est sérieusement menacée, mais elle n'est pas perdue. Autrement dit, il est très tard, mais il n'est pas trop tard.

Si nous acceptons de changer ce qui doit l'être pour nous occuper d'une manière plus respectueuse et plus amicale de la Création qui nous est confiée, alors nous pouvons, avec l'aide de Dieu, sauver la terre. Et si nos difficultés nous découragent, si les nuages semblent trop noirs au-dessus de nos têtes, prenons le temps de regarder l'arc-en-ciel multicolore qui apparaît parfois au coeur de nos orages, cet arc-en-ciel qui relie le ciel et la terre et qui nous redit à chaque fois que nous ne sommes pas seuls et que Dieu est, pour toujours, notre ami et celui de toute la Création.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique