Un monde entre crise écologique, crise environnementale et crise spirituelle.

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Écouter le culte :

Notre monde est confronté à deux crises majeures : l’une, écologique, se manifeste par le changement climatique. L’autre, économique, se manifeste par la course après une croissance infinie. Toutes deux touchent de plein fouet les pays du Sud, mais ont leur origine au Nord. Notre économie basée sur le gain et la spéculation creuse les inégalités. Notre consommation effrénée assèche la terre et pollue l’atmosphère.

Sous le motto « tout ce qui brille n’est pas or », la campagne œcuménique de Pain Pour le Prochain et Action de Carême – avec Être partenaires - met cette année les activités des entreprises multinationales sous la loupe.

A l’exemple de l’exploitation des matières premières, la campagne montre comment la promotion d’un modèle d’économie se fait au détriment des ressources naturelles et des populations locales. Elle empoisonne leurs sols et leur eau, restreignant ainsi leur Droit à l’alimentation. La primauté des réflexions économiques et du rendement justifie alors les dommages collatéraux au niveau des Droits humains. Or ceux-ci ne sont pas négociables dès lors que l’être humain est à l’image de Dieu. De même, notre responsabilité en tant que créatures vis-à-vis de la création ne peut pas être bradée. C’est pour cette raison que les œuvres œcuméniques s’engagent au sein de l’initiative pour des multinationales responsables, afin que le respect de l’environnement et des Droits humains ne soit pas une option mais un devoir pour les entreprises multinationales.
La campagne œcuménique illustre cet engagement avec l’exemple de l’industrie extractive comme celle de l’or. Un paysan du Burkina Faso raconte ainsi son expérience : « Les nouvelles routes construites par la compagnie minière passent en plein milieu de mes champs et empêchent le ruissellement des eaux pluviales. D’un côté j’ai du maïs tout sec et de l’autre du maïs avec les pieds de l’eau. Jusqu’à aujourd’hui, ils ne m’ont jamais dédommagé. » L’expérience des personnes concernées montre que, malgré leur engagement affiché pour les Droits humains, encore trop d’entreprises ne le mettent pas en œuvre de manière crédible. L’appel à la responsabilité exige que les directions de telles entreprises fassent preuve de diligence pour éviter que la main d’œuvre ne soit exploitée et le sol contaminé par leurs activités.

L’exemple de l’or dans la campagne de cette année est à ce titre parlant et symbolique pour notre mode de consommation. Il s’agit d’ajuster notre rapport au monde et de modérer nos envies face aux trésors offerts par la nature. Dans le récit symbolique de la genèse, l’être humain est placé dans le jardin d’Eden avec la responsabilité d’en prendre soin et non pas pour le piller. En quelques lignes, le livre de la Genèse esquisse un rapport au monde et une sagesse que notre société me semble avoir perdu aujourd’hui.

Les deux crises globales écologique et économique reposent à mon sens sur une même vision de l’humanité et du monde : un être humain égoïste, une économie principalement orientée sur le seul profit des actionnaires, une planète dominée par l’homme. Il en résulte une logique prédatrice justifiant l’exploitation des forces humaines et le pillage des ressources naturelles. Je crois ainsi que les deux crises sont le reflet d’une troisième crise, celle-ci de nature spirituelle : celle d’un être humain hors-sol, coupé de la nature et sourd à la question du sens de sa vie. Les crises extérieures sont ainsi le reflet et l’expression d’une crise intérieure.
Contrairement aux religions, notre société occidentale ne formule pas explicitement un mythe fondateur - une vision du monde - comme le fait le livre de la Genèse. Il est tellement acquis et inné qu’il est à peine remis en question. Mais est-ce que nous nous y reconnaissons vraiment ? Si je devais poser des mots sur ce mythe fondateur, cette genèse de notre société, je le ferais dans les termes suivants :

Au commencement, le monde est un grand marché et une main invisible régit le monde. Les prêtres de la main invisible installés dans les temples de la finance disent aux êtres humains: « Vous êtes tous des égoïstes, c’est une bonne chose. Concurrencez-vous les uns les autres et tout le monde s’en sortira mieux ».
Bientôt, de grands empires commerciaux dirigés par des rois se développent sur toute la terre. Les prêtres créent une richesse infinie à partir du néant en faisant crédit au peuple. Ils disent : « Croissons si nous voulons travailler et manger. Consommons ou le ciel nous tombera sur la tête ! ».
Le peuple écoute les prêtres et paie avec grand intérêt l’offrande mensuelle de ses emprunts. Il consomme pour faire tourner le monde. Mais il finit par être rassasié.
Alors, les rois délocalisent la production pour casser les prix. Ils disent : « Saisissez l’occasion, achetez, soyez propriétaires pour vivre heureux. Le bonheur se mesure au pouvoir d’achat ».
Les rois lancent de grands chantiers. Ils ajoutent : « La terre n’a plus de secret pour nous. Ses entrailles regorgent de richesses. Vendez-nous vos terres. Nous en tirerons de l’énergie et y cultiverons nos semences magiques. Vous les achèterez et elles vous feront vivre. ». Les rois veillent à ce que les produits ne durent pas trop longtemps pour que le peuple puisse continuer à acheter.
Mais l’humanité atteint les limites du monde. Les prêtres sont si gourmands que le temple de la finance menace de s’écrouler. Ils disent alors au peuple : « Faites-nous une offrande plus grande! Nous valons mieux que vos médecins ou vos enseignants. Sans nous, le monde s’arrête de tourner. » Alors le peuple sacrifie ses économies, sa santé pour faire croître son train de vie. Il ressent un vide intérieur. Les rois et les prêtres, eux, deviennent de plus en plus riches.
Petit à petit, la terre souffre et se meurt. Ses entrailles sont pillées, elle se recouvre de déchets et perd le rythme des saisons. Le ciel commence littéralement à tomber sur la tête de ses habitants.
Mais les prêtres rassurent le peuple. « Ne craignez rien », répètent-ils encore et toujours, « restez égoïstes, et chacun y trouvera son compte… »

Au travers de la campagne œcuménique, Pain Pour le Prochain, Action de Carême et Être partenaires s’engagent pour une autre vision de l’humain : un être dépendant de son prochain et de son environnement et qui répond sur cette terre à une vocation au service d’autrui. Il est vital aujourd’hui de renouer avec cette vision pour entrer dans un monde déjà émergeant mais pas encore réalisé – celui que Jésus appelle le Royaume de Dieu.

Les récits des grandes traditions religieuses sont porteurs d’espoir. Or, c’est d’espoir dont nous avons besoin pour repenser notre société et notre rapport au monde. Cet espoir germe aujourd’hui dans plusieurs terreaux et pas seulement dans les Eglises. Celui de l’économie sociale et solidaire qui se développe par exemple ici en Suisse romande, celui de l’agro-écologie qui – outre une méthode agricole - promeut une autre vision du monde, celui des quartiers urbains en transition qui se lancent dans l’agriculture et réduisent leur consommation en énergie fossile tout en recréant du lien communautaire, et j’en passe.
Que nous disent les exemples d’aujourd’hui? Ils montrent qu’une minorité peut mobiliser une communauté en lui redonnant les rennes de son destin. Ils montrent que la résilience est un moteur plus fort que la paralysie de la peur. Ils me font personnellement penser à cette autre logique, cette autre réalité qui est depuis toujours présente en germe dans notre monde mais que nous ne voyons pas toujours. Celle que Jésus décrit dans la parabole de la graine de moutarde pour illustrer ce qu’il appelle le Royaume de Dieu, où la force la vie déploie tout son potentiel.

Selon Serge Moscovici “Il s’agit de rendre visible ce que les autres ne savent plus voir, faire sentir ce à quoi ils ne sont plus sensibles. Un des ressorts de l’influence minoritaire, c’est qu’au départ, les gens disent que c’est utopique. Mais le jour vient où les utopies deviennent la norme. Parfois elles échouent, mais elles laissent toujours des traces”. Des alternatives et des leviers de transformation existent déjà, ici en Suisse, comme au Sud. C’est sur elles que nous devons attirer l’attention pour faire bouger la majorité. Car, comme le dit encore Serge Moscovici, “L’essentiel est de changer la société et les hommes. Le politique suivra.”

Je crois que c’est aussi le rôle des Eglises et de leurs œuvres d’entraide – chacune avec leur voix - de faire écho à de telles utopies. Face à la crise écologique, économique et spirituelle, il s’agit d’une part de dénoncer l’injustice, mais aussi de donner espoir, de mobiliser les communautés avec des utopies concrètes. Promouvoir un modèle d’agriculture et d’alimentation qui s’enracine dans la terre au lieu de l’exploiter, Favoriser une économie avec une vocation de service et non de prédation des ressources naturelles et humaines, et cela dans une attitude intérieure d’altruisme et non de domination.

En guise de conclusion, permettez-moi de reprendre mon allégorie de tout à l’heure pour la terminer sur une note d’espoir :

Comme si elles se réveillent d'un long sommeil, un nombre croissant de personnes réalisent qu'il n'y a pas de main invisible qui guide leur destinée. Elles disent: « Travaillons ensemble, partageons et coopérons à nouveau. C’est là que nous trouverons l’abondance et que nous répondrons à nos vrais besoins. » Elles s'indignent face à l'avidité des rois et des prêtres et exigent d’y mettre un frein.
Des communautés solidaires se développent dans toutes les régions du monde. Elles se disent: « Nous n'avons pas besoin de produire toujours plus pour vivre et pour travailler. Nous pouvons inventer une nouvelle économie ». Elles apprennent à réutiliser ce qu’elles fabriquent dans leurs régions et redécouvrent ainsi la valeur des choses.

Au Nord comme au Sud, ces communautés reprennent leur destinée en main. Elles cherchent en toutes choses le sens de qu’elles font. Elles disent: « Laissons-nous guider par notre vocation plutôt que par notre profit. »
Elles se savent dépendantes de la terre et disent: « Vivons au rythme des saisons et des cultures, tirons notre énergie du soleil et du vent – ils n’appartiennent à personne. Cultivons nos semences et nos racines. »

Quand ils voient ceci, les rois et les prêtres se durcissent. Il y a des confrontations. L'issue reste incertaine et nul ne sait s’il reste à la terre assez de temps de se régénérer. L'horloge tourne toujours mais l'espoir, lui, ne cesse de grandir.

Amen.

Notre monde est confronté à deux crises globales, l’une écologique et l’autre économique. L’exemple de l’industrie extractive transnationale montre que ces deux crises reposent sur une vision faussée de la place de l’humain sur la terre. Il renvoie à une troisième crise, d’ordre spirituel. Une réponse durable à ces crises doit intégrer ces trois dimensions. Le pasteur Bernard DuPasquier propose un culte en lien avec la Campagne de Carême.

Tout ce qui brille n’est pas or (tiré du site voir-et-agir.ch)

Une étude menée par Pain pour le prochain et Action de Carême analyse les conséquences de l’extraction d’or dans trois mines au Burkina Faso. Des atteintes aux droits humains à l’environnement sont constatées.

14’000 personnes qui ont dû quitter leurs terres. Nombre d’entre elles ont perdu leurs champs ainsi que l’accès à l’eau. Leurs récoltes se sont amenuisées, entraînant la faim. Cet or est raffiné en Suisse, notamment par l’entreprise Metalor, basée au bord du lac de Neuchâtel.

Quelle responsabilité portent les entreprises pour ces violations des droits humains? Que fait la Suisse, qui joue un rôle central dans le commerce globalisé de l’or?

L’étude avance la recommandation suivante: comme les mesures volontaires ne sont pas respectées, la Confédération doit obliger les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement. L’initiative “Pour des multinationales responsables” montre la voie.

Pour faire un don:
Pain Pour le Prochain - CCP: 10-26487-1
Action de Carême - CCP: 10-15955-7

Détails

Avec la participation de
Georges Deshusse et Anne-Laurence Cornaz-Gudet
Orgue
Musique
Atelier de chant, sous la direction d'Etienne Sommer, Nicolas van Dinh et Marina Fuchsloch, piano