Quelle étoile faut-il suivre?

Temple de Môtier (©Pymouss, CC BY-SA 3.0 Wikimedia Commons)

Écouter le culte :

La lecture de ce matin, c’est celle des rois mages. Peut-être que pour vous, cette histoire elle est connue – trop connue. Et même improbable. C’est quoi cette histoire d’étoile qui se déplace ? Mais moi, j’aime ce texte parce qu’il peut nous parler de notre quête du Dieu vivant. Au fond, c’est l’histoire de personnes qui quittent tout pour suivre un signe qui les mènera vers l’enfant Jésus.

 

  • Lecture 1 : Matthieu 2, 1-12

Jésus étant né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem, et dirent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer. »

Le roi Hérode, ayant appris cela, fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, et il s’informa auprès d’eux du lieu où le Christ devait naître.

Ils lui dirent : « À Bethléhem en Judée ; car voici ce qui a été écrit par le prophète : ‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui conduira Israël, mon peuple.’ »

Alors Hérode convoqua secrètement les mages et s’informa auprès d’eux du moment précis où l’étoile était apparue. Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez chercher des renseignements précis sur l’enfant ; et quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille moi aussi l’adorer. »

Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient allait devant eux jusqu’au moment où, arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta.

Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

 

Je suis terriblement banal et comme énormément d’êtres humains, j’aimerais connaitre pleinement qui est Dieu et quelle est sa volonté. Posséder ainsi la vérité et pouvoir enfin me reposer sur de réconfortante certitude. Mais à priori, ça n’est pas ce que Dieu a prévu pour nous. Il se montre sans qu’on puisse le photographier, et nous parle sans qu’on puisse comprendre tout ce qu’il nous dit.

Et la marque la plus significative de ça, c’est qu’il ne se révèle pas à travers une parole écrite (la Bible), mais à travers une vie humaine.

Si vous avez médité le prologue de Jean à Noël : « La Parole était auprès de Dieu, elle était Dieu, elle s’est faite chair… » (Jean 1, 1), vous vous êtes remis devant ce rappel merveilleux, mais très frustrant. La Parole de Dieu, c’est le Christ – pas la Bible. La Bible nous guide vers le Christ, mais c’est lui le chemin, la vérité et la vie.

C’est merveilleux, parce qu’on ne peut pas posséder le Christ, on peut juste le suivre et espérer, nous, lui appartenir. Ça devrait nous rendre humbles… et éviter beaucoup de problèmes.

Mais c’est très frustrant parce qu’on ne peut pas posséder le Christ, on peut juste le suivre et espérer, nous, lui appartenir. Et ça contrarie notre besoin de pouvoir se reposer sur nos réconfortantes certitudes.

Mais une fois qu’on accepte cette contrainte que nous impose Dieu, on peut découvrir une joie bien plus excitante que la satisfaction de savoir : la stimulation de chercher ! Surtout lorsque ce que l’on cherche a quelque chose d’énorme, de merveilleux, de cosmique.

C’est l’excitation du chercheur en laboratoire qui mène une expérience pour mieux comprendre les lois de la matière.

C’est cette excitation du paléontologue qui a trouvé un bout de squelette improbable et qui n’arrive pas à se décrocher de ses fouilles jusqu’à ce qu’il ait exhumé tout le squelette.

C’est l’excitation de l’astrophysicien qui découvre les images du télescope James-Webb. D’un coup ce qui n’était qu’une représentation mentale va se révéler en image. Une réalité se révèle à nous.

C’est l’excitation que je m’imagine lorsque j’écoute cette histoire de mages, qui voient dans le ciel la trace d’un événement cosmique, et ne peuvent rien faire d’autre que de suivre cette étoile. 

Et j’aime bien dans ce récit de la quête des mages la façon dont il fait écho à notre quête : nous cherchons dans ce monde où est le Christ aujourd’hui, au milieu de notre réalité si complexe. Où est cette parole vivante de Dieu ?

Les mages l’ont aussi cherché et ils l’ont trouvé (ce qui ne veut pas dire qu’ils la possèdent…). Ils ont vu un détail qu’ils ne comprenaient pas. Ils étaient plusieurs et au lieu de le laisser tomber, ils ont décidé de chercher ensemble.

Ils ont mis des hypothèses : cette étoile annonce une naissance royale – et ils ont suivi cette hypothèse ! Ils se sont trompés dans leurs recherches à cause de leur présupposé :  un roi né dans un palais, et se sont pointés à Jérusalem. Mais ils ont rebondi et poursuivi l’enquête grâce à l’apport d’autres savants, des spécialistes des écritures, qui leur disent de chercher plutôt à Bethléem.

À partir de là, l’étoile, le signe qu’ils suivaient devient plus explicite. Et cette étoile les devance pour leur montrer le bon lieu, la bonne famille, le bon roi !

Ils ont pu contempler la vérité avec leurs yeux, l’adorer, et lui offrir leur reconnaissance.

Ils ont connu cette « très grande joie » d’avoir trouvé là où est la vérité. Ils sont repartis sans posséder la vérité (ils n’ont pas pris Jésus sous le bras), mais habités par la vérité – et en faisant les bons choix, sans repasser par la case « Hérode ».

Cette histoire nous appelle à chercher. Alors cherchons ! Posons des hypothèses, poursuivons-les, sachons reconnaître quand on s’est trompé – la vie est faite pour être une quête du Dieu vivant, une aventure qui fait grandir, qui ouvre notre regard sur la réalité de ce monde et qui donne de la joie.

Soyons comme les mages et cherchons ! Mais où ?

Il y a une part de ce récit qui m’embête un peu plus. C’est que ces mages étaient des mages : soit des astrologues, augures, interprètes des songes. Le côté ésotérique me semble assez flou, voire dangereux. La Bible s’en méfie d’ailleurs beaucoup. Mais le plus grand problème, c’est qu’en Orient (chez les Mèdes), le mot « mage » était aussi utilisé pour les savants ou professeurs. Et si ces mages représentent les savants de leur époque, on pourrait croire que toute cette histoire de recherche est réservée aux grands esprits, et aux théoriciens de ce monde.

Et c’est là une grande erreur ! Et un grand risque en particulier pour les réformés. Parfois je me moque de la formation que j’ai reçue en disant qu’on m’a appris en parole « le salut par la foi », mais en exemple « le salut par la taille de la bibliothèque » !

Alors pour équilibrer tout ça, je voudrais qu’on écoute un second texte, d’un grand savant, qui, à l’aide de toute sa science – et malgré un zèle intense – n’a pas trouvé Dieu. Ce savant, c’est Paul de Tarse, qui, bloqué dans ses certitudes et ses connaissances n’a pas su reconnaître le Messie qu’il attendait.

Heureusement Dieu ne l’a pas abandonné à son sort et le Christ lui est apparu. Il a complètement changé son point de vue et pu voir à postériori son erreur.  Vous connaissez cette histoire, mais c’est bon de s’en rappeler au moment d’écouter le texte qu’on va entendre.

Face à la sagesse qui ne trouve pas Dieu, il propose de suivre l’étoile de…. la folie, la folie de Dieu.

 

  • Lecture 2 : 1 Corinthiens 1, 20-27

Où est le sage ? Où est le scribe ? Où est le raisonneur de ce siècle ?

Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ? Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a pas connu Dieu, il a plu à Dieu dans sa sagesse de sauver les croyants par la folie de la prédication.

Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse : nous, nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs.

Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes.

Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes.

 

Je me suis fait un plaisir personnel : lire deux textes bibliques qui semblent s’opposer pour voir comment ils nous font aller plus loin ensemble. Et un autre plaisir personnel : prêcher sur ce magnifique texte de Paul qui me semble incontournable.

Oui, la vie est une grande quête, mais trop de personnes s’y sont perdues parce qu’elles cherchent exclusivement ce qui leur semble raisonnable et acceptable. Mais comment peut-on imaginer que Dieu soit « raisonnable » ?

À l’époque de Paul, dans l’Empire romain, c’était la virilité et la force à l’honneur. Alors, annoncer que Dieu s’incarne dans un homme crucifié, ça parait complètement débile ! À l’opposé de ce que tant de personnes cherchent vraiment. Peut-être parce que ce qu’on cherchait, ça n‘était pas la vérité, mais sa propre affirmation : ce qui nous élève, ce qui semble nous faire du bien, ce qui nous confirme dans nos certitudes et notre confort.

Et je crois qu’on est très souvent comme eux. Mais… chercher ce qui est raisonnable, ce qui nous conforte, ce qui semble sage, Paul nous dit que c’est de la folie !

J’aime particulièrement la fin de ce texte : « Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. »

A priori Paul n’a pas peur de froisser quelques susceptibilités. Il dit globalement à ses auditeurs qu’ils ne sont ni instruits ni malins, et il va même leur dire après qu’ils sont « faibles ». Mais que justement, Dieu a choisi les choses faibles du monde – eux – pour confondre les fortes.

Dans son commentaire de l’évangile selon Jean, saint Augustin se demande pourquoi Nathanaël ne fait pas partie du groupe des 12 disciples, puisque Jésus dit de lui ce qu’il ne dira d’aucun autre : « Voici un véritable Israélite ; il n’y a rien de faux en lui ».

Et Augustin répond que probablement Nathanaël était un homme instruit et habile dans la loi. Or, le Seigneur n'a pas voulu le mettre au nombre de ses disciples, parce qu’il ne voulait choisir que des ignorants, afin de confondre le monde.

Et effectivement, les douze sont des pécheurs peu instruits.

Et effectivement, dans le livre des Actes, lorsqu’ils comparaissent devant le conseil du Sanhédrin, Pierre et Jean étonnent par leur assurance, alors qu’ils sont des gens « simples et sans instruction ».

Et effectivement, Paul dit qu’il se réjouit de ses faiblesses, « car lorsqu’il est faible, c’est alors qu’il est fort ».

Et effectivement, Jésus donne un enfant en exemple et disant que pour être grand dans le royaume de Dieu il faut s’abaisser comme cet enfant.

Et effectivement, accepter de mourir sur une croix est à l’opposé des honneurs et de la réussite dans ce monde.

Et effectivement, le Christ est né dans une famille du peuple et non dans le palais de Jérusalem.

Dans votre recherche de Dieu, n’oubliez jamais ce critère : ce qui est grand et noble aux yeux des humains, Dieu le regarde comme insignifiant. Mais il lui a plu de confondre le monde par la faiblesse, la folie, la fragilité.

Alors, cherchez cette Parole chez les exclus, chez les pauvres et les malheureux.

Cherchez le Christ à l’hôpital, là où l’on souffre et là où l’on soigne.

Cherchez la Vérité là où l’on est humble, où l’on accueille, où l’on aime.

Cherchez la lumière de Dieu, dans le regard de ceux qui n’ont rien à prouver, ou dans le regard de ceux qui ne peuvent plus rien prouver.

Cherchez-le dans les homes et les hospices

Cherchez le Christ là où l’on vous bouscule, loin de ce qui vous semble acceptable ou confortable.

Les voici, les étoiles à suivre, c’est en ces lieux qu’elles s’arrêtent. Loin des palais et de leurs lumières clinquantes. Dans la demeure des personnes humbles de cœur, qui ont accepté de porter le Christ.

La parole de Dieu a surpris tout le monde lorsqu’elle s’est faite chair, et tant de savants sont passés à côté. Mais elle a réjoui tous ceux qui étaient prêts à la reconnaître dans sa folie !

Heureux ceux pour qui cette folie de Dieu n’est pas une occasion de chute.

Heureux ceux qui l’entendront, la verront, l’accueilleront,

Heureux ceux qui savent qu’ils ne possèdent pas la vérité, mais qui peuvent dire : « j’ai vu où elle réside » et « je veux lui appartenir ».

Heureux ceux qui cherchent le Royaume de Dieu : tout le reste leur sera donné en plus.

Amen !

Le langage populaire a consacré l’idée de «suivre sa bonne étoile». Mais est-ce une évidence de savoir où elle est, ou ce à quoi elle nous appelle? Les mages ont choisi de suivre dans le ciel une étoile qui les a guidés au Christ. Et nous, aujourd’hui, quelles étoiles suivons-nous? Où nous mènent-elles?  Quels sont les critères pour savoir si c’est la «bonne» étoile que nous suivons?

Détails

Avec la participation de
Frédéric Noyer, pour les lectures
Orgue
Jacques-Etienne Rouge
Musique