Vous êtes la lumière du monde

Temple de Saint-Prex (©Alain Rihs, CC BY-SA 3.0 Wikimedia Commons)

Écouter le culte :

Un jour sur la montagne Jésus fait un discours, dont l’évangéliste Matthieu nous rapporte le contenu. Jésus s’adresse à des gens dont il a une très bonne opinion, vous allez le constater dans le texte de ce matin. Parle-t-il sur cette montagne à un petit groupe d’amis convaincus ou à un public plus large ? Difficile à dire. En tout cas Jésus a été un manager avisé, car à Pentecôte, ses disciples ont été tout feu tout flamme pour présenter sa vie et son œuvre à un vaste public.

La semaine prochaine en effet, nous allons fêter l’irruption du Saint-Esprit dans notre monde. Avec l’énergie du Saint-Esprit les disciples font vivre le Christ devant une foule bigarrée, venue d’un peu partout. Ils réussissent à parler dans le langage de chacun et chacune, prouvant par là que Jésus a eu raison de valoriser son entourage. Vous allez l’entendre, Jésus utilise trois images. Ces trois métaphores guideront tout à l’heure le message

Dans l’évangile de Matthieu, chapitre 5, les versets 13 à 16 :
Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.

Comme annoncé, je lis ce texte à partir des événements de Pentecôte. C’est bien agréable d’être la lumière du monde, de s’entendre dire que vous êtes le sel de la terre, d’être visible comme une cité construite sur une hauteur. Mais Jésus a-t-il été un manager avisé ? S’est-il entouré d’une équipe performante ? Bref, a-t-il eu raison d’avoir une opinion aussi positive du cercle de ses auditeurs ?

Nous savons que oui. Les disciples l’ont prouvé devant la foule réunie le jour de Pentecôte. À partir de là, la lumière du monde, ce ne sont plus seulement les auditeurs directs de Jésus, un jour sur la montagne. Bien des gens se révèlent être la lumière du monde et le sel de la terre, visibles comme une ville surélevée. Ces trois métaphores, le sel, la lumière et la ville en hauteur me paraissent particulièrement riches.

La métaphore du sel tout d’abord est bien flatteuse. Certes, le grain de sel est tout petit, mais son efficacité dépasse largement sa taille.

Jésus a marché sur la terre pour aider les humains dans leur quête d’une vie heureuse. Il faisait le bien autour de lui et cela sans discrimination. Le jour de Pentecôte, les disciples donnent la saveur de l’Évangile à des personnes venues de tous les pays du monde. De nos jours, nous dirions peut-être : à des personnes issues de bien des sociétés différentes.

Être le sel de la terre, c’est se soucier du bien être spirituel des autres, sans discrimination, comme le faisait Jésus. La diversité humaine est un merveilleux don de Dieu. Elle fait partie du projet de Dieu pour notre monde : la différence est un bienfait et chacun, chacune a le droit de vivre heureux avec sa propre personnalité.

Jésus donne vocation à son entourage d’offrir une saveur spirituelle aux sociétés humaines, d’être au service de tout le monde. Toutes et tous ont été créés par Dieu. Aucune discrimination ne vient de Dieu. Bien sûr, ni celle de l’âge ou de la couleur de la peau. Mais pas non plus celle basée sur les capacités physiques ou intellectuelles, ni celles liées au psychisme, aux différences de sérénité psychologique. Pas de séparation évidement entre homme et femme, ni en fonction des cultures, ni à partir des choix spirituels, et pas de ségrégation, non plus, en fonction des choix affectifs. Dieu accueille chacun et chacune, toutes et tous ont droit au bonheur.

Nous vivons un monde formidable car nos sociétés sont animées par une dynamique où notre identité n’est plus imposée par le hasard de la naissance. Maintenant nous pouvons choisir notre identité dans bien des domaines. Nous avons le droit de vivre une spiritualité bienfaisante quels que soient nos choix de vie.

Le sel donne de la saveur à un nombre incalculable de plats différents, ceux issus de la cuisine traditionnelle comme ceux de la nouvelle cuisine ou ceux des cuisines venues d’ailleurs. Il y a 20 siècles, le jour de Pentecôte, bien des gens très différents ont accueilli la saveur de l’Évangile. Ensuite, ils ont diffusé cette saveur dans leurs propres cultures. Dès l’origine, la foi chrétienne peut accueillir des humains dans leurs innombrables différences.

Ensuite, Jésus valorise ses auditeurs avec l’image de la lumière.

Il ajoute : un seau peut empêcher son rayonnement. Même recouverte, la lumière brille. La lumière n’est pas en en cause, mais elle peut être cachée. Il y a bien des choses qui peuvent recouvrir notre lumière.

Il y a d’abord les pesanteurs de la tradition. Elles nous empêchent parfois d’apprécier d’autres plats ! Bien sûr nous avons un héritage. Nous avons reçu du passé un pack complet, avec des bases, des fondements riches et solides. Et il faut pouvoir s’appuyer sur les fondements. La solidité d’une maison vient d’abord de ses fondations. Mais personne n’habite dans la cave. Une fois les fondations terminées, il faut mettre un rez-de-chaussée avec cuisine et tout ça. Et même, si possible, un étage pour avoir vue sur le lac !

Parfois c’est l’omniprésence du mal qui nous empêche de voir le bien. Le désespoir peut alors ternir notre lumière. Un paroissien m’a dit un jour : « Le vin a deux ennemis : celui qui n’en boit pas et celui qui en boit trop ». Je dirai, le bien a deux ennemis : celui ou celle qui s’en fiche (c’est-à-dire : je vis comme je veux et tant pis pour les autres) et celui ou celle qui ne voit que le mal.

Lorsque nous sommes obsédés par les malheurs du monde nous devenons comme un grain de sel qui voudrait donner, à lui tout seul, de la saveur à tous les plats. Impossible ! Un grain sale la petite portion de nourriture dans laquelle il a été mis. Il ne s’agit pas de nier les malheurs du monde, mais simplement de prendre conscience de nos limites.

Bien d’autres caches peuvent recouvrir notre lumière. En particulier le manque de confiance en nous. Or Jésus a dit « vous êtes », il n’a pas dit « est-ce que vous êtes » la lumière du monde ? Il a dit « vous êtes ». Avons-nous peur de ne pas éclairer suffisamment ? Nul ne va éteindre une flamme qui n’éclaire pas assez, au contraire. Certes, il faut quarante bougies pour éclairer comme une ampoule de quarante watts. Cela ne nous empêche pas d’apprécier le rayonnement d’une petite flamme dans le noir. Jésus a parlé d’un cache sur la lumière mais elle continue à briller, même sous un seau.

Le jour de Pentecôte, l’énergie du Saint-Esprit permet aux disciples de se laisser aller à faire rayonner la lumière de l’Évangile autour d’eux. Ils ont fait leur « coming-out » spirituel, dirions-nous de nos jours. Ils ont laissé leur personnalité chrétienne rayonner autour d’eux.

Enfin, Jésus utilise la métaphore d’une ville bien visible sur une hauteur.

Le sel donne de la saveur simplement parce qu’il est ce qu’il est. La lumière éclaire tout simplement parce qu’elle est ce qu’elle est. Vous donnez une saveur spirituelle à notre société simplement parce que vous êtes ce que vous êtes. Et du coup vous êtes comme une ville sur une hauteur, impossible à cacher.

La plupart des humains possèdent au plus profond d’eux-mêmes le désir de faire le bien. Comment faire pour bien faire ? En libérant ce désir de faire le bien ! Il ne s’agit pas de sauver le monde entier, ni d’être indifférent au sort des autres. Le bien, c’est un chemin, une direction. Pas un but à atteindre, car seul Dieu peut faire le bien absolu.

Mais nous pouvons être satisfait du bien relatif que nous faisons, soit dans des petits gestes tout simples, soit dans des engagements longs et forts. Pour Dieu, vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde car vous faites de petites ou de grandes choses pour rendre l’humanité plus humaine. Bravo à vous et merci à Dieu de vous avoir créé !

Le symbole d’une ville impossible à cacher diffère de l’image du sel et de la lumière. Une ville se construit collectivement. Jésus ne nous demande pas d’en être l’artisan. Mais symboliquement, il nous propose de l’habiter, de lui donner de la saveur et de l’éclairer.

Depuis Pentecôte, les chrétiens annoncent une bonne nouvelle. Une bonne nouvelle, c’est une nouvelle qui fait du bien. Jésus, l’envoyé de Dieu, voit en nous la lumière du monde et le sel de la terre. Dieu a confiance en nous et cela ne peut que nous faire du bien et faire du bien, c’est la vocation de la spiritualité chrétienne.

La ville sur la montagne est habitée par la joie de vivre, la culture du bien-être collectif, l’amour de soi, l’amour des autres et l’amour de Dieu. Cette spiritualité nous stimule, nous fortifie, et nous console aussi, lorsque c’est nécessaire.

Dieu a quitté son statut de Dieu pour donner une saveur spirituelle à notre monde. Il a vécu sur terre en la personne de Jésus-Christ. Dieu a fait preuve d’audace et d’imagination. Il a eu le courage de devenir faible pour montrer sa puissance. Il a eu l’idée de faire naître le divin dans l’humain et il a su pardonner à ceux qui l’ont tué ! Impossible de donner davantage de saveur spirituelle à notre humanité.

Amen.

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Post-message

Certains ont peut-être en mémoire des paroles de Jésus envers ses disciples bien moins positives. C’est vrai, ils se font parfois rabrouer. Du moins les disciples hommes, pas les femmes. Des femmes ont servi Jésus en Galilée et beaucoup de femmes sont montées avec lui à Jérusalem. Jésus a eu toujours des paroles positives pour les femmes.

D’une manière générale, jésus faisait du bien et disait du bien autour de lui. De ce fait, les paroles conservées par Matthieu sont emblématiques.

Jésus n’a pas eu tort d’avoir une si grande estime pour ceux qui l’ont écouté ce jour-là, sur la montagne et ensuite, pour celles et ceux qui l’ont suivi durant sa marche sur notre terre. Bien sûr, le Vendredi-Saint nous pousserait à penser qu’il a fait, ce jour-là, sur la montagne, un pari insensé. Mais Pentecôte le montre : Jésus a gagné son pari.

Merci à Dieu d’avoir créé ces hommes et ces femmes, merci à Dieu pour l’énergie du Saint-Esprit car il fait vivre le Christ, jour après jour, dans notre monde.

Jésus affirme: «vous êtes le sel la terre, la lumière du monde», et il ajoute, «une ville sur une montagne n’est pas cachée». Jésus dit «vous êtes», pas «soyez».

Le sel donne du goût à tous les plats, l’Évangile donne du goût à toutes les sociétés.

La lumière peut être cachée par les traditions, la dépression face à l’omniprésence du mal, le manque de confiance en soi, etc.

La ville sur la montagne est habitée par la joie de vivre, la culture du bien-être collectif, l’amour de soi, l’amour des autres et l’amour de Dieu.

Détails

Avec la participation de
Pauline Stenger pour la liturgie, et Corinne Curchod pour les lectures.
Orgue
Edith Lang
Musique
Claudine et Jean-Daniel Correvon au chant