En marche vers le ciel, en marche vers l'espérance!

Saint-Prex-eglise-village-©EERV-F.Paccaud

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« Lord I Want to be a Christian… in my heart ! »

Les paroles de ce Negro Spiritual ont été chantées pour la première fois en 1750, du temps de l’esclavage aux Etats-Unis. C’est un chant plein de douceur et de ferveur aussi ; du moins, c’est ce qui s’en dégage lorsqu’on les écoute aujourd’hui. Et puis, en y prêtant un peu plus d’attention, on pourrait percevoir derrière les mots chantés une mélodie en mineur qui raconte la foi au milieu de l’épreuve.

« Lord I Want to be a Christian… in my heart ! » (Seigneur je veux être un chrétien… dans mon coeur !)

Oui Seigneur, je veux être un chrétien,
malgré les chaînes et la douleur qui assaillent ma chair,
je veux être un chrétien,
dans mon âme et mon esprit !
Et que je puisse sans cesse aimer, malgré tout !
et grandir en sainteté,
oui que je puisse te ressembler, ò Jésus !

Les Negro Spirituals de cette époque, puis les Gospels nés au début des années 1920-1930 du siècle passé, sont encore chantés aujourd’hui par des centaines et peut-être des milliers de chœurs, des chœurs comme celui de Denens et bien d'autres encore. On peut les aimer et les chérir, parce que leurs rythmes, surtout les Gospels, sont entraînants et leurs mélodies plaisantes.

Mais au-delà des goûts et des couleurs, ces chants méritent qu’on les écoute et les prenne au sérieux. Et pourquoi me direz-vous ? Eh bien, parce qu’ils permettent de célébrer l’espérance chrétienne, s’en réjouir et la proclamer ; et ce, plus encore, au milieu de l’épreuve, lorsque tout va mal en nous ou autour de nous.

Au fait, lorsqu’ils sont chantés, les Negro Spirituals nous font prendre part, qu’on le veuille ou non, à cette longue histoire de plusieurs siècles d’esclavage. En les chantant, en les écoutant, on communie ainsi avec eux, les hommes et les femmes esclaves d’alors, partageant avec eux une part de leur douleur et le côté sombre et aride de la vie menée alors. Et puis, une fois ressenti cela, ces chants nous entraînent plus loin et ils nous font toucher du doigt cette espérance qui les tient malgré tout debout.

Et les voilà qu’ils nous disent et témoignent : « Même terrassés sous les coups, nous chantons et nous continuerons à le faire tant que nous vivrons ! »

Oui, ces chants nous invitent à « surfer sur les cailloux »,  comme j’aime à le dire ! Et j’ajouterais volontiers : « à surfer sur les cailloux, sans se casser les dents dessus ! »

Cette expérience de l’esclavage n’est pas aussi révolue qu’on le croit. Elle se répète et se répète encore, depuis l’aube des temps. Et ces esclavages sont plus subtils que hier, car Ils n’enferrent plus les gens dans les chaînes et les liens comme par le passé. Et encore qu’il en existe de ceux-ci, des esclaves modernes; leur chiffre n’est de loin pas anodin : plus de 50 millions tout de même de par le monde !

Les esclavages qui hantent notre monde occidental d’aujourd’hui sont probablement plus sournois : ils semblent même par moment être devenus la norme et l’on finit alors par ne plus s’en offusquer. C’est grave non ? Alors bien sûr, il y a les drogues et autres psychotropes,
tout comme les addictions de tous genres, sans oublier ces machines à bruit qui vous suivent partout, nos téléphones portables. Mais il y a également les mobbings de toutes espèces et de la pire espèce. Ils sont nombreux, et ceux-ci ne sont pas que professionnels. Pensez aux chantages affectifs, aux discours démagogiques, aux manipulations de l’esprit, et j’en passe.

Oui chers amis, les esclaves, ce ne sont pas seulement des gens dans les fers et privés de liberté de mouvement. Les esclaves d’aujourd’hui, ce sont aussi ces hommes et ces femmes, ces enfants et ces vieillards qui se trouvent réduits et réfrénés dans leur capacité, leur rayonnement, leur élan vital. Et parfois même, ce sont ces personnes prises en otage dans des liens aliénants, voire toxiques.

Alors, pour beaucoup de ces hommes et ces femmes d’aujourd’hui, qui ploient sous les esclavages venant hanter leur jour, et parfois même leur nuit, les chants des Negro Spirituals et des Gospels constituent un vrai bol d’espérance, un tremplin de salut.

Et comment le font-ils ? Eh bien, en invitant à leur tour chacune et chacun d’entre eux - tout comme l’ont fait les noirs d’Amérique - à se laisser rejoindre et habiter par l’expérience du peuple hébreu du temps de son esclavage en Egypte ; et à se laisser alors imprégner par la foi qui est née de là.

Au fond, cette histoire de Moïse, l’histoire d’Israël dans le désert, constitue la matrice, la toile de fond de toutes les autres histoires humaines : celle d’Israël comme celle des peuples de croyants. Vous l’avez compris : son histoire, celle d’Israël, devient notre histoire ! Elle est notre histoire !

Aujourd’hui, les esclaves modernes dont nous parlions tout à l’heure - et peut-être que tu te sens ces jours un peu comme l’un d’entre eux - eh bien, les esclaves d’aujourd’hui peuvent encore faire l’expérience de cette commune appartenance au peuple ancien. Se sentir reliés à lui, Israël, tout comme à ce peuple des esclaves d’Amérique entravés alors dans les chaînes. Il y a une communion de vie qui traverse l’espace et même les temps.

Mais, me direz-vous, avec ça, les Noirs d’Amérique étaient toujours esclaves, non ? C’est là toute la force de la foi et sa spécificité qui installe le croyant dans un « déjà, pas encore ». Oui, l’homme et la femme de foi sent et sait que Dieu est à l’œuvre, que son salut est déjà donné. Il sait et il sent cela déjà à l’œuvre pour lui, ici et maintenant dans son cœur - comme le rappelait le chant tout à l’heure. Mais il sait, parce qu’il n’est pas fou, que ce n’est, ma foi, pas encore tout à fait cela ! Que cela n’est pas encore pleinement manifeste, ni complètement achevé. Il sait que cela le sera dans l’au-delà de sa vie, dans l’au-delà des temps.

Oui, la foi installe le croyant dans un « déjà, pas encore », et il en prend conscience, il s’en réjouit déjà ! Parce que, tout comme le peuple des Hébreux du temps de Moïse, lui aussi, le croyant, sera bientôt libéré de ses chaînes. Oui, la foi lui fait sentir que cette histoire-là vient marquer irrémédiablement son présent. Et cela met son cœur en fête. C’est quelque chose que les croyants, et ils sont nombreux, ont expérimenté à travers les siècles.

En commençant par Paul, l’apôtre: « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, je le répète, réjouissez-vous ! », dit Paul à la communauté de Philippes, en Grèce antique. Oui réjouissez-vous toujours !

Celui qui parle ainsi, ce n’est pas le Paul victorieux, plein d’entrain, à la conquête de nouvelles terres pour y parler de l’Evangile. Non, c’est un Paul dans les fers ! Privé de liberté ! Tiens : lui aussi !

Un Paul qui pourrait se lamenter de son sort, et pourtant... un Paul vigilant, le cœur vaillant.

Un Paul qui sait quelle est son espérance ! Tiens : lui aussi, encore une fois !

Disons-le autrement : Paul se retrouve enchaîné. Certes. Mais quand il s’exprime ainsi dans cette épître aux Philippiens, il n’a rien d’un homme déconnecté, à côté de la plaque, voire dans un état de délire profond. Au contraire, c’est un Paul relié au ciel, habité par un profond « déjà, pas encore » de la foi.

Un Paul dont le regard est tourné, pour ne pas dire rivé vers le Ciel ; ce ciel dans lequel Jésus Christ, fait Seigneur au matin de Pâques, trône maintenant depuis son Ascension au Ciel !

Oui, chers frères et sœurs, nous touchons là au cœur de la fête de l’Ascension, que nous fêtons aujourd’hui. Et cet événement vient marquer une apothéose dans ce long pèlerinage des croyants à travers les siècles, et les millénaires. La fête de l’Ascension marque la vie du chrétien, bien plus que ne le fait l’histoire de l’Exode, car elle donne la direction de ce que sera notre propre ascension au ciel au moment où sera pleinement accompli pour nous notre temps ici-bas.

Et le Christ de l’Ascension invite le Gospel, tout comme nous d’ailleurs, à nous élever aux dimensions du ciel. A élever nos âmes, à les tendre vers l’espérance d’un déjà pas encore, comme nous l’avons évoqué tout à l’heure.

C’est ce que chante cet autre chant de Negro Spiritual, « Jacob’s Ladder». Comme avec l’échelle de Jacob, le Christ nous invite à nous élever aux dimensions du ciel. A grimper, non pas tellement pour voir la terre d’en haut, mais pour voir ce qui est donné de vivre auprès de Dieu.

Et ce qui y est donné de vivre, c’est cette joie pleine et parfaite dont parlait Paul. C’est cette paix, plénitude de l’être, plus qu’absence de guerre. Plus encore, c’est cette louange éternelle, que les premiers apôtres, peu après l’Ascension de leur Maître, ne cessent de célébrer, déjà, et de chanter dans le temple de Jérusalem

Rien, non, plus rien ne saurait les faire déchanter. Et même si la noirceur des temps tend parfois à embuer l’horizon, même si le mal sous toutes ses formes et les esclavages d’aujourd’hui nous tiennent prisonniers, c’est Christ qui garde maîtrise sur le temps et l’éternité ! C’est le Christ qui est victorieux de toute mort !

We are Climbing Jacobs Ladder
Soldiers of the Cross
Every round goes higher, higher

C’est ce que chantent les Negro Spirituals :

Nous escaladons l’échelle de Jacob,
Soldats de la Croix
Chaque tour, monte plus haut !

Amen !

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L’esclavage des noirs d’Amérique a marqué le chant des Gospels. Malgré son abolition il y a plus d’un demi-siècle, l’esclavage est encore bien présent, de manière bien plus insidieuse et perverse. Les chants des Gospels nous renvoient à cette histoire ancienne, déjà partagée par les Hébreux au sortir de l’Egypte. Ancrés profondément dans l’histoire, ils nous font participer aux chants des anges, qui proclament de toute éternité la gloire de Dieu, et cela au-delà des vicissitudes du monde. Ainsi, dans les prisons que nous imposent parfois nos vies d’aujourd’hui, chanter l’espérance permet d’élever notre âme et notre être intérieur et plus encore, de rendre gloire au Christ triomphant à l’Ascension.

Détails

Avec la participation de
Mireille Vuillemin et Alain Rihs participeront à la liturgie et Corinne Curchod fera les lectures bibliques.
Orgue
Edith Lang
Musique
Chœur Gospel de Denens, sous la direction de Philippe Hugli. Michel Guignard au piano.