La paix comme une colombe

Temple de Peseux (©Alexandra Urfer Jungen)

Écouter le culte :

Shalom, salut ! Je m’appelle Daniel, et on m’a demandé de venir raconter mon histoire. Alors voilà !

C’était il y a très longtemps, j’étais encore un tout jeune homme et j’habitais un petit royaume, loin d’ici. Ce royaume vivait en paix mais, tous les jours, de tristes nouvelles nous arrivaient. De nouvelles guerres ravageaient villes et campagnes et jetaient sur les routes des milliers de gens qui fuyaient les horreurs et la misère.

Le roi de ce royaume parcourait le pays pour dire aux hommes, aux femmes et aux enfants de ne pas se laisser avoir. De garder les yeux et les oreilles ouverts. Ne pas se laisser tromper par les fausses nouvelles, par l’or et les diamants, par les langues de serpents. Il n’y avait qu’une bonne nouvelle, c’était l’amour et sa force de vie.

Mais les paroles du roi ne faisaient pas que des heureux. Beaucoup de gens fermaient leur cœur et voulaient prendre la place du roi pour diriger le royaume et se remplir les poches d’or.

Un jour, la foule se rassembla pour une fête sur la grande place royale. J’étais venu, moi aussi. On attendait le roi. Viendrait-il comme à chaque fête pour parler à la foule ?

Il vint, mais ne tint pas de grand discours, juste une phrase : « La paix soit avec vous ! » Et il tendit les bras vers le ciel.

Dans le bleu du ciel, ébloui par le soleil de midi, on a alors vu apparaître un petit nuage blanc qui descendait vers la place. Il y eut un grand « oh ! ». Ce nuage, c’est un vol de colombes ! Elles descendent dans un frou-frou léger. Elles se séparent et tournoient au-dessus des têtes.  Et voilà que certaines se posent sur une épaule, là un homme, là une femme, là un enfant. D’autres repartent au loin et disparaissent aux regards.

C’est comme ça que je me retrouve avec un oiseau sur l’épaule, un oiseau blanc comme la neige, qui ne me quitte plus jusqu’à la maison. Là, mes parents, mes frères et sœurs sont bien étonnés. Ils veulent prendre l’oiseau, le caresser, le mettre dans une cage, mais chaque fois, la colombe s’envole puis revient sur mon épaule. Au soir, elle vient se poser sur ma main et je sens sous son aile un petit rouleau, un message : « Demain, jardin du palais, aux premiers rayons du soleil. »

Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là. Réveillé avant l’aube, je cours vers le jardin du roi. La colombe vole devant moi comme pour me guider dans la pénombre. Le portail est ouvert, il y a déjà du monde et il en arrive encore de partout : hommes, femmes, filles et garçons, tous sont venus avec leur oiseau. Tous ont reçu le même message, tous se demandent ce qui les attend.

Ce qui nous attendait, c’était le roi. Il était là et il a fallu que le soleil se lève pour qu’on le reconnaisse.

« Mes enfants », dit le roi, « vous êtes tous venus, au nombre de 72. Je vous envoie dans toutes les villes et villages où j’irai plus tard. Allez, deux par deux ! Vous êtes mes messagers de paix. Allez dans une maison et annoncez en entrant, ‘Paix à cette maison !’. Dites aussi que la Bonté du Ciel s’est approchée d’eux, qu’elle vient habiter chez eux, et annoncez ma venue ! Car partout où vous irez, j’irai. »

Avec ma cousine Salomé, on a fait la paire. Ça tombe bien : Salomé, ça veut dire la paix ! Et on part, cap vers l’est. On marche, on marche... Nos deux colombes nous rejoignent à la première halte. Elles se posent sur nous et nos yeux se perdent dans le ciel immense.

Avant de repartir, Salomé me dit :
« Daniel, tu sens comme moi ? »
« Quoi ? »
« Ce calme, ce bien qui te visite du haut en bas. »
« Et du bas en haut », que je lui réponds. « Comme une grande paix. Comme si tout était blanc et léger. »
« Blanc et léger comme... », et elle laisse un silence.
« Comme une colombe, n’est-ce pas, cousine ? »

Elle ne dit plus rien. Son sourire parle pour elle. Mais il faut reprendre la route avec nos colombes qui nous suivent de loin, se reposent de temps en temps dans les feuillages d’un arbre, puis nous rattrapent et tournent autour de nous avec de petits cris. Enfin, vers le soir, fatigués et le ventre creux, on arrive dans une ville. Personne dans les rues. Un chien court vers nous, nous fait la fête et s’arrête devant une porte en aboyant. La porte s’ouvre, c’est un gars de mon âge qui nous fait entrer tous les deux avec nos colombes sur l’épaule. Nous voyons toute la famille réunie autour de la table. Ils ont l’air triste autour d’une soupière et d’un morceau de pain.

« Paix à cette maison ! »

Nous avons dit ces mots d’une seule voix, Salomé et moi. Aussitôt, nos colombes s’envolent et se posent, l’une sur celui qui nous avait ouvert, l’autre sur le bras de sa mère. Oh, leurs sourires, leur joie, comme une lumière qui s’allume dans leurs yeux ! Et les colombes ont fait comme ça le tour de la famille. On leur a dit : « Voilà, c’est la Bonté du Ciel qui s’est approchée de vous. »

Et puis les deux oiseaux volent vers un coin sombre. Je prends une bougie pour aller y voir. Il y a là une fillette couchée, trempée de sueur, toute tremblante de fièvre et on comprend pourquoi cette famille est si triste et inquiète.

Salomé lui prend la main et lui dit : « Lève-toi, ma jolie ! La Bonté de Dieu s’est approchée de toi. » Aussitôt la fillette se lève, guérie. Elle tend les bras, attrape une colombe, qui se laisse faire, et court dans les bras de sa maman.

Ils ont ouvert leurs réserves : de la viande, du vin. Ils voulaient nous faire une grande fête avec les voisins mais ils ont vite vu qu’on tombait de fatigue et ils nous ont conduits vers la chambre haute. Sur la terrasse, les deux colombes étaient déjà postées sur la fenêtre comme des gardiennes de notre sommeil.

Nous sommes restés quelques jours dans cette famille. Beaucoup de gens de la ville sont passés nous voir pour recevoir la nouvelle de ce Dieu qui se faisait si proche et pour recevoir aussi la paix des colombes. Ils repartaient et parlaient... et d’autres gens de la ville venaient à leur tour.

Quand nous les avons quittés, ils ont sorti leurs mouchoirs, s’essuyaient les yeux. On s’est fait des grands signes d’adieu. « Regarde comme ils agitent leurs mouchoirs ! », que j’ai dit à ma cousine. « C’est beau, on croirait voler des colombes ! »

Salomé et moi, avec nos compagnes blanches, nous sommes allés vers d’autres villes, d’autres villages. On a souvent été reçu comme des rois mais une fois, les gens de l’endroit n’ont pas voulu nous recevoir, pas voulu nous écouter. Pire, ils ont sorti des arcs et des flèches pour tuer nos oiseaux. Les oiseaux qui s’étaient déjà volatilisés.

Alors on s’est souvenu du roi qui nous avait avertis en disant : « Malheur à ces villes qui ne voudront pas de votre paix. Vous secouerez vos pieds pour leur rendre leur poussière avec ces paroles : ‘La Bonté du Ciel s’est approchée. Tant pis pour vous !’ » Et on a laissé cette ville et récupéré nos colombes qui nous attendaient en picorant sur le chemin.

Enfin, on est revenu vers le roi. On retrouve les autres, les 70 autres envoyés et on partage toutes nos aventures. Les colombes se rassemblent aussi et se racontent leur voyage dans un grand brouhaha de roucoulements.

Le roi écoute nos histoires et celles des oiseaux. Sa joie est immense. Il raconte aussi ce qui lui est arrivé pendant notre absence : « J’ai vu le ciel se couvrir de nuages noirs et le grand diviseur, le dragon de la guerre, qui tombait du haut du ciel et était englouti dans la mer... Grâce à vous tous. Puis un oiseau de ciel jaillissait au-dessus des vagues et déployait ses ailes comme une immense colombe. Grâce à vous ! »

Nous autres, on commence à se vanter de qui a compté le plus de nouveaux amis de la paix, de qui a guéri le plus de malades.

Alors, le roi nous dit : « Mes enfants, tout ça, c’est ma joie et ma fierté. Votre joie et votre fierté, ça n’est pas le nombre d’amis, le nombre de guéris, c’est que vos noms sont inscrits là-haut dans les cieux. Vous êtes une grande famille. »

Nos colombes se sont toutes regroupées, elles ont refait comme un petit nuage blanc qui est monté, monté jusqu’à disparaître.

« Qu’est-ce que ça veut dire, que nos noms sont inscrits dans les cieux ? » a dit un de nos compagnons.

« C’est peut-être qu’on est pour toujours dans le cœur de Dieu, répondit un enfant. »

Le roi a entendu cette réponse. Il a pris l’enfant par la main, s’est mis à genoux et a dit cette prière : « Père, donne-nous toujours des yeux d’enfants pour voir plus loin que les grands, les sages et les savants ! »

Le lendemain, la vie a repris sans nos colombes. Mais nos mots, nos gestes, avaient appris à voler, à se poser en douceur sur les gens, à se faire proches. 

Amen.

Il s’appelle Daniel. Il arrive d’un long voyage. On l’a invité à venir raconter ses souvenirs de jeunesse, de quand il a été enrôlé dans la petite armée du roi. Un corps expéditionnaire de 72 conscrits dispersés 2 par 2 sur les chemins. Il avait fait la paire avec Salomé, sa cousine, pour aller de ville en village. Drôle d’armée! Une armée pour la paix, rendez-vous compte, avec, pour toute arme, de blanches colombes! Tout un apprentissage!

Détails

Célébration
Avec la participation de
Ariane Moser et Anne-Martine Biolley pour les lectures
Orgue
Anne Kaufmann
Musique
Edy Zahnd à la clarinette, Esther Pittet, chant soliste, Stéphanie Gérard Mattsson et Julie Paik, chantres, et une chorale d'enfants sous la direction d'Esther Pittet et d'Anne Kaufmann