La prière, notre enracinement en Dieu, en Jésus-Christ. La prière, une source d’unité.

Temple de Denges (©Christophe Verrey)

Écouter le culte :

« Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est au-dedans de nous. Elle est en chacun de nous, et en laissant briller notre propre lumière, nous donnons incidemment aux autres la permission d’en faire autant. »                                                                        

Cette citation de Nelson Mandela va nous accompagner dans le déchiffrage exigent de la portée d’Évangile que nous venons d’écouter.

Cette citation pourrait devenir, avec d’autres mots : « Nous sommes nés pour exprimer la délicate musique divine qui est au-dedans de nous. Elle est en chacun de nous, et en laissant vibrer, résonner nos notes propres – empreintes de la mélodie du Christ – nous donnons incidemment aux autres la permission d’en faire autant. »

Quand j’ai lu l’extrait de cette prière de Jésus, j’ai eu une première réaction. Mais qu’est-ce qu’il veut bien dire ? Je me suis sentie un peu comme devant une partition de musique dont on me chante les louanges de la beauté, de l’ampleur, mais que spontanément, je ne vois pas comment jouer.

Alors, j’ai demandé à des jeunes et à des adultes comment leur parlaient ces mots de la prière de Jésus.

Nous vous partageons cinq réactions reçues :

  • C’est Jésus qui prie pour ses disciples ? C’est le monde à l’envers !
     
  • La première chose qui me vient, est que Dieu est en nous et que tous les hommes et les femmes forment une sorte de communauté, sont unis, même si on ne s'aime pas forcément.
     
  • Nous sommes unis dans la lecture d’un même texte et nous ne pouvons que constater qu’il résonne différemment en chacun, mais qu’il éveille notre amour de Dieu.
     
  • A la première lecture, je ne vois pas ce que je peux faire de ce texte. Il doit y avoir un autre niveau – celui de la rencontre d'amour entre le Père, le Fils et le St-Esprit : cette danse de l'Amour ! Et ça me fait penser au texte de l’Apocalypse : « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai et je souperai avec lui ! » Tout à coup il y a cette recherche d'intimité, d'une profondeur de relation insoupçonnée. Et là, je vois le Christ soupirer pour que nous entrions dans cette intimité qu'il vit lui-même avec son Père et l'Esprit, intimité (merveilleuse) qui – si nous y goûtons – nous fait découvrir une unité avec l'autre qui vit cela lui aussi, et qui permet d'être un, unis, au-delà de nos egos et de nos différences.
     
  • Jésus, quand tu pries pour tes disciples, tu pries pour moi. Quand je prie, je rejoins ta prière. Libère-moi, pour que je puisse poser ton regard dans mon regard. Que je puisse voir la fragile beauté et le sacré dans chaque moment de ce monde.

Vous-mêmes, vous avez entendu quoi de ce texte ?

Dans les pages qui précèdent cette prière, Jésus s’est adressé à ses amis. Maintenant il s’adresse à son Père, il lui parle d’eux.

Avec cette prière, nous sommes en train de passer à une autre perception. C’est comme si la mélodie du Père, celle de Jésus et celle des amis vibrent l’une en résonance à l’autre, comme si elles s’enlacent, se mêlent, s’aimantent pour n’en former qu’une seule, sans pour autant que l’une étouffe l’autre.

Cette prière nous souffle à l’oreille que nous ne sommes pas contraints d’être spectateurs. Des spectateurs à l’écoute des harmoniques du Père qui entrent en écho aux harmoniques de Jésus et inversement.

Si Jésus prie que tous soient un, c’est qu’il veut englober ses amis, et avec eux, il veut nous faire goûter à cette complicité, à cette unité qu’il vit avec son Père. Pourquoi l’unité qu’il connaît avec son Père ne fusionnerait-elle pas avec l’unité qu’il propose aux humains, afin que nous soyons un ?

Cette approche de Jésus est en décalage avec les systèmes religieux connus de l’époque. Ces systèmes consistaient essentiellement à séparer le sacré du profane, à en délimiter les contours, qu’il s’agisse des lieux, des temps, des titres ou des fonctions.

Jésus nous accompagne vers une autre manière d’habiter, de jouer – avec nous – la partition de notre vie, l’œuvre du Royaume.

En chaque musicien de l’existence, Jésus croit que Dieu demeure. Chaque musicien de la vie est alors porteur du sacré : qu’il soit prêtre ou non, homme, femme ou enfant, collecteur d’impôts, juif ou samaritain, centurion romain ou prostituée. Ce n’est pas le titre, ou notre place dans la hiérarchie qui privilégie l’intimité avec Dieu ou avec le Christ.

À chacun est donnée la possibilité de demeurer dans cet hymne à la gloire, dans cette unité.

À tous est donnée la possibilité de participer à cette symphonie unie, à cette composition divine et de la laisser résonner en soi, au contact des autres, sur la scène du monde.

La musique va l’exprimer à sa manière. Écoutons… [Phrase musicale individuelle puis ensemble (Bach)]

« Je cherche les notes qui s’aiment », disait Mozart en composant ses merveilles. Cela me fait penser qu’il avait en tête l’univers de l’harmonie. Pour nous sensibiliser à sa musique, nous faire vibrer avec elle, des musiciens ont exprimé leurs interprétations avec leur âme, leurs mains, leur corps, leur souffle et leurs propres instruments. Le son joué est un son lu puis entendu, approprié, reproduit. Il va danser, s’enchevêtrer, au rythme des autres.

Jésus nous incite à exprimer la note qui ne peut être que la nôtre. Cette note porteuse d’un éclat de Dieu, quand elle est mêlée à celle des autres, semble se perdre dans l’ensemble. Pourtant, elle contribue à l’expression du tout.

Quand nous pensons prière, nous pensons à quoi ?

Nous la décririons comment notre prière ? 

Est-ce que nous la voyons dirigée de bas en haut, de l’humain vers Dieu ?

Mes prières, elles sont très humaines. Parfois faites de distractions. Elles comprennent des soupirs, des mesures pleines de mes doutes ou de tempêtes, de mes rondes émerveillées, de triolets de joie. Elles s’inscrivent sur des portées d’espérance. Parfois, elles prennent les couleurs de la contemplation.

Jésus nous partage sa manière de vivre la prière. Il prie le Vivant en nous répétant qu’il est un avec Lui ! Jésus nous fait percevoir qu’il y a quelque chose qui circule entre eux. Il nous sensibilise à une relation d’intimité qui lui permet d’incarner la musique de Dieu, de la faire rayonner. De l’offrir aux autres pour qu’ils fassent de même.

« Qu’ils soient un en nous ! » Quel cri du cœur !

Jésus aimerait tant nous associer à cette intimité, à cette énergie de vie qui épouse aussi les fausses notes, les dissonances et les temps morts.

Est-ce « qu’ils soient un en nous » pourrait devenir : « Père, que ta volonté soit faite », « que ta volonté habite la nôtre » ou « que ta vie vienne demeurer en nous et entre nous » ?

Il ne faut pas rêver, dès les premiers temps de l’Église, les disciples en ont connus des controverses, des conflits, des divisions. L’unité ne tombe pas comme ça du ciel ! Elle fait appel à notre attention éveillée, à prendre soin de ce qui se passe en nous en lien avec les autres, en lien avec l’Esprit du Christ, en lien avec ces pages d’Évangile qui traversent le temps, en lien avec ceux et celles qui jouent avec nous ou qui ne savent pas encore qu’ils jouent avec nous.

Nous n’échappons pas aux conflits, aux luttes de pouvoir, aux jalousies mesquines, aux compétitions écrasantes, aux comparaisons paralysantes, aux fausses notes ou aux cacophonies et pourtant, nous participons déjà à la symphonie divine. Nous respirons déjà l’intensité de l’amour, de la paix et de la lumière que le Christ vit en Dieu, que Dieu vit en Christ et nous avec eux.

« Père, ceux que tu m’as donnés, je veux qu’ils soient là où je suis, et qu’ils contemplent ma gloire, la gloire que tu m’as donnée par amour. »

Qu’ils contemplent le rayonnement, la liberté, la beauté que nous vivons. Rayonnement, liberté, beauté qui vibrent de ce qui est donné par amour et qui se manifestent encore dans ce qui blesse, dans ce qui crucifie, dans ce qui meurt.

Une manière de dire : Père, personne ne t’a jamais vu. Tu m’as donné des frères et des sœurs, musiciens de ta vie. Je veux que là où je suis, dans notre relation à toi, ils respirent cette liberté qui favorise l’expression du violon de l’âme, ils répandent la musicalité du cœur à cœur avec nous.

Je tiens tellement à ce qu’ils prennent l’archet qui donne naissance à l’être, ou qu’ils utilisent leur propre instrument apprivoisé, choisi pour faire connaître la grande variété des gammes de la vie avec Toi, de son ampleur. Que beaucoup deviennent réceptifs aux croches, aux noires, aux blanches, aux rondes avec lesquelles tu composes ta mélodie d’amour en eux, à travers eux et dans le monde.

Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour se manifeste parfaitement en nous.

L’amour serait-il le miracle d’être un jour entendu jusque dans nos silences ? L’amour serait-il le miracle de laisser la corde sensible de notre âme entrer en résonance avec les cordes sensibles des personnes qui nous inspirent le Vivant et qui le respirent ?

« Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est au-dedans de nous. Nous travaillons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur, pour encourager la négociation là où il y a le conflit, et donner l’espoir là où règne le désespoir. » Nelson Mandela.             

Amen.

«Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est au-dedans de nous. Elle est en chacun de nous, et en laissant briller notre propre lumière, nous donnons incidemment aux autres la permission d’en faire autant.» 

Cette citation de Nelson Mandela va nous accompagner dans le déchiffrage exigent de la portée d’Evangile que nous allons écouter. 

Détails

Avec la participation de
Ronald Lüssi pour les lectures
Orgue
Irena Todorova
Musique
Violoncellistes Christophe Pantillon et Uta Korff