Épiphanie: mettre en évidence la différence

Temple de Courtelary (©Paroisses réformées de l'Erguël)

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Les textes bibliques entendus ce matin disent quelque chose du caractère universel de l’action divine dans le monde. Un Dieu pour tous et toutes qui agit dans le monde et qui bénit par une manifestation, étymologie de l’épiphanie.

Lorsque Dieu se manifeste, et plus particulièrement dans nos textes de ce matin, cela commence par un voyage, une mise en route : celle d’un riche propriétaire qui quitte son pays avec sa famille, son bétail, celle d’une communauté qui ne vient pas d’ici et qui cherche sa place, celle de trois sages venus de contrées éloignées qui se rendent là où le ciel les conduit. Et ni pour l’un, ni pour les autres, la route est toute tracée.  C’est à tâtons parmi les ombres et les dangers du monde, à travers le cœur maudit ou bienveillant que passe ce chemin.

Mais quel chemin au juste ? Pour Abram, le chemin est celui d’une promesse – celle que la vie continue pour lui et sa famille, pour sa descendance. Pour la communauté de Galatie, c’est un chemin qui pose des questions identitaires pour des gens qui n’ont rien à voir avec le judaïsme mais qui viennent de pays celtes et qui ont migré dans le centre de l’Asie Mineure. Pour ces savants en route, c’est un chemin de connaissance et de reconnaissance pour savoir si, finalement, cette étoile, cette comète, les concerne ou non.

Trois chemins aussi variés que le sont ces textes bibliques que nous avons entendus, aussi variés que chacun et chacune de nous, rassemblés aujourd’hui dans ce temple ou devant notre poste de radio. Trois chemins de vie où tout semble s’opposer mais où finalement, une seule question se pose : suis-je sujet de l’amour de Dieu ? 

Dans la promesse faite à Abram, Dieu dit quelque chose de la qualité universelle de sa bénédiction. En Abram, se retrouvent liés à jamais tous les êtres humains du monde. Car selon la Bible, chacun et chacune de nous serions des descendants d’Abram, et que cette descendance promise, cette grande nation, c’est nous. Pas nous habitants du vallon de St-Imier, de Suisse Romande, de Suisse, pas nous protestants, chrétiens et chrétiennes, mais nous les habitants du monde. Abram est figure centrale des trois monothéismes, père de toutes les nations. Ainsi, la mise en route d’Abram est celle de tout un peuple, le peuple de la terre. En Abram, se dit quelque chose de l’unité première du monde, un point de départ ancré dans ce mot si important : bénédiction, dire du bien.

Chez Paul, encore une fois, c’est cette universalité qui nous est rappelée pour dire que chacun et chacune de nous, que nous soyons des païens, des athées, des mystiques, des ésotériques, des sceptiques, des complotistes… chacun et chacune de nous sommes appelés à recevoir une bénédiction pour notre vie, une parole qui nous veut et qui nous fait du bien.

Dans le récit des mages, nous voyons combien cette bénédiction, incarnée ici en ce Jésus de Nazareth, concerne la terre entière, de l’Orient à l’Occident.

Alors, sommes-nous sujet de l’amour de Dieu ?

Si un berger de l’ancien temps, si des mages venus d’Orient, si des immigrés celtes ont su être touchés par cette amour, par cette bénédiction, nous pouvons être sûrs qu’à nous aussi, l’amour de Dieu nous est donné. La bénédiction est donnée gratuitement, sans condition. Il ne faut ni avoir une couleur de peau spécifique, ni un salaire spécifique, ni une origine spécifique pour la recevoir. Elle n’est ni un contrat signé et régulé par un certain nombre de lois qui détermineraient les droits et devoirs des dépositaires de la bénédiction.

Elle est donnée librement. Elle se met à notre disposition. Elle s’incarne dans nos vies de manières très diverses. Car si nous sommes des dépositaires de l’amour de Dieu, combien plus le sera notre frère ou notre sœur, qu’il ou elle soit riche ou pauvre, chrétien.ne ou musulman.e, juif.ve ou bouddhiste.

Si cet amour est gratuit et libre, il libère aussi Dieu. Il ne peut être le garant de nos activités terrestres, il ne peut être notre filet de sécurité, il ne peut être le responsable de tous les maux qui nous tombent dessus. Car l’amour de Dieu est donné librement sans contrat et cela le concerne aussi lui. Par amour, Dieu se libère toujours des cases où nous voudrions l’enfermer. Il est toujours au-delà de nos idées préconçues, il est toujours là où nous l’attendons le moins. Et du même coup, cet amour libère notre frère et notre sœur de croire comme il ou elle le souhaite.

Si nous sommes donc tous et toutes sujets de l’amour de Dieu, la vraie question à se poser est peut-être quelle réponse avons-nous à offrir à cet amour ? Et la réponse se traduit ici par un « allons-y » comme Abram, comme la communauté de Galatie, comme les mages.

Allons-y ! Allons voir ce que Dieu nous promet. Mettons-nous en route, ensemble, pour comprendre. Ce « allons-y » n’est parfois qu’un balbutiement, un mot, une parole, un silence, un temps de contemplation du ciel et de ses astres lumineux, un regard sur les montagnes qui s’étendent à nos pieds, un petit rien du tout. Mais détrompons-nous, ce petit rien est le commencement d’un grand chemin, celui de la foi, la « fides » en latin, la confiance.

Cette confiance, cette bénédiction, elle s’exprime de manières diverses et variées chez chacun et chacune de nous.

Il y a ceux et celles qui décideront qu’elle ne fait pas sens pour eux et qui, même par ce choix, se seront posé des milliers des questions sur le sens de leur vie. Mais peu importe, la promesse d’amour demeure.

Il y a ceux et celles pour qui la bénédiction de Dieu sera le début d’un chemin épineux, rempli de questions, de culs de sacs, de dépressions existentielles, mais peu importe, la promesse d’amour demeure.

Il y a ceux et celles pour qui la réponse sera donnée de tout leur cœur et que cette même réponse transformera à jamais. Mais peu importe, encore une fois, la promesse d’amour demeure.

Nous sommes tous et toutes sujets de l’amour de Dieu. Du plus petit au plus grand, du plus pauvre au plus riche, du plus athée au plus croyant.

Et pourtant… et pourtant… notre monde se divise dans les flammes. Sur la foi et la confiance, l’emporte la malédiction, le jugement, la xénophobie, le sexisme. Tous réceptacles de l’amour mais tous capables du pire, à l’instar de ce personnage d’Hérode, fourbe et menteur.

Il incarne un pouvoir différent de celui que Dieu vient instaurer : celui du règne par la force, par la peur et le mensonge. Et cela n’est pas méconnu de notre actualité. Le rôle de celui qui veut reconnaître les paroles d’amour déposées par Dieu sur sa vie est peut-être celui de savoir faire la différence entre les paroles de bénédiction et les paroles de malédiction, comme ont su le faire instinctivement les mages en évitant qu'Hérode ne se représente sur leur chemin.

Savoir distinguer les paroles de bénédictions qui relèvent, des paroles de malédictions qui conduisent inéluctablement à la mort. Voilà aussi une manière de mettre en pratique ce que nous recevons de la part de Dieu. Faire la différence…

Mais surtout, et particulièrement dans les temps que nous traversons et en réponse aux paroles de bénédictions de Dieu posées sur chacun et chacune de nous, nous sommes appelés à notre tour, chacun selon sa croyance, ses convictions, à devenir producteur de paroles de bien. Producteurs de bénédictions. Osons, lorsque quelque chose nous fait plaisir, nous a ému, l’exprimer.

Osons, lorsque notre chemin nous conduit à l’émerveillement, le partager avec celles et ceux qui nous entourent. Osons, enfin, toujours reconnaître celui ou celle qui est en face de nous comme un dépositaire de l’amour de Dieu, car c’est là que se manifeste réellement la bénédiction, lorsqu’elle est libératrice, pour notre ami.e, pour notre frère ou notre sœur, pour un.e parent.e, pour un.e étranger.e venu sonner à notre porte. Osons, nous aussi produire des paroles de bénédictions qui relèvent.

Nous sommes les dépositaires de l’amour de Dieu, sujet de sa bienveillance. Chaque être humain l’est, peu importe sa condition, son origine, son genre, sa classe sociale. Le chemin de la reconnaissance de cet amour est un chemin de liberté, qui rend libre Dieu dans sa proposition d’amour, qui rend libre notre prochain dans son identité et qui nous rend libres nous-mêmes de donner un sens à notre vie.

Reconnaissons alors que dans chacun et chacune de nos frères et sœurs, se cachent les promesses et les bénédictions de Dieu. Et en réponse à cet amour, osons à notre tour devenir des créateurs et créatrices de bien, de ce qui fait du bien. Notre monde en a cruellement besoin.

Comme les personnages de ces trois textes, nous sommes invités ce matin à reprendre notre chemin en nous disant « allons-y », marchons ensemble en direction des promesses de Dieu.

Amen

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Les textes bibliques de la fête de l’épiphanie insistent cette année sur le caractère universel de l’incarnation de Dieu pour chaque être humain du monde. Un Dieu pour tou.te.s et tou.te.s pour un Dieu? 

Par la vocation d’Abram et l’interprétation qu’en donne Paul dans l’épitre aux Galates, nous voici confrontés à la question épineuse de la portée de l’action divine. Qui est béni lorsque Dieu bénit? 

Ce qui nous intéresse c’est peut-être la réponse que peuvent donner les êtres humains à cette bénédiction universelle, celle qui a mise en route un riche propriétaire et sa famille dans le désert ou trois savants de contrées si variées. 

Tou.te.s différent.e.s, mais tou.te.s réceptacles d’un amour donné par celui et celle qui nous dépasse, nous et nos différences.

Détails

Avec la participation de
Françoise Zwahlen pour la liturgie et les lectures
Orgue
Johan Treichel
Musique
Hélène Walter au chant