Tout les sépare et pourtant! Au bord du puits va naître une merveilleuse rencontre.

image

Écouter le culte :

Une femme et un homme. Elle, une Samaritaine. Lui, un Juif. Elle, n’a pas de nom. Lui, son nom est Jésus. L’une et l’autre sont faits pour se détester. Les Juifs et les Samaritains se méprisent. Une femme n’adresse pas la parole à un rabbi en public. Ils pouvaient rester prisonniers des clivages religieux et culturels de leurs communautés et manquer une vraie rencontre, mais c’est sans compter sur l’initiative de Jésus ; il franchit les barrières de rivalités et transgresse les traditions. A midi, à l’heure la plus chaude de la journée, fatigué du voyage, Jésus demande à une femme, une Samaritaine de lui donner à boire.

L’histoire d’une femme qui vient puiser de l’eau pour son ménage n’a rien d’extraordinaire. C’est encore la corvée pour beaucoup de femmes et d’enfants dans beaucoup de pays appelés les moins avancés.
Jean veut certainement nous dire autre chose. En regardant autour de lui, il a constaté combien des personnes étaient animées par une soif de vivre : une vie plus intense, plus authentique, plus achevée. Nombreux sont ceux qui se sont approchés de Jésus : Nicodème, par exemple, un vieux sage, est venu le voir la nuit, en quête de vie plus élevée. Les sœurs de Lazare, révoltées devant le scandale de la mort. Un jeune riche est venu lui demander ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle. Zachée, un collecteur d’impôts, a grimpé sur un arbre parce qu’il cherchait à donner un nouveau sens à sa vie. Tous assoiffés de bonheur, d’amour, ils cherchaient un mieux-vivre, un mieux-être.

« Donne-moi à boire », dit Jésus. C’est en demandeur qu’il se présente à la Samaritaine, un homme fatigué qui a besoin d’un service. Il ne se présente pas en donneur de leçon. Il se met en situation de recevoir quelque chose. La meilleure façon de venir en aide à une personne qui se sent rejetée, n’est-elle pas de la valoriser, la faire entendre qu’elle est capable d’offrir quelque chose ?
A quelqu’un qui souffre d’un profond manque de confiance en soi, une perte d’estime de soi, ne faut-il pas lui dire : « tu es capable de désaltérer ma soif », plutôt que de lui dire : « Laisse-moi t’apporter ma richesse ». Aux peuples des pays pauvres « assistés » par l’aide au développement, ne faut-il pas leur dire : « vous êtes capables de réformer et renforcer vos institutions. Avec vos richesses en ressources minières, en pétrole, aucun homme, aucune femme ne devrait mourir de faim » ? « La terre source de vie et non source de profit », ainsi formulé dans la campagne de Carême de cette année.

Au début, la conversation reste à la surface. La communion est impossible. La Samaritaine comprend l’eau dans sa signification matérielle. Jésus lui parle de l’eau vive. Règne alors un climat de méfiance : toi juif, moi samaritaine. D’ailleurs, pourquoi se livrer à un inconnu ? Est-ce que nous parlons de nos problèmes de santé, de notre solitude aux personnes que nous croisons dans un ascenseur ?
Assez de tourner de rond, Jésus demande à la Samaritaine d’appeler son mari. « Je n’ai pas de mari » dit-elle. En réalité, elle en a eu 5, le 6e n’est pas le sien. Les 6 hommes symbolisent la soif de vie inassouvie de la Samaritaine et représentent les idoles qu’elle a épousées : l’argent, la sexualité, le pouvoir, la célébrité… ces idoles ne mènent pas vers le lieu où son cœur peut trouver la sérénité. Tous les apaisements qu’elle a cherchés et trouvés n’ont pu réellement combler sa soif de vivre. Aucun de ses maris n’a réussi à apaiser son aspiration à l’amour.

Nous pouvons nous reconnaître en elle dans nos quêtes d’amour, d’une vie qui soit plénitude, liberté, joie, paix. Comme elle, nous constatons que nos tentatives pour nous aimer les uns les autres demeurent insatisfaites. Notre amour a des limites. Il peut être possessif, jaloux, violent. Et malgré tous nos efforts pour étancher nos soifs de vie, nous vivons dans une éternelle insatisfaction. Plus on possède, plus on désire, et plus on manque… Le mal-être, le mal de vivre s’exprime dans nos rues, dans nos villes et nos villages, et dans le monde souvent de manière violente.

En lui demandant d’appeler son mari, Jésus lui tend une perche pour lui permettre de poser son fardeau, poser ce qui la tire vers le bas et qui l’empêche d’avancer dans la vie. La conversation ne tourne plus autour de quelque chose, des puits de Jacob, du seau indispensable pour puiser. La Samaritaine en devient le centre. Elle, toute sa personne, dans sa vérité, elle peut parler de sa vie, de sa soif, de ses blessures, de ses fragilités. Elle peut s’ouvrir selon la vérité de ce qu’elle est, dans un dialogue cœur à cœur, face à face, elle peut oser regarder ses limites, laisser tomber ses masques.
C’est là une démarche de conversion, de retournement. Pour reconnaître nos soifs réelles, il faut aller au fond de nous-mêmes. Là où ça fait mal. Au prix de faire remonter les blessures intérieures, les souffrances que nous voudrions enfouir. Au prix de voir effondrer les murs de protection que nous avons érigés. Cette démarche nous coûtera. Et c’est justement là, que nous sommes attendus, à la margelle de nos vies, Jésus nous offre de l’eau vive de sa grâce. Nous n’avons pas à la gagner par nous-mêmes par des exercices de notre mental, par un travail centré par notre égo. Il nous demande de nous laisser aimer tels que nous sommes. Parfois, nous vivons des situations vraiment difficiles, et pourtant les évènements douloureux que nous connaissons nous apprennent quelque chose de notre richesse, de notre courage, de notre amour, de notre force.

Beaucoup d’autres religions disent que chaque personne peut aller à la source qui sommeille en elle, trouver des ressources. Ce qui est propre au christianisme, cette source jaillissante de vie éternelle est la vie de Dieu en nous. La manière de la découvrir, c’est aller au fond de nous et d’être ce que nous sommes. Et pour cela, par plusieurs pratiques comme la prière, le silence, la méditation, le jeûne ou d’autres pratiques qui nous conviennent, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons, nous pouvons adorer Dieu.

Nous voici donc arrivés au cœur de ce récit : rencontrer Dieu serait toujours rencontrer notre propre vérité. Quand on est coupé de sa source intérieure, on l’est aussi dans la relation à Dieu et dans la relation aux autres. Nous avons toujours à reconnaître notre réalité profonde avant de reconnaître Dieu. C’est dans la confrontation à soi que la question de la relation à Dieu se pose vraiment. Comment puis-je adorer Dieu ? Comment vivre en paix et en harmonie avec Dieu ? Quel est le culte que Dieu attend ?
Et là Jésus fait éclater le cadre de tous systèmes religieux pour mener à une spiritualité intérieure. Il ne s’encombre ni de tradition, ni des lieux figés de la religion. Dieu n’est prisonnier d’aucun temple, d’aucune église.
Ce n’est ni Jérusalem, ni au mont Garizim, ce n’est pas en des lieux précis que Dieu veut être adoré, mais en Esprit et en vérité. C’est au cœur de chacun que la véritable rencontre avec Dieu se fait. C’est là qu’il nous attend. Luc disait que « le Royaume de Dieu est en vous ». Luc 17, 21. C’est en nous-mêmes que nous pouvons faire l’expérience de Dieu. L’adoration est ce lieu où nous pouvons nous tenir devant Lui dans la vérité de notre être. Le plus beau temple à la gloire de Dieu est notre cœur.

Au-delà de nos manquements et de nos échecs, au-delà de qui nous fait trébucher, quel que soit le lieu où nous nous trouvons, nous pouvons l’adorer, partout, à condition que ce soit en Esprit et en vérité. « L’Esprit souffle où il veut ». Une adoration sous le signe du souffle est une relation renouvelée, libre, dans l’ouverture et la sincérité de notre cœur.
C’est pourquoi, faire de la religion un système clos où l’on enferme Dieu dans des concepts, dans des pratiques rituelles, où l’on massacre en son nom restera toujours quelque chose d’absurde. La religion signifie religare, relier. Son rôle est de nous relier à la source.

L’Eglise en tant qu’institution aura toujours pour rôle de nous mettre en chemin, de donner soif, d’éveiller notre soif, de susciter nos questions, d’éveiller le désir qui conduit à la source intérieure. Saint Augustin affirmait : « La source a soif d’être bue. ».
De tout temps, et aujourd’hui encore, l’être humain rêve à une eau magique, une fontaine de jouvence (Elixir de jouvence) qui lui donnerait le sentiment d’être toujours plus jeune, plus beau, qui guérirait les blessures et protègerait contre la vieillesse et la mort. Jésus se distingue des marchands de bonheur de notre époque. Il ne donne pas de recettes magiques qui nous procureraient du bonheur, qui nous éviteraient de souffrir ou de mourir. Il affirme qu’il existe une vie, un apaisement qui ne dépendent pas de ce que l’on peut posséder. Il fait confiance en la capacité de chacun à dépasser les épreuves et à rechercher l’amour, la joie et la paix. Il nous fait don de son Esprit.

Comme chez la Samaritaine, Jésus veut éveiller en chacun de nous la soif de l’eau vive que ni la peur, ni la mort, ni la maladie, ni la vieillesse ne saurait troubler. Cette eau comblera notre soif la plus profonde, celle d’avoir part à la vie de Dieu. Nous connaîtrons en lui la source de la vraie vie, de la vraie joie. Nous découvrirons que l’eau qui fait vivre ne se réduit pas à posséder, à consommer, à être rentable, à être efficace.

Et c’est maintenant que cela se passe.
L’heure vient. C’est maintenant, là où des hommes et des femmes tracent un chemin de dialogue au-delà des murs d’indifférences, d’intolérance, de mensonges.
L’heure vient. C’est maintenant, là où les frontières se referment de plus en plus, où les inégalités augmentent, où les actes de violences défigurent l’humain ; des hommes et des femmes trouvent la force d’agir et le courage de s’indigner.
L’heure vient. C’est maintenant, où nos églises et communautés inventent de nouvelles formes de témoignages pour rejoindre les assoiffés de notre temps, là où ils sont.
L’heure vient et c’est maintenant !

Théodore Monod disait : « il n’y a pas de religion installée, il n’y a que des âmes en route ». Jésus ouvre un chemin universel où les pèlerins du monde entier, en quête, assoiffés de vraie vie, de reconnaissance, de dignité, de vérité, d’amour, de justice trouveront un Dieu qui les attend et les accueille.

Amen.

Un "Culte gospel".
Les guerres, la crise migratoire, la violence apparaissent comme le résultat des aspirations déçues et bafouées. Dans notre société de consommation et même d’abondance, des hommes et des femmes ont faim et soif. Soif de dignité, d’amour, de justice, de liberté. Soif de paroles vraies et d’authenticité.
Jésus propose une eau vive capable d’étancher nos soifs de vivre, notre désir du bonheur.
Pour cela, il faut oser une démarche de la reconnaissance de nous-mêmes, aller à notre source intérieure dont trop souvent nous sommes coupés.

Détails

Avec la participation de
Marc Burgat
Orgue
Jean-Pascal Mougin
Musique
"Gospel de l'Abeille" ou "The Bee’s Gospel Singers", sous la direction de Nicole Jaquet Henry