Le diable y croit!

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Le diable y croit !

Le diable croit que Jésus est le Fils de Dieu. Et parce qu’il le croit, il lui demande d’agir en Fils de Dieu : comme Fils de Dieu, tu n’as pas à traverser les manques de l’existence. Tu n’as qu’un mot à dire et cette pierre se changera en pain et viendra combler ton appétit.

Le diable croit que ce qui compte le plus pour avoir une vie comblée, c’est le pouvoir, la richesse et la gloire. Il offre donc au Fils de Dieu de profiter de tout cela.

Le diable croit que Dieu tient ses promesses. Il cite les promesses de Dieu et invite le Fils de Dieu à les vivre pleinement.

Le diable croit que Jésus est le fils de Dieu !

Mais pourquoi diable Jésus ne lui donne-t-il pas ce qu’il demande ?

Pourquoi Jésus ne semble-t-il pas croire à sa capacité de changer des pierres en pain ?

Pourquoi Jésus ne remet-il pas le diable à sa place, en lui niant la propriété des richesses de la terre ?

Pourquoi Jésus n’accepte-t-il pas de sauter dans le vide pour prouver que les anges de Dieu prennent soin de lui ?

L’évangéliste Luc nous raconte cet épisode de la vie de Jésus dans le but de donner un enseignement solide au sujet de la foi. Luc croit aussi que Jésus est le Fils de Dieu et que sa venue dans notre monde a une importance capitale pour nos vies. Il affirme dès les premières lignes de son livre que son intention est de faire connaître les enseignements de Jésus. Il veut montrer à son lecteur la solidité des enseignements que les chrétiens partagent.

Il raconte la naissance de Jésus et ses premiers pas dans un chemin de relation à Dieu et aux hommes. Il en dit sobrement : « Jésus grandit, sa sagesse se développe et il se rend agréable à Dieu et aux hommes. » (Luc 2, 52)

Puis il rapporte qu’au moment où Jésus a été baptisé, alors qu’il priait, le ciel s’est ouvert. L’Esprit Saint est descendu sur Jésus sous une apparence corporelle comme une colombe et une voix qui vient du ciel s’est fait entendre : « Tu es mon fils, très aimé, c’est toi que j’ai choisi avec joie. » (Luc 3, 22)

À la suite de cet événement, Jésus se retire au désert. C’est au sortir de ce temps que nous sont rapportées les trois situations dans lesquelles le diable demande à Jésus de faire des choix. Les choix que Jésus fait ne sont pas ceux qui pourraient nous imposer sa puissance et son autorité sur toutes choses. Ni même nous montrer sa capacité à faire naître la foi par des actes extraordinaires.

On pourrait se dire que Luc, en nous racontant ce qui semble être une preuve de faiblesse, ne vient pas nous aider à croire que Jésus est le Fils de Dieu. Pourtant en rédigeant ces lignes, Luc croit fermement que les enseignements de Jésus sont à même de faire naître la foi et de conduire ceux qui les suivent au salut.

Cet épisode est important pour affirmer la solidité des enseignements de Jésus au même titre que les événements plus extraordinaires de son ministère. Luc racontera les pains que Jésus a multipliés pour nourrir une foule affamée. Il exposera l’autorité avec laquelle il s’est opposé au pouvoir politique et religieux. Il fera le récit de Jésus calmant une tempête qui risquait de le faire périr avec ses disciples.

Luc, comme le diable, croit que Jésus peut accomplir de telles choses. Cela nous montre que dans le récit des tentations, c’est autre chose qui se joue. Dans les réponses de Jésus, ce n’est pas une puissance qui est mise en jeu. Au travers des demandes du diable et des réponses de Jésus, c’est une vision de la relation entre Dieu et son Fils qui est mise en lumière.

Le diable croit en un Dieu magicien, un Dieu interventionniste qui joue de son pouvoir. Il croit en un Dieu « assurance tous risques » qui protège des difficultés de la vie. Le diable croit que le Fils de Dieu peut combler ses manques. Il croit que le Fils de Dieu est à même de recevoir tous les pouvoirs et les richesses de la terre. Le diable croit qu’aucun mal ne peut atteindre le Fils de Dieu et que c’est là une preuve de sa filiation divine.

Mais Jésus, en refusant de céder à la facilité, nous montre une relation d’enfant de Dieu qui est différente de celle à laquelle le diable croit.

Avec ce récit, cette expérience, Luc nous montre un processus de croissance de l’être. En rapportant ainsi les tentations de Jésus, Luc montre que, dans la relation à Dieu, ce n’est pas l’absence de manque, ni le pouvoir et les richesses, ni même une protection contre toutes épreuves qui sont centrales. Ce qui se joue, finalement, c’est l’image que nous avons de Dieu.

En nous racontant comment Jésus a répondu au diable, tout en refusant d’entrer dans ses demandes, Luc nous montre qu’il y a des conceptions de Dieu qui nous enferment dans une voie qui n’est pas celle que l’Évangile nous propose.

L’image que le croyant a de Dieu change la relation qu’il construit avec Lui. C’est l’image que nous avons de Dieu qui donne la teinte à la relation que nous sommes prêts à vivre avec Lui. Et c’est un des apprentissages de ce récit des tentations tel que Luc nous le relate.

La foi que Luc défend est une vie en relation avec Dieu. Mais une relation qui n’est pas celle que le diable propose. Le diable défend une relation utilitaire, dans laquelle le Fils de Dieu est à l’abri de toutes les difficultés, de tous les manques.

Le Dieu qui nous est proposé par Jésus n’est pas le Dieu auquel le diable croit. En résistant au diable et à la foi du diable, Jésus montre qu’il prend sa destinée en main, qu’il ne fait pas dépendre sa relation à Dieu de ce que ce dernier pourrait lui apporter ou faire pour lui.

Le Dieu que l’Évangile nous propose n’est pas le Dieu de la facilité. C’est un Dieu qui se veut proche de nous, qui veut se faire connaître comme notre Père. Mais comme un Père qui accompagne ses enfants dans leur maturation, qui les aide à devenir adulte et qui veut entretenir avec eu une relation d’adulte à adulte. Un Dieu qui veut cheminer avec nous, comme il a cheminé dans le désert avec le peuple d’Israël.

Rappelez-vous le peuple d’Israël qui durant quarante ans a erré dans le désert à la recherche du bonheur. Ils ont quitté un pays où ils vivaient en esclavage, ils aspiraient à une vie tranquille, au bonheur, et c’est pour cela qu’ils ont suivi Moïse qui les a guidés vers le pays promis par Dieu. Cela n’a pas été facile de continuer de croire à la réalisation des promesses de Dieu alors que, toujours à nouveau, des difficultés font naître le doute. Les paroles qui assuraient au peuple le bonheur en suivant les enseignements et les commandements de Dieu peuvent être bien fragiles face aux difficultés.

Dans une relation où l’humain attend tout de Dieu, il y a vite la limite de la réalité qui s’impose. Cela n’a pas été facile pour le peuple de continuer de croire. Pas facile de croire que malgré toutes leurs difficultés Dieu était présent avec eux. Pas facile de continuer de croire qu’un pays où coule le lait et le miel les attendait vraiment au bout de leurs pérégrinations qui se prolongeaient.

Le doute l’emporte facilement quand les attentes ne sont pas comblées, quand les difficultés de la vie s’abattent sur nous sans raison et que nous nous sentons impuissants face à ce qui nous arrive.

Entrer à la suite de Jésus dans une relation de fils et de fille de Dieu ne veut pas dire vivre la facilité, ni avoir une assurance tous risques. C’est construire dans nos jours de joie et nos jours de peine une relation avec un Dieu proche, en vivant la confiance qu’Il nous aime et que selon sa promesse, Il nous conduit vers le bonheur et une vie en plénitude avec Lui.

Le chemin que Jésus nous propose de suivre n’est pas celui de la facilité, mais un chemin qui nous mène à devenir adulte. Un chemin dans lequel nos décisions ne sont pas dictées par ce qui est possible, mais par ce qui est juste. Le Dieu que Jésus nous demande de suivre est celui qui nous accompagne dans nos réalités, qui nous enseigne comment bien vivre, comment donner du sens à nos actions et être juste avec nous et les autres. Ce n’est pas le Dieu de la facilité. Ce n’est pas le Dieu auquel le diable croit et auquel il voudrait nous faire croire.

La relation que les enseignements de Jésus nous montrent est faite de confiance, mais aussi de vigilance. Une relation dans laquelle Dieu nous prend au sérieux et nous demande d’être responsable de nos choix. Il nous appelle à être conscients de Sa présence et de ce que nos vies ont de la valeur à ses yeux. Mais cette valeur ne se mesure pas à l’abondance, au pouvoir et à l’absence de difficultés.

À la suite de Luc, l’apôtre Paul nous dit l’importance de la relation que nous vivons avec Dieu. La justice par la foi nous montre un chemin de maturation et non un chemin d’infantilisation. Paul nous dit que la façon de vivre en lien avec Dieu et en cohérence dans nos choix et actions avec notre foi, nous la découvrons en nous en ayant à cœur de suivre les enseignements de Jésus.

Grâce à une relation vivante et assumée avec Jésus, le Christ, la parole de Dieu est toute proche, elle est dans notre bouche et dans notre cœur, pour que nous la mettions en pratique. Elle n’est plus une loi à appliquer, mais une envie, un élan, qui, certes, ne va pas de soi, mais qui est inscrit dans notre cœur et dans notre volonté parce que nous l’avons choisi en découvrant la proximité que nous pouvons vivre avec Dieu.

À chacun de prendre le temps du désert pour découvrir une relation adulte avec Dieu.

À chacun de construire sa foi, dans une relation de confiance avec Dieu.

Amen

Le diable croit en son pouvoir. Et s'il tente Jésus, c'est parce qu'il croit aussi en le pouvoir du Fils de Dieu. Et Jésus, alors? On pourrait penser qu'il doute de lui-même, puisqu'il ne cloue pas le bec au diable une bonne fois pour toute. Mais Jésus a sa propre manière de faire pour montrer que lui aussi, il y croit...
Le récit de la tentation de Jésus, un récit de déconstruction de la foi pour mieux construire sa vie.

Détails

Avec la participation de
Gaëtan Jeannet
Orgue
Maryclaude Huguenin
Musique
Ensemble vocal "Alla Breve", sous la direction de Maryclaude Huguenin