Chercher ensemble, le "caté " aujourd’hui dans notre région

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Écouter le culte :

La nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre : un puissant guérisseur étranger séjournait en ville ! Il était là incognito, mais sa réputation l'avait précédé. Pourquoi séjournait-il en terre étrangère, chez les païens, lui, le juif pieux, le rabbin respecté, le maître de la Torah ? Mystère ! On murmurait tout de même qu'il avait des ennuis dans son pays, de gros ennuis avec les autorités. Il fallait qu'il se fasse oublier un moment sans doute. Mais c'était raté ! Cacher un réfugié, surtout si célèbre, ce n'est pas facile. Toujours est-il que la femme l’a su. On ne connaît pas son nom. Une femme simple, une femme du peuple et surtout une mère. Une mère angoissée car son enfant ne va pas bien, sa fille bien-aimée est malade. Elle a un démon comme on disait alors. La vie n'est déjà pas simple pour elle, mais là, c'est le bouquet.

Que faire ? Bien sûr, elle avait fait ce que l'on avait coutume de faire en offrant des sacrifices aux dieux, mais rien n'y faisait, sa petite ne guérissait pas. Et maintenant voilà qu'elle apprend que cet étranger, le juif réfugié, Jeshoua, qu'il s'appelle, enfin, c'est ce qu'on lui a dit, bref ce fugitif a fait des miracles, chassés des démons, guérit des gens dans sa patrie. Et si c'était une chance, la chance à saisir pour que son enfant guérisse ?
Mais que dirait-il ? Elle savait bien qu'aux yeux des juifs, elle n'était rien. Pire même, elle était doublement impure : femme et païenne. Il l'a renverrait sûrement et elle n'avait pas d'argent non plus. Toute une nuit, elle a réfléchi : j'y vais, j'y vais pas, qu'est-ce que les gens vont dire ? Au matin sa décision était prise : si ce qu'elle avait entendu était vrai, alors il n’y avait que lui qui puisse faire quelque chose pour sa pauvre petite, lui et personne d'autre. Elle rassembla donc tout son courage et alla trouver ce mage juif, ce rabbi comme ils disent. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas été reçue à bras ouvert, ça non ! Pourtant elle avait fait bien attention à ne pas l'offenser, à lui montrer sa déférence. Elle s'est même jetée à ses pieds pour l'implorer. La réponse : une insulte ! Se faire traiter de chienne, non mais ! C'est bien ce que l'on lui avait dit, les juifs sont arrogants et méprisent les païens. Pourtant il était bien content le fils de bonne famille de trouver refuge chez ces chiens d'hérétiques !

Mais l'insulte n’a pas anéanti la femme, ni ne la mise en colère, elle a affûté son esprit, mobilisé son intelligence et une réponse fulgurante lui vint spontanément sur les lèvres : les chiens ont droit aux miettes qui tombent de la table, alors pourquoi ne pas faire un geste, hein ? Elle ne remet pas en cause la hiérarchie, d'accord, lui dit-elle, je suis impure, un animal à tes yeux, mais vas-tu me traiter encore plus mal ? On tolère les chiens, on les nourrit, alors un être humain, même indigne, n'a-t-il pas droit, lui aussi à des miettes de compassion, à un geste d'humanité ? Elle était allée trop loin, elle s'en rendait compte, mais elle n'avait pas pu se retenir.
Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Elle allait se faire jeter dehors, tout était raté, par sa faute. Elle voyait bien les mines réprobatrices autour d'elle et le guérisseur interloqué par tant d'audace. Attends, quand il aura retrouvé la parole, tu la sentiras passer, ma belle ! Et puis tout à coup, le coup de théâtre : « à cause de cette parole, ta fille est guérie ! » N'était-ce qu'une impression ou l'homme souriait-il ? Sans doute désarmé par tant d'insolence et par tant d'amour maternel qui avait poussé la femme à mendier des miettes de miséricorde divine. Qu'importe ! Seuls ces mots résonnaient dans sa tête « ta fille est guérie ». Sans même dire un mot, même pas un merci, elle courut hors de la maison pour rejoindre sa fille. Avait-il dit vrai, avait-il vraiment exaucé son vœu le plus cher ou s'était-il simplement débarrassé d'elle avec un mensonge ?

Elle était bouleversée, la femme, qu'allait-elle trouver ? C'est en larmes qu'elle ouvrit la porte de sa demeure pour découvrir sa fille dans son lit, guérie ! Non, il ne s’était pas moqué d'elle, il l'avait entendue, il avait renié ses principes par compassion. Plus que pour la guérison de sa fille, elle était remplie de reconnaissance parce qu'il l'avait reconnue comme digne d'attention. Elle se dit que demain, elle irait trouver l'homme pour le remercier dignement. C'est ce qu'elle fit, mais lorsqu'elle demanda après lui, on lui dit qu'il était parti de bonne heure. Elle ne le revit plus jamais, mais il ne se passa pas un jour sans qu'elle ne pense à cet étranger qui l'avait comprise et aidée.

Chers auditeurs, chers paroissiens, vous l'aurez compris ce petit récit vise à mettre en évidence les traits étranges de ce passage unique. En effet, ce qui apparaît de prime abord comme un récit de guérison parmi d'autres est en réalité une histoire très étonnante, pour ne pas dire incongrue.
Permettez de relever les singularités de ce récit :
Jésus traverse une mauvaise passe, il est en fuite. Jésus seul et réfugié à l'étranger, voilà qui est unique dans l'évangile. Pourquoi cette fuite ? Veut-il faire le point ? Doute-t-il ? A-t-il peur ? Une chose est sûre, il veut être seul, c'est ainsi qu'il se cache et ne veut être dérangé par personne. Même ses disciples ne sont pas avec lui. Il vient de les réprimander durement en leur disant : «Êtes-vous, vous aussi, sans intelligence ?» Est-il fâché, déçu ?
De plus, Marc nous a montré que son annonce du Royaume de Dieu rencontre l'opposition des élites religieuses juives. Oui, Jésus est en difficulté, ce n'est pas banal.
L'irruption de la femme païenne et le dialogue qui suit constitue un rebondissement tout à fait extraordinaire. Premier élément, la réponse de Jésus est méprisante, ce n'est pas du tout ce que l'on attend du Fils de Dieu qui annonce son amour. Certes il a parfois des mots durs, mais ils sont pour ses adversaires. Ici cela apparaît comme de la méchanceté pure et simple. Oui, Jésus est bien humain ici ! Mais le plus surprenant est que Marc nous présente Jésus face à un interlocuteur qui le fait changer d'avis. Le fait est unique dans tout l'évangile car d'ordinaire, c'est l'inverse qui se produit !
Quel rapport avec le dimanche de la bible ? Et avec le catéchisme ?
Eh bien, ce passage illustre à merveille une vérité essentielle sur la Bible : elle n'est pas un catalogue de commandements et d'interdits comme on la caricature trop souvent, mais un livre d'histoires qui veut nous permettre de découvrir Dieu. Or ce qu'il y a de fantastique avec les histoires, c'est qu'elles nous obligent à les interpréter, à tirer des parallèles avec notre propre vie. On n’a jamais fini, on ne sait jamais tout, mais on cherche avec bonheur et parfois on trouve la parole, le récit qui dit la vérité. Nous voilà transformés, plus riches, plus mûrs, mais pas au bout de nos découvertes, jamais !

C'est sur ce postulat que se base notre catéchèse : le croyant est un chercheur bourré de questions et de doutes, pas un sage omniscient. L'évangile est une attitude de vie, pas une liste de dogmes et les histoires de Jésus telle que celle que nous avons entendu ce matin le montre bien : cette attitude qui nous rapproche de Dieu, qui nous unit à Dieu est une attitude d'amour, c'est-à-dire de respect, d'écoute, d'ouverture, d'accueil, de partage, donc de changement continuel.
La foi est donc un processus dynamique. On ne peut pas l'enseigner, on peut en revanche essayer de la faire goûter. On peut la vivre ensemble. Mais me direz-vous, il faut que nos enfants connaissent les récits bibliques, les grandes découvertes de la Réforme et le message du Christ. Bien sûr, nous nous y employons tout au long des neuf ans de notre catéchisme qui suit le rythme scolaire. Les récits bibliques sont racontés et discutés avec les enfants, les réflexions plus profondes sont partagées avec les adolescents. Mais si l'on peut transmettre un savoir, l'éveil de la foi n'est pas de notre ressort, nous ne pouvons qu'en créer les conditions dans le meilleur des cas. Et, nous pensons que cela ne peut advenir que dans le dialogue, l'échange, l'expérience d'une vie de groupe respectueuse de chacun.

Exactement comme dans l'histoire de la femme libanaise qui, de manière surprenante, ouvre Jésus à une nouvelle compréhension de son rapport aux païens, notre catéchèse met en œuvre un processus de recherches, d'échanges, de discussions dans lesquels pasteurs, catéchètes professionnels ou bénévoles et catéchumènes sont les partenaires égaux d'un cheminement spirituel. Certes, chacun a son expérience, son savoir, ses convictions, mais face à la question de Dieu qui peut prétendre enseigner l'autre ? La tâche des adultes est alors non pas d'enseigner, mais de proposer une démarche de questionnement qui rend possible des prises de conscience et des découvertes.
Ici les compétences des pasteurs au niveau théologique et des catéchètes au niveau de l'ani-mation se complètent parfaitement. Dans l'idéal en tout cas, car on peut se tromper et c'est là aussi un message de cette catéchèse « évangélique » dans le sens d'inspirée par l'Evangile : nous sommes faillibles, mais malgré tout aimés de Dieu. Un message central pour les ados, mais aussi pour les adultes. Donc n'ayons pas peur et essayons des choses nouvelles, un peu folles parfois par exemple en proposant des nuits de Pâques dans lesquelles on se confronte aux thèmes majeurs de la foi en rejouant le « Nom de la rose » dans une collégiale du 12ème siècle avec offices chantés en latin ou alors en emmenant les catéchumènes à Berlin pour réfléchir aux murs que nous bâtissons dans le monde et en nous, pour méditer à la futilité de la puissance humaine vouée tout ou tard à disparaître comme les Reichs de Bismarck ou d'Hitler, comme la dictature communiste d'Honegger et consorts.

Faire du caté finalement, c'est construire l'Eglise de demain. Nous sommes donc amenés dans ce contexte à réfléchir à l'Eglise, à notre Eglise. En disant: « notre » Eglise, j'affirme déjà que nous tous y avons une place. L'Eglise, ce n'est pas l'affaire des autres, des habitués, des notables, des professionnels, pasteurs ou autres. Non, l’Eglise, c'est l'affaire de tous. Si ce sont plus que des mots en l'air, alors nous devons accepter l'idée que l'Eglise est ouverte, diverse, contradictoire, colorée et vivante.
Cela présuppose également que nous devons accepter comme point de départ, la tolérance et la discussion comme faisant partie intégrante de I'Eglise. Dans l’Eglise, il y a des personnes très pieuses, très pratiquantes et d'autres qui le sont moins. Il y a des gens très convaincus, d'autres qui le sont moins, il y a des gens actifs et d'autres qui le sont moins et aussi, pourquoi pas des gens à la foi et au courage exceptionnels. L'Eglise en a toujours connu, il n'y a pas de raison qu’ils aient disparu. Peut-être y en a-t-il même parmi nous, qui sait ? D'ailleurs, toutes les religions et toutes les sociétés ont leurs héros, là l'Eglise n'a rien d'exceptionnel.
Où le christianisme − et particulièrement le protestantisme − se démarque des autres religions, c'est dans l'affirmation que ces gens si motivés, si brillants voire même, lâchons le mot, si saints ne sont pas plus aimés de Dieu que les autres. Non, il n'y a pas de premier de classe dans l'Eglise, tout le monde est accepté et respecté tel qu’il est. Peut-être bien que nous devons cela au moins en partie à une femme païenne de la ville de Tyr qui avait une fille malade et qui a ouvert les yeux à Jésus sur le fait que Dieu n'est pas que le Dieu d'un peuple, d'une race, d'une élite, mais de toute être humain.
Car c'est la foi qui compte et non l'origine ou la performance ! Seulement la foi, ça ne se mesure pas, ça ne se voit pas, comment même savoir si on l’a ? Il y a toujours des questions, des doutes. Et si la foi, c’était continuer à chercher, croire au sens, avoir confiance que la vie mérite d’être vécue. En cela, c’est une quête sans fin dont le catéchisme n'est qu'une étape. Notre conviction finalement est simple : le message d’amour de Jésus illumine nos existences et, par ricochet, nous éclairons le monde en essayant à notre échelle de vivre l'amour du prochain au caté comme ailleurs. En effet, l'amour reçu ne peut rester enfermé, il rejaillit et éclabousse alentour comme autant de gouttelettes de vie rafraîchissantes.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Jean-Marc Schmid
Orgue
Christoph Maria Moosmann
Musique