Garantir une terre d’asile

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Écouter le culte :

Lorsqu’un enfant dépose pour la première fois une toute petite graine sur de la ouate bien humide, il lui arrive de douter de ce qui va suivre. Néanmoins, encouragé par son enseignant ou ses proches à surmonter son impatience, il va prendre soin de cette petite culture dont il a la charge. Et quelle va être sa surprise lorsque la graine commence à s’ouvrir pour laisser s’échapper la tige encore toute frêle d’une plante, qui, traitée avec soin, ne cesse de grandir. Le regard de l’enfant est alors passé du questionnement, voire du doute des premiers jours, à l’émerveillement devant la vie qui se déploie !
Pour parler du Royaume de Dieu qui vient, Jésus de Nazareth utilise des paraboles, des paroles imagées, parfois obscures, dont le mystère doit être découvert, dévoilé, expliqué. Et comme pour les miracles − qui restent incompris si Jésus n’ouvre pas les yeux des aveugles − ses paraboles sont impénétrables tant que lui-même ne les explique pas. Car il est, dans sa personne et son attitude même, la clé de compréhension de ses propres paroles. Oui, les paraboles de Jésus donnent à voir, dans des réalités apparemment banales, la présence mystérieuse du Règne de Dieu.
Ce matin les deux paraboles qui retiennent notre attention ont un point commun : la germination : symbole de la puissance de vie qui naît et se déploie. C’est ainsi que Jésus voit son œuvre, c’est ainsi qu’il voit le Royaume de Dieu qui vient, d’une manière qui reste le plus souvent à nos yeux inattendue. Quelques mots-clés : germination, vie, espérance, promesse, croissance, accueil, confiance, travail de Dieu.

Première image : un homme jette le grain dans son champ
Il prend un risque ! « Semer » est un risque et Jésus, par sa vie et son amour de l’humanité jusqu’à l’extrême, Jésus a pleinement assumé ce risque. Ne l’a-t-il pas annoncé en parlant du grain qui, s’il ne meurt pas, ne peut porter de fruit ? « Jeter le grain dans son champ » implique une profonde confiance en Dieu, qui fait croître, et invite à croire à la vie, une confiance qui nous rend capables de semer l’amour de Dieu pour que la vie se multiplie.
Cette brève parabole du semeur et de l’action vivante de Dieu, nous entraîne donc dans un mouvement joyeux et créatif. Tout est dans la vitalité de la semence. Même frêle et apparemment cachée, la puissance est concentrée dans le germe. Alors quel est-il ce Royaume de Dieu ? Une semence pleine de vie qui, déposée dans notre cœur et dans le monde, grandit sans que l’humain ne comprenne toujours ce qui se passe et souvent indépendamment de sa propre volonté.
Dès lors, si je suis appelé à mettre ma confiance dans la vie que Dieu donne et qu’il fait germer, en quoi suis-je touché dans mon rapport au monde, dans mon rapport à l’autre, et en particulier dans mon rapport aux personnes réfugiées dans mon pays ? Car l’accueil que nous réservons aux réfugiés, notre souci de ceux et celles qui arrivent sans rien ni personne (parfois), est-il le lieu où nous sommes des témoins du Royaume qui vient et grandit déjà ? Comment se fait-il que pour beaucoup de concitoyens, la présence de migrants sur notre sol est vécue avant tout comme une menace, un problème ? Tant que l’étranger ne sera à nos yeux qu’un problème, la situation continuera à empirer. Mais le jour où nous traiterons les gens comme des personnes, la lumière jaillira comme une transfiguration.

Seconde image : la dynamique extraordinaire du passage de la petitesse proverbiale de la graine de moutarde à la grandeur de l’arbuste qui en résulte et qui peut atteindre plus de trois mètres. Cette parabole invite à ne pas mépriser les petits commencements, elle nous invite à l’humilité, au souci du petit et aussi à l’espérance. Cette espérance que Jésus partage avec ses auditeurs est un viatique qui nous nourrit dans nos découragements et nos luttes, une force qui nous rejoint dans la fragilité et la vulnérabilité qui sont communes à tous les êtres humains : « aux citoyens de toujours » et « aux nouveaux arrivants ».
Dans le terreau des cœurs et des sociétés, le Royaume de Dieu est comme en germe. Par notre attention à cette graine, par notre recherche de justice et de dignité pour tout être humain, il ne demande qu’à grandir avec, comme promesse, cette image d’une plante qui accueille les oiseaux du ciel et même leurs nids. Oui, la vie, toujours la vie du Royaume qui se déploie, une vie qui vient de Dieu et qui devient accueillante pour les autres.
La présence des réfugiés dans notre pays, bien souvent méprisée quels que soient leurs dons et leurs capacités, ne peut-elle être comprise comme de « petits commencements », avec, à la clé, des promesses de nids et de refuges à venir pour la population suisse, p. ex. dans les EMS, les hôpitaux, les garderies, les lieux d’accueil ?
Jésus parle en paraboles, c’est la forme de langage adaptée au message qu’il veut transmettre; par elles on accède au mystère du Royaume de Dieu, mais il est nécessaire et inévitable de commencer par ne pas comprendre. Ce n’est qu’en demandant au Christ de nous éclairer que nous pourrons entrer dans leur signification profonde, lui qui est lui-même la clé de compréhension de ses paroles.
Si nous fixons notre regard sur la personne de Jésus, son parcours d’itinérant et d’exilé, depuis sa sortie du désert au début de l’Evangile, jusqu’à sa mort « hors des murs de la ville »... n’allons-nous pas apprécier autrement la personne et le parcours du réfugié qui vient chez nous ? Ne peut-il pas devenir porteur pour nous du mystère du Royaume et révélateur du Dieu qui vient à nous par des chemins imprévus et nous rejoint d’une façon toujours inattendue ?

Les paraboles du Royaume incitent à un changement de regard, leur forme interroge. Elles ne nous découvrent leur sens caché qu’en nous référant à la personne même du Christ et à sa destinée de « grain jeté en terre, qui meurt pour porter beaucoup de fruits ». La lecture de l’évangile de Marc nous incite, à la suite des premiers disciples, à voir en Jésus de Nazareth le « Christ, Fils du Dieu vivant », celui qui incarne la venue du Royaume de Dieu.
Alors celui qui veut suivre le Christ doit faire preuve d’humilité : cette démarche n’a rien d’évident et les questions se multiplient. Dans cette « suivance », nous sommes amenés à changer constamment notre regard sur Dieu, sur le monde qui nous entoure, sur l’autre, sur le réfugié, et sur nous-mêmes.
Oui, c’est bien à un autre regard que nous invite aujourd’hui Jésus au travers de ses paraboles, un regard qui, comme celui de l’enfant devant la germination de sa graine, passe du doute à l’émerveillement, de la méfiance à la confiance et de la peur à l’apaisement. Car le Royaume de Dieu germe nuit et jour, imperceptiblement.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Suzanne Blanc-Jaccaud, diacre
Lectrice: Evelyne Schopfer
Orgue
Corien de Jong (Madame)
Musique
Chorale africaine de Prilly sous la direction de Justine Duvoisin