l'Ascension

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Écouter le culte :

« Après s’être prosternés devant lui, les disciples retournèrent à Jérusalem pleins de joie, et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. » Ainsi se termine l’évangile de Luc et le récit de l’Ascension de Jésus. Avec la joie des disciples ! Cette Ascension de Jésus serait donc une cause de joie ? N’est-ce pas un peu paradoxal : Jésus n’est plus avec les siens – et eux se réjouissent ! Où est donc l’aspect festif de l’Ascension ? Que fêtons-nous ce matin ?
Il semble bien que la fête de l’Ascension soit un peu le « parent pauvre » des fêtes chrétiennes. De nos jours, Jeudi de l’Ascension rime surtout avec évasion, excursion et prolongation du week-end de congé ! Mais je crois que ce n’est pas que la date qui pose problème : nous ne savons plus vraiment ce que nous fêtons à l’Ascension !
Le mot désigne l’acte de « monter » et nous affirmons que Jésus est monté au ciel. Mais nous ne disons plus notre foi dans ces termes. Le ciel au-dessus de nos têtes, nous le savons aujourd’hui, est une masse gazeuse, plus ou moins polluée, avec plus ou moins de trous. Mais plus personne n’imagine le séjour de Dieu dans un ciel, où l’on monte. Alors, Jésus : il est « monté » où ? Et comment ?
Que fêtons-nous donc à l’Ascension ? L’évangéliste Luc est le seul à avoir choisi de mettre en mots le fait que Jésus ne soit plus physiquement présent avec ses disciples. Alors il raconte, comme dans une mise en scène, comment Jésus a quitté cette terre. Et pour lui, le fait que Jésus soit parti, est tellement important qu’il l’a raconté deux fois : la première, c’est le texte que nous venons d’entendre dans l’évangile ; la deuxième est au début du Livre des Actes des Apôtres. Une histoire se termine dans l’évangile et une autre commence dans les Actes : le récit de l’Ascension est comme une charnière entre deux histoires – ou plutôt, comme un événement charnière entre deux temps de l’Histoire des chrétiens avec leur Seigneur ressuscité.

Je vous propose d’accepter le langage de Luc pour ce qu’il est : un langage symbolique. Le ciel ne désigne pas ce qui est au-dessus de nous, mais, dans le langage biblique, le lieu où règne Dieu. C’est une façon de dire ce qui échappe à l’humain fini, comme ce qui est infini et éternel. Dire que Jésus est « monté au ciel », c’est user d’un langage poétique pour confesser que le Christ ressuscité est Seigneur, par-delà le temps et l’espace. Il est désormais « en Dieu », ce Dieu éternel qu’il nous a fait connaître comme son Père et notre Père.
Mais en quoi cela est-il une cause de joie pour les disciples et de fête pour nous ? Il me semble qu’un élément de réponse se trouve dans la date même de l’Ascension : Les Actes la situe 40 jours après Pâques – un jeudi donc. Dans la Bible, le chiffre 40 représente l’inaccompli, le temps de l’attente, du passage qui aboutit à un accomplissement. Ainsi, dans l’AT, la traversée du désert par les Hébreux dure 40 ans et aboutit à la Terre Promise. Jésus est tenté 40 jours dans le désert avant de commencer son ministère public. Après le temps de l’inaccompli, de l’attente, du chemin, des doutes – il y a l’accomplissement d’une promesse, un aboutissement ou un nouveau commencement.

Ici, nous retrouvons ces 40 jours symboliques entre Pâques et l’Ascension. Celle-ci serait donc un accomplissement ! Mais de quoi ? Tout n’était donc pas accompli dans la mort et la résurrection de Jésus ? Pour les évangélistes, tout se joue pourtant là : l’innocent meurt pour les coupables, il donne sa vie par amour. Mais Dieu l’a relevé d’entre les morts. Le dernier ennemi, la mort, est vaincue, une fois pour toutes. Christ est ressuscité, vivant. C’est là, la conviction profonde qui s’installe dans le cœur des disciples. C’est la joie de Pâques : « la mort n’a plus d’emprise sur lui », écrira l’apôtre Paul.
Ainsi, pendant 40 jours, Jésus apparaît à ses disciples. Il les rencontre sur le chemin d’Emmaüs et partage leur pain. Il les « entretient du règne de Dieu » selon les Actes. On pourrait croire que tout reprend comme avant sa mort : Jésus est de nouveau avec ses disciples, il les enseigne. Eux le voient, l’interrogent. L’ami qu’ils croyaient perdu leur a été rendu. Tout va bien, et l’on pourrait continuer ainsi.
Justement, non. Ce temps des apparitions pourrait être compris comme un temps de la maturation – la maturation de l’espérance dans le cœur des premiers chrétiens. Ils voient le Ressuscité, ils comprennent avec leur cœur la Bonne Nouvelle. Mais ils ne peuvent le garder avec eux – j’oserais dire « se le garder sous la main ».
Parce que c’est en quittant ses disciples à Jérusalem, que Jésus devient le Seigneur du monde entier. Désormais, son message, son enseignement n’est plus réservé à quelques proches qui sillonnent avec lui les chemins de Galilée. En se séparant de ses disciples, en « montant au ciel » – Jésus offre la Bonne Nouvelle au monde. Littéralement, il « délocalise » l’Évangile ! Il le « mondialise », pour employer un autre mot actuel. L’Évangile n’est ainsi pas la propriété d’un petit nombre d’initiés, qui pourraient se le garder pour eux – mais l’annonce à tout homme et toute femme, dans tous les temps et tous les lieux, de l’amour de Dieu offert en Jésus Christ.

Le départ de Jésus provoque ainsi autre chose encore : les disciples deviennent apôtres, des envoyés. Pour que l’Évangile se répande dans le monde entier, il faut qu’il soit porté, annoncé par des témoins. C’est là la mission confiée par Jésus à ceux et celles qui se réclament de lui – aux disciples avec lui à Béthanie–- aux disciples que nous sommes aujourd’hui. Si la Bonne Nouvelle de Jésus Christ doit être connue dans le monde entier, cela ne se fera pas sans nous. C’est notre responsabilité, à chacune et chacun – pas seulement celle de quelques missionnaires partant loin. Et ce n’est pas que la responsabilité de quelques chefs d’Église, présidents de Conseil synodaux, pasteurs ou prêtres.
Jésus n’établit pas de hiérarchie : toutes et tous sont appelés à témoigner de la Bonne Nouvelle qu’ils ont eux-mêmes reçue. Si nous sommes disciples aujourd’hui, c’est bien parce que, depuis près de deux millénaires, des chrétiens ont transmis la même joie et la même foi que les premiers chrétiens.

Nous avons à donner ce que nous avons reçu. A dire l’espérance qui est la nôtre, une espérance qui nous relève quand nous sommes à terre, qui nous fait vivre même au travers des deuils et des épreuves. Nous avons à vivre ce que nous croyons : que l’amour et le pardon de Dieu sont plus forts que nos échecs, nos doutes – plus forts que la mort même.
L’ascension, c’est donc l’ouverture de la Bonne Nouvelle au monde. Et la responsabilisation des apôtres. Le troisième accomplissement de l’Ascension est paradoxal : c’est en quittant ses disciples que Jésus est toujours avec eux. En confessant un Seigneur « au ciel », l’Église affirme la présence de son Seigneur partout où ses disciples se réclament de lui, prient et agissent « en son nom ».
Jésus n’est plus un maître, un rabbin enseignant à Jérusalem, ou un prédicateur itinérant. Il est désormais ailleurs et partout, au-dessus des hommes et dans le cœur des hommes. Il se fait reconnaître là où sa Parole est entendue et reçue, où elle rend le cœur des chrétiens brûlants, comme aux disciples d’Emmaüs. Il est là où se rompt le pain en son nom, où ses amis partagent la même coupe de la joie et de la vie.
L’Ascension signifie ainsi de refus de toute idolâtrie : Jésus n’est pas un gourou autour duquel nous devrions nous agglutiner et auquel nous serions soumis, voire même asservis. Il nous envoie, hommes et femmes, libres et responsables de nous réclamer de lui, en tout temps et en tous lieux. Il nous laisse avec l’intelligence des Écritures et la certitude profonde, intime, qu’il est toujours avec nous. L’Esprit de Dieu donné à Pentecôte vient en aide à la faiblesse de notre foi.
Christ nous donne sa bénédiction. Il nous laisse libres de vivre notre foi comme nous l’entendons. Libres de vivre en Église, selon ses commandements de justice et d’amour, mais en pensant nous-mêmes nos actions et notre témoignage. Nous sommes responsables de ce que nous annonçons – au risque de nous tromper parfois, de balbutier souvent face aux défis du monde, mais sûrs de la présence mystérieuse du Ressuscité avec nous, quand nous nous engageons et agissons en son nom.
C’est ainsi que le Christ ressuscité nous veut : libres, debout et joyeux d’être ses disciples pour témoigner de son amour.

Amen !

L’Ascension est devenue le « parent pauvre » des fêtes chrétiennes. Ce jeudi de congé est souvent l’occasion de sorties paroissiales ou de week-end prolongé, plutôt que de culte. Et pourtant, si l’évangéliste Luc a choisi de raconter à deux reprises l’Ascension de Jésus au ciel, c’est bien qu’il lui fallait dire l’absence du Seigneur. Jésus parti, les disciples deviennent des acteurs adultes et responsables de l’Église. Désormais, l'Église chrétienne confesse un Christ vivant, qu’il lui appartient de rendre présent dans l’annonce de sa Parole et dans le partage du pain. Une prédication proposée par la pasteure Alice Duport.

Détails

Avec la participation de
Jean Claude Barbezat
Orgue
Josette Barbezat
Musique
Sandra Barbezat, haut-bois