La Louange

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Écouter le culte :

« Je suis né pour te louer »… J’aurais bien voulu, Seigneur, te louer, hier, avant-hier, aujourd’hui, pour le soleil, pour l’air, pour la neige étincelante. J’aurais bien vouloir ouvrir tout grand toutes les portes de mon être pour laisser sortir le renfermé, tout ce qui stagne, avec un grand cri, pourquoi pas, un gros hurlement de loup, par une belle nuit d’hiver, pour faire de la place et laisser rentrer du neuf.
Mais vois-tu, je n’ai pas eu le temps. Trop à faire. Ou je n’ai pas vraiment eu le cœur, le courage, de me couper de tout ce qui m’occupe, me préoccupe aussi, comme si le monde allait s’arrêter si je m’arrête un peu. Et pourtant, je le sens très bien, me laisser à ce point happer par tout ce que je fais et vis, c’est comme me couper d’une source plus profonde, c’est comme me couper de la source véritable, non seulement de la vie, mais de la joie, de l’accueil, de la réconciliation et de la paix. C’est comme si je me coupais non seulement moi-même de cette source, mais comme si je coupais aussi de cette source tous les autres que je rencontre.
C’est comme s’il n’y avait plus de courant céleste et que tout était réduit à une sorte de platitude terrestre. Juste des limites, des fatigues, des soucis. Et moi, là au milieu, qui manque de ciel. D’air. De souffle. C’est le comble quand même, pasteur, pendant le temps de l’Avent, à deux doigts de Noël et quelqu’un ou quelque chose, m’a débranchée spirituellement. Aïe ! Et je n’ai même pas l’excuse de ceux qui n’y croient pas ou pas trop, ni à toi, ni à la louange. Moi, j’y crois, c’est même du grand bonheur pour moi, te louer, de préférence avec d’autres. Comme ce matin. Enfin, ouf, voilà, un temps que nous avons mis à part, réservé, préservé, pour rétablir le courant céleste, pour retrouver la source, pour nous laisser irriguer. Quel bonheur, quand même, ces cultes, qui plus est de louange !

Rétablir le courant céleste. Merci pour ces poèmes et ces prières, et ces chants qui nous remettent debout, dans des eaux vivifiantes. Merci d’être là, vous tous, ce matin, pour que nous puissions nous soutenir mutuellement dans cet exercice ô combien interpellant et prometteur : garder vivant dans notre vie de tous les jours, l’esprit de louange.
En préparant ma prédication, en méditant le cantique de Marie, ce fameux magnificat, l’un des textes les plus célèbres de la Bible, j’ai trouvé quelque chose qui m’a beaucoup parlé. Il y a une telle clarté en Marie, dans son chant. Quelque chose qui met tout à sa juste place, qui remet de l’ordre dans l’ordre du monde.
M’est alors venu à l’esprit le souvenir d’un texte poétique qui m’est resté pendant toutes ces années, alors que je l’ai connu quand j’étais encore moi-même membre d’un groupe de jeunes. Le texte dit : « Je porte le poids de la terre sur mes épaules, je ne peux pas chanter « Hosanna ». Das Gewicht der Erde trag ich auf meinen Schultern, kann nicht Hosianna singen.
Je porte tant de choses, sur mes épaules, Marie, mère de toute louange, je n’arrive pas à chanter comme toi. Tu as su t’affranchir du poids de la Terre et j’imagine qu’il devait peser bien plus lourdement sur toi que sur moi, mais moi, j’ai de la peine. La corde en moi qui voudrait vibrer au souffle de Dieu, ce chant en moi qui voudrait tant se libérer, pour rejoindre le grand chant mystérieux et merveilleux qui remplit tout l’univers, ils sont comme embourbés dans la terre qui est autour de moi et aussi en moi. Je vibre plus au mal, souvent, qu’au chant divin. Et parfois, je suis juste trop fatiguée pour vibrer.

J’aimerais ici partager avec vous ce que veut dire en araméen le cri de joie « Hosanna » que nous avons chanté, il y a un moment, comme chant de victoire : Hosha-na, cela veut dire : « Sauve ! S’il te plaît ! » Et le nom de l’enfant que porte Marie, faut-il le rappeler, « Je – shua. Dieu sauve. » Telle est la signification en hébreux du nom de Jésus.
« Rescue » s’appellent les fameuses gouttes de fleurs de Bach. Enfermés dans nos fonctionnements modernes comme entre des murs, le cri est bien là : au secours ! Au secours, Seigneur, nous ne savons plus comment entrer dans le grand chant de l’univers, nous ne savons plus comment vivre en communauté une vie d’amour et de confiance, de vérité et de justice, nous ne savons plus vivre réconciliés, apaisés, libres pour nous émerveiller et pour louer.

Dieu sauve. C’est important ! Tout le cantique de Marie, en réalité, célèbre le Dieu Sauveur, qui répond aux cris qui lui sont adressés. Au point de prendre ce nom-là quand il se fait homme : Dieu sauve. Le cantique de Marie ne s’élève pas vers n’importe quelle divinité pour la flatter. Le cantique de Marie célèbre celui qui vient pour libérer son peuple et qui, en Jésus, vient pour libérer chacun de nous pour autant qu’on s’adresse à lui, qu’on lui lance notre cri, comme jadis le peuple d’Israël lui a lancé son cri en Egypte.
Le lien avec le Dieu vivant d’Israël, il naît avec le cri : sauve-moi, sauve-nous. Ce cri qui monte des profondeurs, en révolte à une vie insupportable, est comme la première trace, comme l’expression négative de notre vocation première et dernière : louer, savoir et vouloir dire et vivre un oui à la vie et à notre existence. Dieu fait monter son peuple depuis l’Egypte, il nous fait monter de notre mal de vivre, il nous conduit du cri à la louange, comme il fait monter Jésus de l’abîme à la gloire, de la mort à la vie.

La louange telle que la chante Marie, telle que nous l’héritons des écrits bibliques, est le chant des hommes et des femmes libérés de l’esclavage en Egypte et appelés dorénavant à vivre libres. Un peuple, une humanité, créés pour vibrer sans retenue et sans calcul, en pleine confiance, à la vie, avec ses défis et ses exigences ! Parce que la vie est une merveille ! Et parce que le Seigneur de la vie ne cherche pas des courtisans mais des musiciens, des chanteurs, des poètes, des sages et des prophètes, des artisans, des hommes de droit, des scientifiques, des économistes, qui entrent dans son chant, qui vibrent à son chant, qui le font porter aux quatre coins du monde et qui l’enrichissent, le rendent plus beau, plus fort encore.
L’énergie qui intéresse le Sauveur et qui intéresse Marie, femme enceinte, symbole même de tout ce qui aspire à la vie, de tout ce qui veut voir le jour au sens fort, est celle qui permet à la vie d’éclore, à tout un chacun de grandir, de s’investir et de vibrer à la vie. L’énergie qui l’intéresse s’appelle amour, justice, paix, respect. L’énergie qui l’intéresse, c’est tout à fait évident, n’est pas le plaisir privé, le plaisir passager, volé, au temps et aux autres, mais ce qui irrigue et alimente durablement la vie communautaire et surtout celle des plus faibles.
Hosanna devient alors Allélu-ja. Loué soit Dieu, car il fait des merveilles pour nous faire venir à la vie.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
(sans)
Musique
Groupe 45 minutes pour Lui