Notre monde est-il aujourd’hui moins violent ?

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La décennie pour « Vaincre la violence », proposée par le Conseil œcuménique des Eglises, arrive à sa fin. Ce dimanche soir à 18h, une grande célébration œcuménique nationale à la Cathédrale de Lausanne marquera cette étape. Dix ans après, notre monde est-il aujourd’hui moins violent qu’en l’an 2000 ?
Chaque jour, l’actualité semble contredire cette espérance. Plus que jamais, l’appel à la justice, la paix et la simplicité de vie par Jean-Baptiste dans l’Evangile de ce dimanche, reste d’actualité.
Dans le Cantique des Cantiques, ce poème biblique d’amour (mal connu) entre un Bien-aimé et sa Bien-aimée, il y a aussi une grande violence. Elle surprend même par son réalisme et sa présence dans toutes les relations. A travers les lignes de ce poème, nous allons découvrir comment cette violence peut être vaincue par « Celui qui vient ».
Oui, « Il vient » ! Tel est le sens du temps de l’Avent. Dieu vient dans notre monde traversé par la violence, pour la subvertir de l’intérieur. « Il vient », ce verbe se retrouve dans les trois textes qui viennent d’être lus :
• « L’Esprit et l’Epouse disent « Viens !» Ce sont les derniers mots de la Bible dans le livre de l’Apocalypse. (Apocalypse 22, 17)
• « Celui qui vient derrière moi est plus grand que moi », dit Jean-Baptiste à propos de Jésus. (Mat. 3, 11)
• Et dans le Cantique des Cantiques : « Mon Bien-aimé arrive... et me dit « Viens ». Et la Bien-aimée dit à son Bien-aimé : « Reviens !»  (Cant. 3, 8ss)

Concentrons-nous maintenant sur le Cantique des Cantiques. Ce « plus beau de tous les chants » est d’abord un poème d’amour entre un homme et une femme, mais dès la plus haute antiquité, on l’a interprété comme une allégorie des relations entre Dieu et Israël, puis entre le Christ et l’Eglise, ou encore entre Dieu et l’âme.

1) Souffrance et violence dans le Cantique des Cantiques
Une lecture attentive permet de la discerner. On est même surpris par l’ampleur de la violence qui atteint la femme, alors que l’homme ne la subit pas. Un indice de la relation asymétrique entre eux, qui témoigne qu’il y a plus qu’une relation humaine dans ce texte.
A une dizaine d’endroits du Cantique, en effet, la femme souffre et des actes de violence contre elle sont mentionnés. Suivons le texte :
- Les filles de Jérusalem se moquent d’elle car, brunie par le soleil, elle ne correspond pas aux canons de beauté de l’époque. Souffrance d’être tournée en dérision. (1, 6)
- Ses frères se sont fâchés contre elles et l’ont contrainte à surveiller des vignes. Violence dans la famille et souffrance de l’incompréhension des plus proches. (1, 6)
- Elle vit en hiver. Saison de l’épreuve, un temps de torpeur et de tristesse. (2, 11)
- Elle souffre de l’absence de son bien-aimé et se met à le chercher durant la nuit dans les rues de la ville. (3, 1-2)
- Elle vit isolée dans les montagnes du Liban, entourée de lions dangereux. Souffrance de l’exil et d’une dangereuse solitude. (4, 8)
- Les gardes de la ville la frappent, la blessent et lui arrachent un vêtement. Violence contre son intégrité physique. (5, 7) 
- Elle est malade d’amour. Elle souffre de ne pas avoir répondu à la venue de son Bien-aimé. La cause de la souffrance est ici intérieure et psychologique (5, 8 ; cf 1, 6)

2) Le bien-aimé prend l’initiative 
Toutefois, dans son exil et sa souffrance, la femme fait l’expérience de la venue surprenante de son Bien-aimé, et cela éveille son cœur. Elle s’attend à la visite quotidienne de son Amour : « à la fraîcheur du soir, quand les ombres s’allongeront, tu reviendras, mon amour !» (2, 17). En fait, rien ne peut retenir le Bien-aimé. Aucun obstacle ne peut s’opposer à son désir de rejoindre celle qu’il aime : « C’est lui qui arrive, franchissant monts et collines, comme une gazelle.» (2, 8)… Rien n’est infranchissable pour l’amour de Dieu. Aussi éloignés que nous soyons de lui, il est capable de surmonter tous les obstacles.
Le Cantique des Cantiques illustre les qualités de l’amour, et en particulier celui du Bien-aimé pour sa fiancée. Cet amour est gratuit, il ne s’impose pas, il est vulnérable, il fait le premier pas, il sort de soi-même et s’expose. Il se met à la recherche de l’autre et franchit toutes sortes d’obstacles. Il met en valeur l’autre, il l’embellit et en souligne tout le positif. Il le défend et n’écoute pas les critiques des autres. Il ne fait pas de l’autre un objet pour la satisfaction de son propre désir, il ne l’utilise pas comme un instrument pour arriver à un but. Il aime l’autre non pas pour sa beauté ou son amabilité, mais simplement pour ce qu’il est, il ne veut pas changer l’autre, il désire la présence de l’autre et tend à la réciprocité et à la communion.
C’est cet amour délié de tout égoïsme qui est seul capable de vaincre la violence. C’est cet amour de Dieu que le Cantique des Cantiques nous appelle à accueillir. C’est à cet amour que Dieu nous appelle à vivre les uns avec les autres.
« Le Cantique des Cantiques nous montre clairement que l’amour est une longue et patiente recherche de l’un par l’autre. Dieu nous cherche plus que nous ne le cherchons et, à sa suite, nous devons rechercher l’autre plus qu’il ne nous cherche ».

3) L’éveil
Ces jours, nous avons vécu une attaque précoce de l’hiver par l’abondance des chutes de neige. Or, la bonne nouvelle du Cantique des Cantiques est que l’hiver n’est pas pour toujours. « Allons, dit le Bien-aimé, ma tendre amie, ma belle, viens. L’hiver est passé !» L’hiver de la violence, de la souffrance et de l’éloignement est terminé. Le Bien-aimé vient délivrer. Le temps de l’Avent est le temps de sa visite. Celui qui est venu vient maintenant et reviendra pour mettre fin à toute violence.
Cependant, la condition pour éprouver l’amour de Dieu est de lui ouvrir la porte. De se tourner vers lui. « Ouvre-moi ta porte !» dit à plusieurs reprises le Bien-aimé. « Me voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui… », dit en écho Jésus, notre divin époux, qui a pris sur lui toute la violence du monde (Apocalypse 21, 14).
Une manière de lui ouvrir notre porte est d’approfondir les sources de notre vie spirituelle, à travers la Bible et les grandes figures de la spiritualité chrétienne, comme nous le faisons ces jours à Saint-Loup.
Pour vaincre toute violence, en nous et en dehors de nous, écoutons la voix de Jésus, notre Bien-aimé qui nous dit « Viens !»  Cette voix qui nous promet qu’aucun hiver n’est éternel, que personne ne doit s’enfermer ni enfermer l’autre dans un hiver. Car la joie suit toujours la peine. Oui, que notre cœur s’éveille à sa voix, forte et pleine de tendresse !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Sr. Marie-Madeleine Gay
Musique