Qui est le Christ pour nous ?

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Être en chemin avec le Christ est un vaste défi dans nos vies. Pour cheminer ensemble ce matin, je vous propose de reprendre les trois étapes que le passage que nous venons d’entendre nous propose. Essayer tout d’abord de répondre pour nous-mêmes, à cette question : Qui est le Christ pour nous ?
Entendre, ensuite l’enseignement du Christ qui nous annonce sa passion et enfin essayer de comprendre ce que signifie suivre le Christ et porter sa croix.
Certes, le programme de notre traversée semble bien ambitieux, puissions-nous simplement nous laisser conduire par le Christ comme il le faisait avec ses disciples, pour avancer ensemble sur le chemin de la foi.
En effet, Jésus profite d’une longue marche avec ses disciples pour tenter de savoir l’opinion que les gens avaient de lui. A vrai dire, j’imagine que pour Jésus peu lui importait de savoir ce que l’on pensait de lui, c’était certainement une façon de faire cheminer ses disciples et les amener plus loin dans leur compréhension et leur relation avec lui. Une façon de préparer certainement la suite.
Au passage, si l’on tentait un sondage aujourd’hui qu’obtiendrait-on ? Aujourd’hui, comme hier, Dieu dérange. C’est que Dieu est tellement libre à l’égard de tous les pouvoirs civils ou religieux de son temps, libre face à toutes les catégories sociales. Où le classer lui, l’inclassable ?
Les disciples désignent Jésus dans la catégorie des prophètes. Il est perçu comme Jean-Baptiste ou encore comme le prophète Elie. Des personnalités imminentes qui ont certainement marqué leur époque, mais des personnes néanmoins du passé. Intéressant à souligner, non ? Car, pour nous aussi, la personne de Jésus est souvent liée à notre enfance, à une fête de paroisse, à un souvenir de notre confirmation ou de notre mariage. Avec enthousiasme on y croyait, puis la vie est allée trop vite, avec ses hauts et ses bas, notre foi a été mise à l’épreuve, a perdu sa saveur. Pas de doute donc, comme pour les gens de l’époque, Jésus est parfois quelqu’un du passé avec lequel nous avons pris de la distance.

Alors voilà que Jésus nous demande de faire un pas de plus ! La deuxième question est simple, directe, quasi brutale, mais essentielle : « Vous, qui dites-vous que je suis ?» Cette fois, plus question de se contenter des souvenirs ! Nous avons à y donner une réponse aujourd’hui. Pierre se lance et se jette à l’eau si je puis dire, courageux, presque fougueux et il dit : « Tu es le Messie. » Ouf, se sont peut-être dit les autres disciples. Lui avait bien répondu, pourrait-on dire.
Il nous arrive parfois de ne pas avoir la réponse et de nous dire que nous aurions bien besoin que quelqu’un d’autre réponde à notre place. Qui donc est-il quand tout est normal dans notre vie, quand tout est calme presque plat ? Un compagnon tellement quotidien que nous nous y sommes habitués, un ami à la présence rassurante, un maître de sagesse aux paroles sans surprise. Qui donc est-il lorsque se lève une tempête, lorsque que tout nous échappe que nous touchons le fond, le fond de la peur, de la colère, de l’impuissance ?
Qui donc est-il ? A chacune et à chacun d’y répondre en son cœur, mais je crois qu’il n’est pas anodin de voir que Jésus, lorsqu’il pose cette question s’adresse à un groupe, les disciples : « Et vous, qui dites-vous que je suis ?» Pour ma part, je suis convaincue que nous avons souvent besoin les uns des autres pour répondre à cette question. Oui, combien cela est précieux de nous retrouver pour chanter, prier et lire les Ecritures ensemble.
N’oublions pas cela, chers protestants réformés que nous sommes, nous qui nous sentons libres de croire et de vivre seuls notre foi, nous nous privons d’une force, celle de la foi partagée. Car même si notre rencontre avec le Christ demeure singulière et personnelle, nous avons besoin que nos chemins de foi se croisent et s’enrichissent. D’autre part, Jésus ne semble pas satisfait de la réponse unique et toute faite de Pierre lorsqu’il dit "Tu es le Messie", puisque Jésus leur demande de n’en rien dire à personne et continue à les enseigner en leur disant ceci : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que trois jours après il ressuscite. » Marc 8, 31
Dans l’Esprit des Juifs de l’époque, le Messie ne doit pas souffrir et encore moins mourir. Ces paroles ont dû choquer les disciples. La clarté du propos ne pouvait que heurter les disciples et particulièrement Pierre, qui se met à faire des reproches à Jésus. Jésus met ses disciples devant un mystère qui les dépasse. Pierre nous ressemble tellement; nous oscillons souvent entre confession de foi authentique et interrogations, voir reniement. Alors, même si ces deux attitudes semblent contradictoires, elles balisent notre chemin et il reste un passage pour la foi. Vivre ce passage, en ce temps de Carême, c’est profiter d’un espace qui nous est offert.
Le passage de la mort à la résurrection. Car la mort n’aura pas le dernier mot. Dans cette première annonce de la Passion, comme dans les autres d’ailleurs, il est clairement dit que sa mort sera suivie, trois jours après, de sa résurrection. Le Christ en croix est le signe donné par Dieu à notre espérance : le dépouillement du Christ conduira à la grandeur du matin de Pâques.
Sur la croix, le Christ a partagé l’agonie de toutes celles et tous ceux qui vivent l’exclusion, la souffrance physique ou morale. Par sa mort, Jésus nous rejoint pour nous accompagner au cœur même de nos tombeaux, de nos interrogations et de nos questions. Certes, nous ne comprendrons jamais tout de cette mort de Jésus en croix, mais nous pouvons être assurés que c’est là qu’il nous rejoint et nous accompagne au cœur de nos vies.

Jésus leur dit : « Si quelqu’un veut venir avec moi, il ne doit plus penser à lui-même. Il doit porter sa croix et me suivre. ». Que dire de plus que tous les commentaires qui se sont déjà exprimés à ce sujet ? Personnellement, je ne peux entendre ceux qui nous invitent à suivre Jésus et porter sa croix en se reniant soi-même. Suivre, en grec Akoloutheo, signifie accompagner. Pour moi, suivre le Christ signifie donc plutôt être en chemin avec, être ensemble, se savoir accompagné. Suivre le Christ, non pas en étant derrière, asservi, dominé. Suivre le Christ dans le sens de connaître et reconnaître que nous sommes accompagnés dans nos vies.
Ainsi, je pense que porter sa croix n’a rien d’un dolorisme absurde et inacceptable ! Mais porter sa croix à la suite de Jésus-Christ, c’est prendre un chemin à l’opposé de tout chemin que nous offre le monde. Oui, porter sa croix serait plutôt se mettre en route dans une autre logique que celle du monde. Dans le contexte de notre monde d’aujourd’hui, la logique est de croire que c’est l’argent qui nous fait vivre. Bien sûr que l’argent est nécessaire à l’économie, mais non à la spéculation qui n’a pour fonction que de se rendre esclave les uns des autres et écraser toujours le plus petit.
Aujourd’hui, il n’est pas possible de penser qu’une banque puisse couler, alors les états préfèrent renflouer les caisses des banques plutôt que d’aider ceux qui en auraient vraiment besoin !
Lundi matin, j’entendais au journal de la radio ce titre qui m’a heurté : « Etat de santé précaire du secteur bancaire… ». L’argent pourrait-il être comparable à une personne humaine fragile dans sa santé ? Jésus n’a-t-il pas dit à la fin de notre texte de ce jour : « Si une personne gagne toutes les richesses du monde, mais si elle perd sa vie, à quoi cela lui sert-il ? Marc 8, 36

Porter sa croix à la suite du Christ, c’est se mettre en route dans une autre logique que celle du monde. Se mettre en route dans une trajectoire qui nous libère et non qui nous rend esclave. Suivre le Christ et porter sa croix, c’est oser être des témoins dans ce monde d’une autre logique qui fait vivre. Porter sa croix, c’est être à la croisée des personnes qui se trouvent sur notre route, pour les faire sortir de l’indifférence. Porter sa croix, c’est croire que je reçois ma vie tous les jours de Dieu et le laisse m’accompagner. Porter sa croix, c’est porter le nom de Jésus au cœur de nos existences pour dire à l’humain tous les possibles qui sommeillent en nous.
Alors, répondre à cette question : « Qui dites-vous que je suis ? », suivre et porter sa croix, c’est tout simplement être des témoins de notre fidélité au Christ. Pas à pas, maladroitement parfois, nous essayons d’accompagner et d’avancer sur ce chemin de la foi. La foi est un long et patient cheminement, rempli de doutes, de questions mais qui laisse entrevoir celui qui nous soutient, nous relève, pour nous donner le courage d’avancer et d’espérer même dans un monde en crise.
Quelles que soient nos convictions, le Dieu de Jésus-Christ peut ouvrir une route à notre espérance. Il peut éclairer notre chemin, accompagner nos pas et être le compagnon de notre avenir.

A travers les siècles depuis Elie, Jean-Baptiste et tous les autres, nous sommes toutes et tous, tour à tour, ces petits témoins d’un jour qui ont su donner un élan et tirer l’humanité vers le haut. Nous sommes en marche avec le Christ et nous n’aurons jamais fini de le découvrir jour après jour à nos côtés. Ce qui nous est confié, ressemble à cette confiance dans l’inattendu, où Dieu se tient aussi.
Dans nos vies ordinaires tissées de souffrance et de joie, à nous de mettre nos pas dans le chemin de la croix afin de contempler l’éclat d’amour donné totalement et gratuitement. Car partir sur le chemin de la vie accompagné de Dieu en Jésus-Christ, ce n’est pas mourir un peu mais vivre mieux et être assuré de sa bénédiction qui nous précède !

Amen !

Détails

Avec la participation de
Resp. liturgie : Kurt Veraguth
Orgue
Elizabeth Tribes
Musique
Eve Brinkert, Yoann Buick, Frédérique Piriou, flûtes