La montagne

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La montagne ! Vive les vacances ! Nous sommes nombreux cet été à partir pour découvrir d'autres horizons. Certains s'envolent vers des destinations lointaines, d'autres choisissent le soleil du Midi, d'autres encore l'air des cimes : ces crêtes qui accueillent les amateurs de marche à pied, de nature préservée, de dépaysement.
Je suis souvent frappé, lorsque je parle autour de moi, d'entendre combien tout un chacun, jeune et vieux, connaît et apprécie la montagne, et pas seulement au Pays-d'Enhaut. Cela peut être lors d'une course d'école, une sortie de société, un séjour de vacances, un changement d'air, ou plus sportifs sur les glaciers, encordés pour atteindre une cabane, puis un sommet encore enneigé. Quelle qu'en soit la raison, la montagne est rarement une inconnue.
Elle est belle, la plupart du temps elle nous attire. Et si avec le poids de nos années elle nous devient moins accessible, elle reste toujours présente dans nos mémoires, et sur les pages de nos calendriers.

Lieu à part ! Oui, souvent les hauteurs attirent. Ce sont des lieux à part, des lieux mystérieux où la vie n'est plus la même. On se retrouve seul avec soi-même. Le dépaysement, l'impossibilité d'y subsister longtemps, l'enveloppe de nuées, les orages fréquents : tout concourt à faire de ces endroits retirés un autre monde. Au départ, avant de gravir, on ne sait pas ce qui nous attend, il faut y aller, avoir confiance, sachant qu'il y aura peut-être des passages plus difficiles que d'autres. En fin de journée, on est content d'arriver à la cabane. On n'en peut plus, on est au bout de nos forces, on atteint ses limites.

JP (Florian) : L'automne passé, nous étions dix jeunes de la paroisse à monter à la cabane de la Videmanette. En cours de chemin, il s'est mis à neiger et ça n'arrêtait pas. Nous avons croisé des bouquetins qui cherchaient refuge sous quelques sapins, nous avons continué en brassant la neige, et enfin nous avons atteint la cabane. Nous étions crevés, mais soulagés.

" La cabane " ! En haute montagne, cette cabane prend encore plus d'importance, c'est une question de survie. Ce n'est pas pour rien si la Bible nous parle souvent de Dieu comme " d'une haute retraite, d'un refuge " (II Sam. 22, 3) ; il y va parfois aussi de notre vie. Lorsque nous sommes loin de tout, à la merci des forces de la nature qui nous dépassent, nous avons besoin de trouver un lieu sûr. Comme souvent dans la vie où nous sommes seuls, à la merci des événements, tout nous échappe, nous n'avons plus emprise sur rien. Nous avons besoin de pouvoir nous reposer, nous appuyer sur du solide.
" Dieu est mon refuge " : Dieu s'offre comme un abri contre les tempêtes de la vie, les situations où nous ne voyons plus rien, où nous sommes dans la brume, où nous nous enfonçons jusqu'à la taille dans nos préoccupations, nos soucis. Dieu est une cabane. Il y allume lui-même un feu pour nous réchauffer, nous réconforter, nous redonner confiance. Dieu se fait proche, on peut presque le toucher. La montagne symbolise ce lien entre la terre et le ciel, entre l'homme et Dieu. Le don de la loi au peuple d'Israël par l'intermédiaire de Moïse se déroule sur le Sinaï (Gen. 20). C'est sur une montagne que Dieu fait alliance avec son peuple, avec chacun de nous.
Nos chapelles et nos églises, qu'elles soient sur une colline ou qu'elles possèdent un clocher qui se dresse vers le ciel, sont des montagnes artificielles qui nous aident à nous rapprocher de Dieu. Nos lieux de cultes sont des cabanes où il fait bon se retirer, se retrouver, pour être accueilli par Dieu lui-même. Les moments de prière, de méditation sont aussi des moments précieux où nous rejoignons Dieu, à l'abri, comme dans un refuge, un lieu préservé.

Limites : Mais avant d'être en sécurité dans un gîte, la montagne peut aussi être dure et impitoyable. Elle ne se laisse pas vaincre, elle nous met face à nos limites, elle nous apprend à mieux nous connaître : pas seulement du point de vue physique, mais aussi notre patience, notre persévérance. En grimpant, on n'a pas à vaincre les rochers, la dénivellation, mais simplement notre propre lourdeur, due à l'apesanteur. Ce n'est pas la montagne qui nous résiste, mais nous-mêmes avant tout. On apprend à se connaître au travers de la fatigue, de la colère.
La persévérance n'est pas toujours récompensée, surtout quand elle devient obstination et entêtement. Quand les forces viennent à manquer, il faut bien céder devant l'évidence, la voie se ferme pour l'instant, demain peut-être se montrera-t-elle plus conciliante. Le refus de céder a déjà provoqué plus d'un accident fatal, il faut du courage pour accepter ses limites, pour accepter de l'aide, pour revenir en arrière, pour rebrousser chemin.

JP (Nathalie) : C'est vrai, l'année dernière, alors que nous montions à la cabane de la Videmanette, il soufflait, on brassait la neige, on ne voyait pas le col. Et l'un de nous a dû passer son sac à dos aux copains. Il n'en pouvait plus. C'était la seule solution pour pouvoir continuer. A ce moment-là, l'orgueil, l'amour propre doivent se faire tout petits. Le plus dur n'est pas forcément pour ceux qui prennent le sac, mais pour la personne qui doit le donner.
Et lorsque l'on triomphe d'un sommet, on ne triomphe pas de celui-ci, mais de soi-même, de ses peurs, de ses faiblesses, de sa volonté. On apprend de la montagne comme on apprend d'un maître, avec respect, (d'après Bernard Bolay). Elle nous apprend à accepter l'échec qui alors sort de sa chrysalide pour devenir victoire.

L'apôtre Paul n'a - à ce que je sache, jamais fait de l'escalade - mais lui aussi avait devant lui des montagnes, que seule la foi pouvait déplacer. Et nous, combien de fois essayons-nous de gravir à mains nues des parois dont on ne voit pas le sommet ? On s'épuise, on se fait mal, on essaie de contourner, mais rien n'y fait. Et c'est à ce moment-là qu'il nous faut écouter Dieu qui nous dit : " Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. " Si notre sac à dos est trop lourd, acceptons de le déposer, de demander à Dieu de le porter. " Qu'est donc l'homme, o Eternel que tu prennes garde à lui ? ", Dieu me répond : " Je t'aime " et il ajoute : " Ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans ta faiblesse. " Il faut du courage pour accepter sa faiblesse, mais c'est à partir de là que tout peut reprendre.

Chemin : JP (Florian) : " Excuse me. Could you tell me the way to go on this mountain ? "

Il arrive parfois dans le Pays-d'Enhaut que des touristes de passage dans notre vallée demande quel sentier prendre pour arriver au sommet de tel ou tel endroit. Arriver au refuge, c'est une chose, accepter de donner son sac à dos aussi, mais il faut pour cela s'engager sur le bon chemin. Et pourtant, on n'y fait pas toujours attention. Trop souvent nous partons sans prendre le temps de regarder la carte, mon épouse pourrait vous en parler. On part droit devant soi, convaincu de son bon droit. On peut être en pleine forme, mais cela n'y changera rien, on ne pourra que se perdre.
En altitude encore plus qu'ailleurs, il est indispensable de bien connaître le chemin, faute de quoi il peut arriver des malheurs. Et sur les glaciers, le guide devient indispensable. Il faut savoir où poser les pieds, éviter les crevasses, marcher sur du solide.
Tous, nous sommes des pèlerins sur la terre (I Pierre), nous sommes en marche. La vie de tous les jours est encore bien plus extrême que la haute montagne. Le paysage à découvrir se trouve autant à l'extérieur de nous qu'à l'intérieur, et il est grandiose ! Alors ce chemin, quel est-il ?

JP (Nathalie) : Nous, les JP, avons le projet de mettre une croix sur un sommet au Pays-d'Enhaut. Une croix qui nous rappelle que nous ne sommes pas seuls. Une croix qui nous rappelle qu'il y a 2000 ans, celui qui a été cloué dessus avait dit : " Je suis le chemin. " Alors à vous, rassemblés dans cette église, à vous tous qui nous écoutez : la prochaine fois que vous arriverez à proximité d'une cabane, que votre sac vous sciera les épaule ou que vous chercherez la bonne direction ; arrêtez-vous, écoutez : " Je suis le chemin. " et repartez !

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Nathalie Muller
Musique
Maurice Henchoz, yodeleur, Catherine Henchoz, accordéoniste; Valérie Isoz, cornet; Marinette Rossier, clarinette; Florian Aeberli, batterie