Habité par l'esprit....

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Dans son livre, Le roi le sage et le bouffon, l'auteur, Shafique Keshavjee, raconte une légende surprenante. Une nuit, un roi se réveille brusquement, troublé par un rêve étrange : une catastrophe sans précédent va s'abattre sur son pays. Seul le décodage d'un mystérieux message divin pourrait l'éviter. Angoissé, le monarque essaie de savoir s'il existe un dieu. Il réunit donc des spécialistes pour les confronter, dans une sorte de jeux olympiques des religions. Le plus convaincant d'entre eux se voit promettre une médaille d'or, qui l'autorisera à transmettre sa spiritualité au royaume. Or, à l'issue des débats, le souverain est si impressionné par toute la sagesse qu'il a entendue, qu'il ne sait pas à qui décerner la récompense. Lui-même décide de renouer avec ses racines chrétiennes, qu'il a longtemps négligées, mais il ne veut pas imposer ce choix à son peuple. Alors, changeant les règles du concours, il renonce à donner une médaille d'or et décide d'en attribuer une d'argent à celui qui aura le mieux montré, d'ici quelques années, que sa vie est cohérente avec la religion qu'il défend.
Chers amis, Pentecôte, c'est la médaille d'argent. C'est une invitation à vivre ce que nous croyons le plus profondément. L'amour, le respect de la vie, la justice, l'espérance, la foi, toutes les valeurs auxquelles nous sommes attachés, nous sommes appelés à les mettre en pratique dans ce monde. La Bible dit qu'à Pentecôte, le Seigneur a répandu son Esprit sur la terre. Cela signifie que le message du Christ n'en est pas resté à ses origines, mais que Dieu nous donne la force de le continuer aujourd'hui.
Pentecôte, la médaille d'argent. Ce n'est pas que d'autres fêtes plus connues comme Noël ou Pâques soient la médaille d'or. En réalité, toutes les fêtes sont liées, mais la médaille d'or, nous ne la recevrons qu'au ciel. Elle nous sera remise par Celui qui l'a déjà gagnée pour nous : Jésus Christ. A condition qu'ici-bas, nous ayons remporté la médaille d'argent, c'est-à-dire que nous ayons cru à son message d'amour et que nous en ayons fait le programme de notre vie.

Vous me direz sans doute que les idées grandes et généreuses, on les a souvent proclamées, et pour quel résultat ? Il suffit d'ouvrir son journal ou d'allumer son poste de télé pour connaître la réponse. En théorie, chacun y adhère, mais dans le quotidien ?
· Si vous connaissiez ma femme! Elle est toujours en train de se plaindre et de rouspéter. Je ne peux pas rentrer chez moi sans qu'elle ne m'adresse des reproches.
· Mon mari n'a jamais la moindre attention à mon égard. Est-ce qu'il pense que je ne suis là que pour faire la cuisine ou lui repasser ses chemises ?
· Ce collègue de travail, depuis le temps qu'il essaye de me marcher sur les pieds, il va voir de quel bois je me chauffe maintenant.
· Notre voisin n'a pas encore coupé son arbre. Bientôt, on ne verra plus le soleil de toute l'année. Est-ce qu'il cherche la guerre ou quoi ?
En fait, nous sommes souvent coincés entre, d'une part, de beaux principes, auxquels nous sommes sensibles, mais qui se brisent sur les réalités de tous les jours et, d'autre part, des hommes exceptionnels qui parviennent à les mettre en œuvre … Hélas de ces exceptions, nous ne faisons pas partie !
La médaille d'argent, serait-elle alors réservée à une élite ? Je ne le crois pas, mais il convient de souligner ici un point important : dans la vie, il faut du temps pour refléter le Seigneur d'amour, qui nous envoie son Esprit à Pentecôte. Ceux qui pensent qu'il suffit d'appartenir à la frange de l'humanité, active et intégrée, qui s'en tire plus ou moins confortablement, n'ont pas encore gagné la médaille d'argent. Car pour devenir véritablement des hommes et des femmes à l'image de Dieu, il faut bien plus de temps que cela.

Dans toutes les biographies que j'ai eu le privilège de lire, je n'ai jamais trouvé un grand personnage, qui n'ait eu besoin de beaucoup de temps pour parvenir à sa pleine maturité. Qu'il s'agisse d'un Martin Luther King, d'une Mère Teresa ou d'un Albert Schweitzer, ils ne sont pas devenus des bienfaiteurs de l'humanité du jour au lendemain. Il leur a fallu des expériences, des épreuves, des erreurs parfois. La vie a dû les façonner pour tirer d'eux le meilleur.
Et sans aller si loin, observons comment nous étions il y a dix ou vingt ans : est-ce que nous n'avons pas progressé sur beaucoup de plans ? Quant à nos enfants, pour qui nous nous faisons tant de souci, suivant les chemins qu'ils prennent, n'oublions pas que le temps fait son œuvre pour eux aussi.
Il faut du temps, dans la vie. Savez-vous que même la lumière a besoin de 170'000 ans pour passer du centre du soleil, où elle prend naissance, à la couronne solaire ? Et à sa création, cette lumière est si dangereuse que, si elle parvenait directement à la terre, elle mettrait fin à toute vie. Elle est faite, en effet, de ce que les physiciens appellent des rayons gamma, ces fameux rayons produits lors de l'explosion de bombes atomiques et qui donnent le cancer aux populations. Mais pendant sa traversée de 170'000 ans, cette lumière se transforme, se purifie en quelque sorte, si bien que lorsqu'elle arrive, elle nous apporte chaleur et vie.
N'en est-il pas ainsi pour chacun de nous ? Combien d'erreurs ne devons-nous pas commettre avant de nous situer un peu dans le labyrinthe si compliqué de l'existence ? Combien de ratés pour apprendre à communiquer, même au sein de notre famille ? Combien d'immobilisme à combattre jusqu'à ce que le tournant nécessaire qu'on a décidé de prendre ne devienne effectif ?
On peut tous refléter l'Esprit de Dieu, dans notre vie. Mais il faut que notre désir s'inscrive dans la durée. La victoire ne se trouve qu'après un long parcours.

Attention, cependant : le temps n'est pas forcément positif. Il peut aussi nous rendre amers, désabusés, égoïstes. Il peut étouffer notre conscience et nous refermer sur nous-mêmes. Le temps devient un atout quand il est investi d'attentes, de prières, de courage et de persévérance.
L'apôtre Paul dit : " Rachetez le temps ". Cela signifie que nous avons quelque chose à faire si nous voulons que le temps nous permette de gagner la médaille d'argent. " Rachetez le temps " est, en fait, une expression curieuse. Dans les versions modernes de l'Ecriture, elle est traduite par : " Faites un bon usage des occasions qui se présentent à vous ". Ce qui ne rend que très partiellement compte de la profondeur de cette injonction. En effet, dans la Bible, le verbe racheter est employé, en principe, pour un esclave, dont on se porte acquéreur, en vue de l'affranchir, ou encore pour la crucifixion de Jésus, qui rachète les hommes du mal et de la mort. Or, si ces sens-là paraissent clairs, comment comprendre l'expression : " Rachetez le temps " ? Pourquoi ce verbe ici ? Parce que le temps est notre principale richesse pour que l'Esprit de Dieu agisse en nous. Et plus un bien a de valeur, plus il est fragilisé. Plus il est difficile à obtenir, plus difficile encore à garder.

Permettez-moi une petite comparaison. Lorsqu'une bande de cambrioleurs écume une région, elle ne cherche pas des appartements bon marché. Elle s'attaque plutôt à de belles villas, où elle pense trouver de l'argent et des bijoux. Et même si des alarmes sophistiquées équipent ces propriétés, celles-ci ont beaucoup plus à craindre que des logements qui ne possèdent rien.
Le temps est notre capital le plus précieux. Lui seul nous fait gagner la médaille d'argent. Lui seul nous permet de discerner l'essentiel et de nous débarrasser du superflu qui nous encombre. Lui seul nous aide à nous mettre avec conviction au service de Dieu et avec amour au service de notre prochain. Mais justement parce qu'il est si précieux, il est vulnérable. Il est investi par tout ce qui est secondaire et inutile. Il est alourdi par les préoccupations futiles, qui prennent des proportions trop grandes. Il est appauvri par les priorités que nous ne savons pas mettre pour Dieu et pour nos frères. En quelque sorte, le temps est un bien perdu, qu'il s'agit de retrouver.
J'ajouterais : pour la plupart d'entre nous, le temps est notre talon d'Achille. Avec le reste, nous nous débrouillons bien. Nous réussissons à établir les relations nécessaires pour ne pas rester seuls. Nous organisons nos activités convenablement. Nous rendons volontiers les services, qui donnent à notre existence une dimension plus sociale. Mais souvent, nous n'arrivons pas à trouver ces heures, qui nous rendraient plus vrais, plus profonds et plus humains.
Voilà pourquoi l'expression " Rachetez le temps ". Dieu nous dit : " Vous voulez gagner la médaille d'argent ? Vous désirez que mon Esprit continue son œuvre en vous ? Dans ce cas, n'oubliez pas qu'une vie réussie se construit petit à petit. Prenez du temps pour votre foi. Prenez du temps pour voir à quoi vous en êtes et comment vous continuerez votre course. Développez votre personne, votre amour, votre spiritualité, dans la durée. "
Il faut faire du temps un allié. A Pentecôte, l'Esprit du Christ veut transformer les jours difficiles, les heures creuses, les erreurs passées en renouveaux possibles. Alors, ce qu'un de nos contemporains disait deviendra vrai : " Le temps, ce sculpteur extraordinaire, qui peut rendre les gens si beaux. " Oui, le temps, habité par l'Esprit, nous rendra merveilleusement beaux.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jeanne Martin
Musique
Fanfare de Mont s/Rolle, ss dir. de Patrick Rosset,
Nadine Bourlon, cantatrice, Véronique Hersperger, hautbois