Une grande famille : l'Eglise

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Dans son dernier livre, "Mon silence te parlera", Alain Houziaux écrit un conte, qu'il intitule : "Un petit conte de trois fois rien", mais qui est en réalité une histoire hautement symbolique.

"Un orphelin voulait organiser un repas. Mais il n'avait rien qu'une miche de pain et un gobelet de vin. Le lundi matin donc, il sonne au numéro 1, chez M. Troisgros :"Je veux vous inviter pour un repas, il y aura un peu de pain et de vin. C'est une très bonne idée, dit M. Troisgros, j'apporterai les poireaux." Mardi matin, l'orphelin sonne au numéro 3, chez Mlle Angèle :"Je veux vous inviter pour un repas, il y aura un peu de pain et de vin, et des poireaux. "Entendu, dit Mlle Angèle, j'amènerai la sauce béchamel". Mercredi, l'orphelin sonne au numéro 5, chez Mme Nicole, qui répond : "Je ferai du poisson". Jeudi matin, il va au numéro 7, chez M. Fernand, qui promet d'apporter la volaille. Vendredi, un cinquième invité déclare qu'il fera un sort à son mouton. Samedi matin enfin, l'orphelin sonne au numéro 11, chez Mlle Valentine qui, après s'être fait décliner l'ensemble du menu, conclut :"Je préparerai les desserts". Dimanche, jour de la fête, tout le monde arrive au rendez-vous. La porte de la salle est déjà ouverte, mais l'orphelin n'est pas là. Les invités se regardent étonnés. Mme Nicole s'inquiète :"Mais où est le pain"? Et M. Troisgros qui ne perd par le nord ajoute :"Et où est le vin"? Alors Mlle Valentine intervient: "Quand je suis arrivée, il y avait sur la table un petit papier; voici ce qu'il dit :"Vous avez le vrai pain et le vrai vin, car par la confiance et l'amitié, vous avez préparé ce banquet et rencontré vos voisins; et ceci à partir de trois fois rien, la promesse d'un peu de pain, d'un peu de vin et l'invitation d'un orphelin. Mangez et buvez, je suis avec vous, je tiendrai parole".

Chères auditrices et chers auditeurs, en cette année internationale de la famille, il ne pouvait y avoir un meilleur conte pour parler de cette grande famille, ou plutôt de ce qui devrait être une grande famille : l'Eglise.

Ce conte nous permet d'aborder cette institution sous un angle nouveau. D'abord l'Eglise répond à l'invitation d'un absent. Mais qui, dans son absence, est plus que présent. Car le Christ peut être absent de deux manières. Il est absent quand on s'isole dans sa foi; quand on se replie sur soi-même et qu'on pense que la spiritualité est une affaire d'opinion, qui ne regarde que nous; qu'elle est un domaine réservé en quelque sorte où l'on a à se forger ses propres convictions sans que personne n'ait à intervenir dans ce qu'on croit; en d'autres mots, quand on se fabrique sa propre religion. Là, le Christ est absent et il est vraiment absent. Il est remplacé par nos idées, nos impressions, notre soi-disant évolution personnelle. Mais il ne se trouve jamais dans ces constructions de l'esprit.

Par contre, le Christ peut être absent en étant, en fait, très présent. Et cela se produit toutes les fois, qu'on abandonne sa prétention à faire de la religion une question d'opinion personnelle; qu'on cesse de vouloir croire seul et de pratiquer sa foi selon ses envies et son bon plaisir; mais qu'au contraire on se réunit avec d'autres chrétiens et qu'on écoute cet absent, qui lui-même a préparé cette réunion pour nous. Là, le Christ est infiniment présent, et peut-être encore plus qu'il ne l'a été en chair et en os, il y a deux mille ans. Parce qu'en étant présent aujourd'hui d'une autre manière, il permet à l'Eglise de grandir et de devenir plus libre.

Je m'explique sur ce point à l'aide d'une comparaison. Supposons que des parents aient jusqu'à présent toujours fait quelque chose pour leur enfant : qu'ils l'aient, par exemple, constamment accompagné sur le chemin de l'école. Cependant, maintenant ces parents jugent que leur enfant est capable de se débrouiller seul. Ils ne vont donc plus avec lui. Mais ils restent présents : ils continuent de veiller sur lui, de l'encourager et de l'éduquer. Si un jour, leur enfant ne revient pas de l'école, ils s'inquiéteront et partiront à sa recherche.

Il en va de même de la présence du Christ aujourd'hui dans son Eglise. Il se retire pour la laisser grandir. Mais il ne l'abandonne pas pour autant. Il continue de veiller sur elle. Bien plus, c'est lui qui nous invite à nous rassembler et que mystérieusement nous rencontrons dans ce rassemblement.

Ceci m'amène à un second aspect. Si l'Eglise est la réponse à l'invitation d'un absent, mais qui dans son absence, est plus que présent, si l'Eglise reste organisée, protégée et conduite par Jésus Christ, alors chaque membre de la communauté a aussi quelque chose à apporter. Il doit amener ce qui fera vivre l'Eglise, c'est-à-dire son enthousiasme, ses dons, son engagement. Chaque membre est appelé à retrouver les autres pour mieux les connaître et briser les murs qui séparent souvent les participants à un même culte. Une paroisse vivante a besoin de partage, de joie et d'ardeur de la part de tous.

Souvenons-nous : l'Eglise est une grande famille. Dans une famille, rien ne marche, si chacun ne pense qu'à soi. Si le père en rentrant de son travail s'installe devant la télévision en s'exclamant :"C'est pas vrai! le souper n'est pas encore prêt ? C'est toujours pareil ici"; si la mère est continuellement en train de récriminer, de revendiquer, de se plaindre et que les enfants sont de parfaits petits égoïstes, personne n'a de plaisir dans une telle famille. Par contre, si le père se réjouit de retrouver sa femme, honore son travail dans la maison, prend du temps pour les enfants; si la mère fait tout pour que chacun se sente bien dans la famille et que les enfants sont affectueux et bien élevés, c'est une famille où l'on a du plaisir à être. C'est une famille forte aussi. Quand l'un de ses membres a un problème, les autres se serrent les coudes autour de lui et le soutiennent.

Avec l'Eglise, c'est pareil. Ce n'est que lorsque ses membres sont généreux, qu'ils veulent la rendre vivante, qu'elle devient une vraie famille. Ce n'est qu'avec la participation de chacun que même les défavorisés, les malades, les isolés sentiront qu'ils font aussi partie de cette famille et qu'ils peuvent également lui apporter quelque chose. Mais quand on considère l'Eglise comme une vache à traire, quand on s'en sert seulement lorsqu'on en a besoin, quand on n'y vient que pour consommer et qu'on repart sans rien avoir donné, l'Eglise devient une famille morte, triste et vide. Et malheureusement, cela se passe souvent ainsi.

Regardez, par exemple, comment le très beau mot d'offrande a été remplacé par le terme si commun de collecte. Au lieu de venir à l'église avec l'offrande de sa personne, de sa joie, des expériences à partager avec les autres, d'une amitié sincère à leur égard; au lieu de l'offrande d'un esprit positif qui veut construire des liens et créer de la vie, on n'a plus que la collecte. Une collecte qui ne concerne que le porte-monnaie, alors que l'offrande relève de toute la personne. Une collecte qui vient à la fin et qui a l'air de payer ce qui s'est passé, comme le type au bistro qui laisse deux francs sur la table en sortant pour la bière qu'il vient de consommer. Tandis que l'offrande, elle, vient au début et crée quelque chose de nouveau.

Sommes-nous incapables dans l'Eglise, de venir avec une offrande ? Sommes-nous incapables de nous donner, un peu, un esprit de famille ? N'avons-nous pas ici une mission à accomplir ? Oui, et nous l'accomplirons en nous offrant nous-mêmes aux autres et à Dieu. Alors, dans cette année internationale de la famille, dont mon collègue Daniel Gloor développait les aspects du couple et des enfants les dimanches précédents, nous pourrons réellement inclure l'Eglise : l'Eglise comme la grande famille de tous les temps.

Amen.

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Jeanne Martin
Musique
Chorale "Chantevigne"