Culte transmis de l'église réformée St. Jakob, Zürich

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Andreas Bruderer

Chers sœurs et frères rassemblés dans cette église ou chez vous,

Être étranger signifie que je n’appartiens pas à cet endroit. Je ne m’y reconnais pas. Je ne sais pas comment il faut se comporter ici pour acquérir un sentiment d’appartenance. Celui qui se sent étranger marche sur un terrain peu sûr. Il n’y a pas de fil rouge auquel je puisse me tenir. Tout est nouveau. Tout doit être expérimenté. S’agit-il de faire un large détour pour éviter l’étranger dans la mesure du possible? Non, dit la Bible. L’expérience de la vie en tant qu’étranger est importante. Au chapitre 23 du livre de l’Exode, verset 9, nous lisons: «Tu n’opprimeras pas l’émigré; vous connaissez vous-mêmes la vie de l’émigré, car vous avez été émigrés au pays d’Égypte.» Être étranger en Égypte. C’est par cet événement originel que commence l’histoire d’Israël. En tant qu’étrangers, les Hébreux ont été exploités par les Égyptiens. Finalement, sous la conduite de leur chef Moïse, ils sont partis sur le chemin de la liberté.

À maintes reprises dans la Bible hébraïque, notre Ancien Testament, on rappelle la situation d’étrangers des Israélites en Égypte. Cette expérience est mentionnée dans des passages bibliques fondamentaux. Déjà à l’époque, comme c’est aussi le cas aujourd’hui, une approche de l’étranger fondée sur le respect n’allait pas de soi. Il y avait sans cesse de nouvelles tensions entre gens du pays et étrangers. Les étrangers dérangeaient. Beaucoup auraient certainement préféré les renvoyer dans leur pays natal. Pourtant, Dieu, nous dit-on, protège les étrangers. Ils sont importants pour lui. C’est pourquoi nous trouvons sans cesse à nouveau dans la Bible hébraïque, à l’adresse des Israélites, le rappel de leur situation d’étrangers en Égypte.

Dans ma vie, j’ai souvent éprouvé le sentiment d’être un étranger parmi des étrangers. Il y a plus de 20 ans, ma femme et moi avons séjourné trois mois en Inde, avec nos trois enfants en bas âge. Nous avons vécu ce que signifie ne pas parler la langue locale, ne pas savoir déchiffrer un texte écrit, ne connaître que très mal les coutumes et la mentalité du pays. C’est avec une plus grande ouverture à l’étranger que nous sommes rentrés en Suisse au bout de trois mois.
Je ne sais pas si vous avez déjà fait l’expérience de vivre en étrangers quelque part, puis, une fois de retour chez vous, de vous sentir changés. Peut-être avez-vous passé une année outre-Sarine quand vous aviez 16 ans.

Alors que j’étais en route sur le chemin de Saint-Jacques en tant que pasteur pèlerin, une femme m’a raconté à quel point son séjour en Suisse romande, lorsqu’elle avait 16 ans, a été marquant pour elle. Soudain, elle se trouvait parmi des personnes qu’elle avait beaucoup de mal à comprendre avec son français scolaire.

Quiconque se souvient de ses expériences personnelles en tant qu’étranger rencontre différemment les étrangers. Les expériences communes peuvent jeter un pont entre l’étranger et moi. Alors, l’étranger n’est plus simplement un étranger, mais mon prochain. Comme le disait tout à l’heure Berhanu Tesfaye, les réfugiés sont aussi des êtres humains. Simplement, ils ont une autre patrie et un autre nom. Rétrospectivement, nos expériences à l’étranger sont très importantes. Nous avons vécu ce que signifie être étranger. Grâce à cela, nous pouvons aller à la rencontre des personnes étrangères avec plus de compréhension.

Notre verset biblique nous donne le courage nécessaire pour le faire: «Vous connaissez vous-mêmes la vie de l’émigré, car vous avez été émigrés au pays d’Égypte.» Quand on a vécu soi-même ce que signifie être étranger, il devient plus facile d’avoir ce courage. Je me sens plus ouvert à l’idée d’aller vers l’étranger. Ce faisant, je constate que le réfugié qui vient à nous en tant qu’étranger ou étrangère est un être humain comme nous, avec ses désirs, ses espoirs et ses craintes. Cela m’attriste – et quelquefois aussi cela m’enrage – quand je vois à quel point on rend toujours plus difficile l’accès à la Suisse pour les réfugiés, et cela d’autant plus que les étrangers apportent quelque chose de très important pour nous. Ils montrent en effet que notre mode de vie n’est pas la seule manière de vivre. Ainsi, quand nous étions en Inde, nous avons vécu ce que signifie l’hospitalité, même dans des situations de grande pauvreté. Nous avons été fascinés par la joie de vivre de ceux qui nous accueillaient. Et nous avons appris que la pauvreté n’exclut pas la générosité du cœur.

Pour ma part, en tout cas, je trouve que la rencontre avec des étrangers est enrichissante. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me trouve volontiers en route avec des pèlerins, femmes et hommes, en tant que pasteur pèlerin. Faire un pèlerinage signifie en effet aller à l’étranger et expérimenter concrètement le fait qu’il y a beaucoup d’autres manières de vivre que la nôtre.

***

Verena Mühlethaler

Pourquoi, en fait, le mot «xénophilie», synonyme de sympathie pour l’étranger, est-il si peu utilisé, alors que tout le monde connaît le mot «xénophobie»? Ne serions-nous pas, chrétiennes et chrétiens, qualifiés pour insuffler la vie au mot «xénophilie»? Nous venons de l’entendre: déjà dans l’Ancien Testament, Dieu nous appelle à ne pas opprimer ou exploiter les étrangers. Cette tradition xénophile se poursuit dans le Nouveau Testament. Jésus lui-même va jusqu’à dire: je suis l’étranger! Et la manière dont vous me traitez en tant qu’étranger décidera, au jour du Jugement, du ciel ou de l’enfer, comme le raconte l’évangéliste Matthieu.
Je tire ces versets du chapitre 25: «Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli; nu, et vous m’avez vêtu; malade, et vous m’avez visité; en prison, et vous êtes venus à moi… En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères [ou mes sœurs], c’est à moi que vous l’avez fait!» (Matthieu 25, 35-36.40b) Jésus s’identifie ici à la personne qui a faim, à l’étranger, au prisonnier. Le fait-il parce que ces gens étaient les meilleurs parmi les êtres humains? Non, c’est parce qu’ils sont pauvres, persécutés et méprisés que Jésus est proche d’eux, que Dieu est proche d’eux. À travers eux, Dieu proteste contre l’injustice. Dieu veut que chaque être humain puisse vivre dans la dignité.

Et c’est pour cela que nous faisons aussi quelque chose pour Dieu quand nous accueillons des étrangers, que Jésus nomme nos sœurs et nos frères. «J’étais un étranger et vous m’avez recueilli.» Qu’est-ce que cela signifie maintenant pour nous? Il y a un niveau pratique et un niveau politique. Je pense que nous pouvons être fiers de notre pays, de la protection qu’il accorde aux réfugiés menacés dans leur corps et dans leur vie. Au 17e siècle déjà, la Suisse a accueilli des milliers de huguenots. Depuis lors, nous avons accordé protection à d’innombrables personnes menacées de torture ou même de mort dans leur pays. Mais j’ai l’impression que nous sommes devenus plus craintifs et plus froids ces dernières années.

En trente ans, notre loi sur l’asile a déjà été révisée dix fois, la plupart du temps au sens d’un durcissement. Naturellement, on peut aussi exploiter et utiliser abusivement la disponibilité à l’aide manifestée par un pays. C’est vrai, il y a une petite minorité de requérants d’asile qui ont des agissements criminels. Mais je pense que nous ne devons en aucun cas nous venger de tels abus sur les personnes effectivement persécutées. Dans notre quartier de Zurich, le district numéro quatre, on n’a jamais voté en faveur d’un objet dirigé contre les réfugiés et les étrangers, en dépit du fait que des personnes de plus de cent nationalités vivent ici. Ou peut-être précisément à cause de cela? Quand nous rencontrons chaque jour des gens d’autres cultures, cela nous permet de vaincre la crainte que nous avons les uns des autres. «J’étais un étranger et vous m’avez recueilli.» Qu’est-ce que cela signifie, en fait, au niveau pratique? Précisément dans nos paroisses, il y a de multiples possibilités de rencontrer des réfugiés et de les aider. Ainsi, notre paroisse, en collaboration avec le Réseau de solidarité, propose chaque semaine aux réfugiés un cours d’allemand et un repas de midi. «J’étais en prison, et vous êtes venus à moi.»

Régulièrement, un groupe de notre communauté rend visite à des réfugiés placés en détention en vue du refoulement à Kloten. Nous rencontrons là des requérants d’asile déboutés, dont certains sont détenus depuis un an et demi sans avoir jamais commis d’actes criminels. La plupart d’entre eux doivent être expulsés. Ils espèrent contre toute espérance, sachant qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux ou, comme c’est le cas actuellement au Sri Lanka, qu’ils sont menacés de torture. Un père de famille renvoyé il y a dix jours avec sa famille a immédiatement été jeté en prison. Sa femme craint pour sa vie.

Berhanu Tesfaye l’a dit tout à l’heure: quand on perd l’espoir, on commence à mourir. Le 2 mai, le jeune Tunisien Moncef S., 28 ans, a perdu sa dernière étincelle d’espoir. Peu avant l’expulsion qui le menaçait, il s’est suicidé ici à Zurich. Les dernières lignes qu’il a écrites dans le journal des sans-papiers de l’École autonome de Zurich furent celles-ci: «Au bout de sept mois, j’ai reçu une réponse négative des autorités suisses me priant de quitter le pays. Depuis ce moment, je réfléchis sans cesse pour savoir où je dois aller. Je ne peux pas rentrer en Tunisie, où je n’ai aucun avenir. Ici, je ne peux pas sortir, sinon la police va m’arrêter et me renvoyer dans mon pays... Chaque fois que je sors, je prie Dieu de pouvoir rentrer.»

→ pour Moncef et tous ceux et celles qui sont morts durant leur fuite, j’allume cette bougie.

[La bougie est allumée.]

Chers frères et sœurs,

La xénophilie ne doit pas rester un mot inutilisé.
Abattons les murs autour de nos cœurs et de notre pays! Allons vers les étrangers, accueillons-les dans notre pays et dans notre paroisse.
Nous ne devons pas craindre qu’il en résulte une déchristianisation de notre communauté nationale. Rappelons-nous les paroles de Jésus: «Celui qui accueille un étranger m’accueille moi-même.»

Amen.

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