Cantiques

Pour juger de l’importance du chant dans nos églises réformées, il suffit d’y entrer. Sur un présentoir savamment disposé à l’entrée de l’église votre premier geste sera de vous munir d’un chantoir, d’un cantique, d’un recueil de chants, appelez l’ouvrage comme vous le voulez, ou bien d’une feuille polycopiée pour l’occasion. 
Mieux encore, la proposition qui vous est faite témoigne déjà de l’ensemble de ce que vous allez recevoir: si l’ouvrage s’appelle « Alléluia », vous avez à faire avec une communauté acceptant sans sourciller les changements proposés par nos autorités et cela pas seulement dans ses choix musicaux mais également dans son acceptation du pluralisme théologique qui caractérise actuellement la plupart de nos paroisses. Si c’est encore le « Psaumes et cantiques », vous risquez bien d’avoir à faire avec une paroisse rebelle aux changements et là encore pas seulement dans le domaine musical. Plus encore s’il vous est proposé un « J’aime l’Éternel » ou un « vitrail », vous mettez sans doute les pieds dans une communauté qui se veut confessante et « évangélique ».
En tous les cas, cette expérience révèle une évidence que l’on peut résumer ainsi : « dis-moi ce que tu chantes et je te dirai la façon dont tu crois ! »
Le corpus originel de notre chant réformé est avant tout composé de deux sources : les psaumes en tout premier et les chorals en second. Le premier souci de la réforme étant sa fidélité à l’évangile dans lequel elle découvre que le Christ a chanté avec ses disciples les psaumes, comme tous les juifs pratiquants de son époque, alors seul le chant des psaumes pouvait avoir cette légitimité
Le choral est lui directement issu de la réforme luthérienne. Il reprend la pratique des « hymnes » de l’église catholique en les élargissant à l’ensemble des fidèles et surtout les dotant de paroles édifiantes en langue vernaculaire, véritables petits traités théologiques, en somme un catéchisme chanté. Tout le monde peut et doit chanter, et c’est une véritable réforme par rapport aux pratiques catholiques. Luther, en bon musicien qu’il était, leur donne une forme musicale praticable. 
Tous nos recueils de chants respectent fondamentalement ce corpus, « psaumes et chorals », Ils ont traversé les siècles, avec certes des actualisations essentiellement dans les paroles mais en les confirmant dans leurs buts : dire l’essentiel et être chantables par tous.

Marc Seiler, pasteur de l'Eglise réformée du canton du Jura