L’Esprit en état critique

Eglise du Pasquart, Bienne (©Nadine Manson)

Écouter le culte :

Florence Hostettler
Où vas-tu, toi qui t’es levé en ce matin de printemps ?
Où vas-tu, toi qui as quitté ton pays subitement ?
Où vas-tu, toi qui aspires à plus de simplicité, plus d’humanité ?
Où vas-tu, toi qui marches seul ?
Où vas-tu…

Dans l’évangile de Jean, n’est-ce pas cette question que les disciples n’ont PAS posée à Jésus ?

Estelle Pastoris
Eh bien moi, si j’étais à la place des disciples, je n’aurais justement pas posé la question.

Florence
Et pourquoi ?

Estelle
Reprenons ce verset 5 (Jean 16), tout au début du texte : « Maintenant, je m’en vais à celui qui m’a envoyé, et aucun d’entre vous ne me demande : Où vas-tu ? »

Réfléchissons bien. Quand Jésus parle de « celui qui m’a envoyé », il parle de Dieu, de son Père, une entité qui ne paraît pas proche, qui semble parfois si parfaite, si inaccessible, si lointaine. En tant que disciple, je peux alors interpréter que mon ami s’en ira très loin et que je ne le reverrai peut-être jamais. Je peux aussi simplement comprendre la parole de Jésus comme une parole d’adieu, comme un ami qui m’annonce sa mort prochaine.

Alors non ! Je n’ai pas envie de lui poser la question «Où vas-tu ?» ! J’aurais trop peur de connaître la réponse. Et toi, est-ce que tu lui aurais posé la question ?

Florence
Oui, moi je l’aurais posée ! Pour moi, une vérité, même difficile à entendre, vaut mieux que l’incertitude. Rester dans le doute, c’est rester dans la tristesse, penser que tout est fini.

Certes, les disciples sont troublés face à cette annonce de Jésus.  En ne posant pas la question « Où vas-tu ? », ils évitent la réalité de la mort. Cette réalité-là est trop lourde à porter pour eux maintenant. Les disciples n’étaient pas prêts à laisser partir Jésus. Qui le serait ? Pour eux, poser la question « Où vas-tu ? », c’est délicat, car cela implique de s’interroger sur la suite : que se passera-t-il quand Jésus ne sera plus là ?

Estelle
En effet, en tant que disciple, que se passera-t-il quand Jésus ne sera plus là ? Comment continuer à suivre quelqu’un qu’on ne voit plus ?

Florence
Dans l’évangile de Jean, il y a cette promesse d’un Esprit consolateur que Jésus annonce à ses disciples. Comme une force qui leur sera donnée pour continuer leur chemin. L’Esprit est celui qui est envoyé après la mort et la résurrection du Christ pour le rendre présent, à chacune et à chacun, en tout temps. 

Le départ de Jésus projettera les disciples en première ligne pour poursuivre son œuvre, pour transmettre sa mémoire. Ils ne peuvent pas retenir Jésus, mais ils sont encouragés à porter sa Parole au monde, avec des forces renouvelées.

Et nous, 2000 ans plus tard, où allons-nous ?

Estelle 
Où allons-nous… Bonne question ! De mon côté, je ne vois vraiment pas où nous allons ! Probablement droit dans le mur ! Quand je vois les photos des villes détruites en Ukraine (et d’autres encore, ailleurs dans le monde), quand je vois les images de toutes ces personnes qui fuient leurs pays, où vont-elles ? Où allons-nous lorsque nous sommes guidés par la haine ?

Quand je vois ce monde où le gaspillage et la surconsommation règnent, quand je vois que certaines personnes souffrent de la faim alors que d’autres souffrent de trop manger, où allons-nous ? Peux-tu me le dire ? Reste-t-il encore quelque chose d’humain dans notre société ?

Je veux bien que l’Esprit rende Jésus présent, c’est bien joli, mais concrètement, qu’est-ce que l’Esprit fait par rapport à ce monde qui dégringole ?

Florence
Justement, dans ce monde où tout dégringole, l’Esprit est un consolateur, un défenseur. Dans notre texte, l’Esprit de Dieu est appelé Paraclet. Ce terme grec vient du vocabulaire juridique. Il désigne autant un avocat, un défenseur, un consolateur ou encore un intercesseur. Il vient au secours de toutes les situations qui nous paraissent désespérées, il nous donne la force de rester debout, l’élan de continuer, l’audace de nous engager dans le monde, de lutter contre le pessimisme ambiant. D’autre part, l’Esprit nous pousse à l’action.

Comme nous l’avons entendu ce matin, le prophète Ésaïe, en son temps, parlait de l’Esprit de Dieu dans ce sens-là. Rappelons-nous ces quelques versets :
« L'Esprit du Seigneur est sur moi […]. Il m'a donné pour mission d'apporter aux pauvres une bonne nouvelle et de prendre soin des désespérés ; ma mission est de proclamer aux captifs qu'ils seront libres désormais. […]. Je suis envoyé pour apporter un réconfort à ceux qui sont en deuil ».

Estelle
J’aime bien ces versets que tu lis. En d’autres termes, si je comprends bien ce qu’ils disent, l’Esprit  permettrait de ne pas nous enfermer sur nous-mêmes, de ne pas rester bloqués dans nos émotions et nos blessures. La présence de l’Esprit permettrait tout à coup d’esquisser des réponses à la question « Où vas-tu ? ». Une ouverture serait possible.

Florence
Qu’entends-tu par « une ouverture serait possible » ? Que fait-on aujourd’hui pour porter et faire vivre cette Parole du Christ, cette présence de Dieu au cœur du monde ?

Estelle
Une « ouverture possible », cela serait une action concrète. Par exemple, lorsque les enfants se demandent, ce qu’ils peuvent faire face à la situation en Ukraine, et que leur maîtresse ou maître d’école les pousse à être disponible pour accueillir, intégrer au mieux les nouveaux arrivants, c’est déjà cela, l’action de l’Esprit.

Autre exemple : lorsque je me mets à l’écoute de mes proches ou de quelqu’un qui a vécu un deuil, lorsque je me rends présente pour les autres, c’est déjà cela, l’action de l’Esprit.

Ou encore, lorsque je prends conscience de ma manière de consommer et que je commence à réfléchir à comment diminuer mon empreinte sur la planète. Même si je n’arrive pas à faire beaucoup, c’est déjà cela, l’action de l’Esprit.

Quelques siècles avant, au temps de la Réforme, Luther affirmait ceci, une phrase qui résonne très fort avec les crises d’aujourd’hui : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier. » Même ce tout petit peu que je peux faire (que je fais !), c’est déjà cela, l’action de l’Esprit.

Florence  
Oui, en effet, l’action de l’Esprit permet d’autres résonnances. Aujourd’hui, nous sommes entre Pâques et Pentecôte, encore émerveillés par la Résurrection, mais aussi à bout de souffle face aux défis actuels. Plus que jamais, nous avons besoin de justice, de paix, de vérité.

Oui, c’est aussi cela qui est promis par Jésus : un Esprit de vérité qui nous permet de voir clair dans notre monde troublé. Cela demande de la patience et de la confiance. Pour nous, il s’agit de discerner la volonté de Dieu chaque matin, et de prendre soin de cette part de Dieu en chacun et chacune de nous.

Où vas-tu, toi qui t’es levé en ce matin de printemps ?

Estelle
Où vas-tu, toi qui as quitté ton pays subitement ?

Florence
Où vas-tu, toi qui marches seul ?

Estelle
Où vas-tu, toi qui aspires à plus de simplicité, plus d’humanité ?

Florence
Et nous, chers frères et sœurs en Christ, où allons-nous ? Qui suivons-nous ? La réponse à cette question n’est jamais une évidence. Mais pour aujourd’hui : si nous nous laissions simplement porter par l’Esprit de Dieu ? Si pour un instant nous déposions ce qui est trop lourd, afin de faire de la place à l’Évangile et à cette espérance qui nous porte : Dieu est là, au cœur de notre humanité. Qu’est-ce que cela changerait ?

Estelle
Qu’est-ce que cela changerait ? Cela permettrait de reprendre notre souffle ! Cela permettrait d’ouvrir un espace ! Pour faire de la place à l’Évangile et à ce Dieu qui est là, au cœur de notre humanité, cela nécessite de prendre du temps de s’arrêter et regarder le monde tel qu’il est. Cela nécessite de prendre du temps pour faire de la place aux autres autour de moi. Que puis-je faire pour l’autre ? Qui a besoin de moi ?

Faire de la place à Dieu dans ma vie, c’est prendre le temps d’offrir une fleur (par exemple, à l’occasion de la fête des mères). C’est prendre le temps d’offrir des bulles de légèreté. Faire de la place à Dieu dans ma vie, c’est permettre la vie tout autour de moi. Alors oui, en chemin vers Pentecôte, pour chaque jour et pour aujourd’hui, nous pouvons faire confiance en ces paroles du Christ : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »

Amen.

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Les pasteur·e·s stagiaires de Suisse romande se réunissent pour célébrer un culte en direct depuis l’Église du Pasquart à Bienne.

À mi-chemin entre la fête de Pâques et la fête de Pentecôte, c’est la thématique de l’Esprit qui titillera notre curiosité. Après un événement critique tel que la mort du Christ, quelle est la place de l’Esprit dans notre monde et dans nos vies? Quel est son rôle dans les difficultés? En quoi est-il une nouvelle promesse?

Détails

Célébration
Avec la participation de
Eva Lefèvre et Monika Galataud pour la liturgie
Orgue
Sara Gerber
Musique
Estelle Pastoris au chant. Trio de flûtes à bec avec Guillaume Klauser, Estelle Blandenier et Tobias Hofstetter.