Entre terre et ciel, de la résurrection à l’ascension

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Charles de Carlini

Où es-tu?
Stupéfaites, les femmes arrivent au tombeau et le voient ouvert. Elles entrent, remplies de crainte, mais ne voient rien.

Où es-tu?
Un jeune homme en tenue blanche se tient là. Il dit aux femmes : « Ne craignez pas, mais ne le cherchez pas là. Jésus vous attend en Galilée, allez le dire aux apôtres. » Difficile de comprendre qu’il est ressuscité, difficile de le croire. Mais il n’est plus là. Il n’est pas là où on l’attend. Mais lui, attend en Galilée.

Où es-tu?
Pierre accourt au tombeau. A son tour, il ne voit rien. Il est frappé de stupéfaction. Sur le chemin d’Emmaüs, à quelques kilomètres de Jérusalem, deux disciples cheminent. Jésus s’approche d’eux et leur demande pourquoi ils sont si tristes. Ils ne le reconnaissent pas, mais lui racontent ce qui s’est passé. Le récit des femmes aux disciples, qui, sceptiques, sont venus au tombeau vide. Ils ne l’ont pas vu.

Où es-tu?
Lorsque les pèlerins d’Emmaüs reconnaissent Jésus à sa façon de rompre le pain, leurs yeux s’ouvrent, mais Jésus disparait de devant eux.

Où es-tu?
A Béthanie, quarante jours après Pâques, Jésus s’élève au ciel. Les apôtres ont les yeux fixés au ciel, mais deux anges leur demandent ce qu’ils regardent avec tant d’insistance. Il n’est pas là, mais ce Jésus qui a été élevé au ciel reviendra de la même manière. En attendant…

Où es-tu?
Il y a franchement de quoi s’interroger. A la fin de l’Évangile de Marc, l’ange dit aux femmes que Jésus est en Galilée. Mais il apparaît aux premiers disciples sur le chemin d’Emmaüs, en Judée. Et c’est à Béthanie, toujours en Judée, que l’ascension se produit. Jésus, qui fut présent parmi les disciples, prêchant, voyageant, buvant et mangeant au milieu d’eux, est maintenant disparu du tombeau, attendu en Galilée, apparu en Judée, puis monté au ciel.

Jésus leur dit avant de les quitter: « Dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit. » Et les disciples de demander: « Sera-ce le temps de la venue du Royaume de Dieu? » Jésus leur répond que ce n’est pas à eux de connaître le moment que le Père a fixé.

Le texte grec associe chronos, le temps qui s’écoule, et kairos, le moment précis. On ne peut savoir ni à quel moment, ni dans combien de temps échoira le Royaume.
Jésus lui-même n’est plus dans le même temps. La résurrection est l’avenue de l’ubiquité de Jésus. Il n’est plus dans le temps des hommes, ni même dans leur même espace. Il n’est plus dépendant de cet espace-temps auquel nous sommes, nous, mortels, soumis. Il a rejoint son Père dans le ciel. C’est la révélation messianique de Jésus.
Saint Augustin nous enseigne cela dans les Confessions, livre XI. Parlant à Dieu, il dit: « Tes années ne sont qu'un jour, et ton jour n'est pas une suite de jours; il est aujourd'hui, et ton aujourd'hui ne cède point la place à un lendemain; car il ne succède pas à la veille. Ton aujourd'hui, c'est l'éternité; voilà pourquoi tu as engendré un Fils coéternel à toi, celui à qui tu as dit: "Je t'ai engendré aujourd'hui”. »

Et c’est pour cela qu’il est vain de se demander « où es-tu. ». Mais les apôtres n’en ont pas encore conscience et demandent à Jésus quand il va établir le Royaume sur terre. Et Jésus leur dit qu’ils recevront le baptême du Saint Esprit et qu’ils iront jusqu’aux extrémités de la Terre porter la bonne nouvelle. C’est un texte ecclésiologique. La mission est maintenant donnée.

Christ ressuscité est partout. Il est au milieu de nous. En lui portant notre confiance, notre foi, il est aussi en nous, en chacun d’entre nous, intemporel. A nous de le reconnaître, de le faire connaître. A nous de jouer et de transmettre la bonne nouvelle de la venue du Royaume qui, comme le dit Marc, s’est approché. Et cette fois, les apôtres sont transportés de joie. Ils retournent à Jérusalem et tous ensemble se mettent à prier.

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Isabelle Frey-Logean

A nous de jouer!
A nous de transmettre cette bonne nouvelle du Royaume de Dieu! Oui – mais n’est-ce pas encore trop tôt? N’est-ce pas encore le temps du vide, de l’absence de Jésus? Ce temps qui nous fait précisément demander: Où es-tu?

L’absence nous travaille. Il faut faire le deuil de la présence physique de Jésus, pour vivre autre chose. Heureusement, reste ce lien invisible, comme un réseau qui se tisse par-delà le temps et l’espace.

Où es-tu?
Au tournant de chaque vie, c’est notre expérience de l’absence, de la vacuité, du « vide » - vide de présence, de projet, vide de perspective, vide de sens – qui résonne ici au cœur de la question. Ce vide « vide » est difficile, déstabilisant et angoissant. Un vide, nous le vivons comme « du vide », c’est-à-dire comme « rien », comme une absence, une absence de sens, un manque, un trou d’air où l’on se sent aspiré.

Où es-tu?
Au milieu de ce vide-là? Entre les temps? Entre deux? Dans cet entre deux-là? La question entraîne au-delà de l’absence. Elle ouvre ce vide comme un espace.

Dès lors le vide se fait vie, ouverture à être!
Le vide permet maintenant la vie, le mouvement et l’être.
Le vide, comme espace non défini, non envahi, non dédié, devient ce qui appelle à la vie et au mouvement.
Le vide, c’est grand, c’est ouvert.
Le vide, c’est le silence entre les notes qui créent le rythme.
Le vide, c’est la page blanche qui ouvre à la poésie.
Le vide, c’est le tableau blanc qui invite les couleurs à chanter.
Le vide, c’est le temps libre qui appelle à l’inattendu d’une rencontre.
Le vide, c’est cette brèche dans nos murs qui ouvre un passage vers la vie.

Toujours le vide nous convie à devenir créateur. L’inattendu, comme un espace libre, nous stimule sans cesse, il est la porte ouverte à toute créativité, parce qu’il est cette fantastique ouverture de l’espace et du temps. Quand tout est ouvert, tout est possible. En ce sens, le vide, c’est bien le contraire du trop plein qui empêche la vie, bloque tout mouvement.

Alors posons-nous la question: Que serait-il donc arrivé à Elie, si le Seigneur avait été « dans la tempête » ou « dans le feu »? Et après? Après la tempête, après le feu… Après? Plus rien! Mais c’est à la puissance du souffle du silence qu’Elie accueille la présence de Dieu.

Au plus profond du silence, quelqu’un se dit, et le silence vibre de sa présence. Ce quelqu’un qui laisse infiniment libre et permet qu’il y ait de l’espace pour que la vie s’invente, pour que l’être ose être et se rêver.

De même, que se serait-il passé si les femmes à l’aube de Pâques n’avaient buté contre le vide? Ou si elles avaient tout de suite rencontré Jésus à côté du tombeau? Elles n’auraient jamais pu entendre la parole qui met en marche vers les vivants et qui les envoie vers la Galilée.

Où es-tu?
Jésus absent, il faut passer à un autre temps. Vient à présent le temps de la nuée. La nuée est l’invitation à rester en lien, malgré l’absence. Maintenant, il faut le « reconnaître sans le voir », mais comment? Jésus, pris par la nuée, n’est plus visible, pourtant il reste localisable. La nuée cache, c’est vrai, mais elle montre aussi, puisqu’elle indique où il peut se trouver: « il est là, derrière la nuée ». Il est caché, mais présent, d’une présence autre. Une Présence cachée n’est jamais une absence!

Où es-tu?
Souvenons-nous du le récit de l’Exode, où Dieu est présent derrière une colonne de feu la nuit, derrière une nuée le jour, et c’est ainsi que le peuple marche vers la terre de la promesse. Indirectement guidé.
Maintenant, Jésus à son tour, guide les siens de cette manière indirecte. Le temps du face à face est passé, vient le temps du souvenir de ses paroles et gestes. C’est le temps de sa présence non visible, mais bien réelle, en dépit de l’absence. Une présence qu’il va falloir accueillir, discerner à travers et malgré ce qui la cache. Et surtout, une présence qui ouvre un chemin qui engage à sa suite.

Où es-tu?
2000 ans plus tard la question se pose toujours. La réalité vient sans cesse contredire notre élan de foi; la vie reste à jamais ce mixte inextricable de joie et de peines, d’élans et de trous d’air.
Dieu n’est pas dans la nature, ni dans la science; pas d’avantage dans l’humain.

Où es-tu?
L’Évangile ne répond jamais à cette question. Ou plutôt il nous mène ailleurs, au-delà de la spatialité et de la temporalité. Il éloigne la tentation de discerner des signes qui permettraient de se dire de manière absolue: Dieu est ici ou il est là.
Dieu ne peut être saisi, ni enfermé, ni immobilisé. On ne peut objectiver la présence du Vivant. Il se donne à apercevoir l’espace d’un instant, quand sa présence, comme une intuition, au carrefour de notre vie, se dévoile. Mais c’est toujours « derrière la nuée », c’est-à-dire d’une manière indirecte.

Où es-tu?
Les disciples sont déjà dans ce temps nouveau, le temps de l’Esprit qui « souffle où il veut », insaisissable et libre. Jésus, pris par la nuée, leur a promis cette force, le souffle de l’Esprit. Mais avant cela, il reste encore quelques jours de vide. En effet, si nous suivons la chronologie de Luc dans les Actes, il y a dix jours entre l’Ascension et Pentecôte. Dix jours pour quoi? Pour se préparer? Pour attendre? Pour prier, pour laisser résonner en eux ce qu’ils ont partagé avec lui?
Ces 10 jours sont un espace vide, un temps vide non qualifié dont nous ne savons presque rien, mais dont nous pouvons tout imaginer: le groupe des disciples de retour à Jérusalem, unis, pour prier, pour partager, pour se souvenir de Jésus, pour célébrer la cène – tout un début de vie communautaire.

Ce temps et cet espace sont comme un sas bienfaisant après la précipitation des évènements: la passion, la résurrection, les 40 jours avec lui. Un vide salutaire.
Ces 10 jours permettent de se poser avant… la Pentecôte.

Et nous?
Qu’est-ce qui nous empêche de vivre ce temps de l’Ascension du 10 mai, jusqu’à Pentecôte le 20 mai, comme un temps de joie, de créativité? Ce temps peut ainsi devenir un temps de prière et d’écoute, de recentrement et de ressourcement personnel et communautaire. Mais c’est d’abord un temps vide! Prenons le temps de cheminer, peut-être même d’aménager de vrais « temps vides » - chaque jour, des temps pour soi, pour se poser tranquillement la question :
Où es-tu Seigneur?
Et où suis-je, moi?
Qu’en est-il de mes chemins de vie?

Un temps vide comme une formidable invitation à se laisser tout simplement inspirer. Que chacun, chacune, puisse avoir cette liberté, cet espace et devenir créateur de sa vie, au cœur de ce vide.

Bientôt, le temps de l’Esprit va venir, mais ce n’est pas pour tout de suite. Par le temps de l’Esprit, du souffle, la mission va se déployer aux quatre coins du monde.

Maintenant, c’est juste ce temps d’attente:
10 jours de vide, à imaginer ou à laisser passer tout simplement en accueillant ce qui vient.
10 jours que Dieu nous laisse qualifier et aménager selon notre désir.
Une page blanche… notre page blanche.
Une invitation à être, à rêver, à créer.

A nous de jouer !

AMEN

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Absent ou présent dans l’absence ? Comment comprendre l’absence du Christ? Où est-il donc? Hors du cadre spatial et temporel? Comment se manifeste cette présence aujourd’hui ?

Détails

Avec la participation de
Charles de Carlini
Orgue
Musique
Groupe "Bluegrass Fever", avec Ceri Simms et Florian Combremont à la guitare, Frédéric Aubry au banjo, Eric Dujerdil au violon, Laure Dieudonné à la contrebasse, Eric Mathey et Alexandre Winter à la mandoline, Samantha Solida, Florian Combremont et Alexandre Winter, chant