S'orienter vers le ciel, témoigner sur la terre

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Écouter le culte :

Matteo Silvestrini
Dans le livre des actes des apôtres, il est écrit que Jésus tout à coup s'éleva dans les airs pendant que les onze disciples le regardaient et une nuée le cacha à leurs yeux. Les disciples, ensuite, restèrent les yeux fixés vers le ciel.
C’est une image qui me laisse songeur… au-delà de la bizarrerie de Jésus qui monte au ciel, l’idée de monter dans les airs me fait plutôt penser à s’échapper de quelque chose, un peu comme dans la chanson « Cerf-volant » que nous avons entendue tout à l’heure au piano, vouloir ressembler à un cerf-volant : me laisser balloter par le vent, échapper à ce qui se passe en bas et prendre un peu de distance avec les choses.

Emanuelle Dobbler
C’est plutôt surprenant que l’Ascension te fasse penser à ça, à l’idée de s’échapper de quelque chose…
Moi je ne pense pas que c’était le cas pour Jésus… Il est remonté au ciel, auprès de son Père, là où il devait être.
En plus, le ciel et plus particulièrement la nuée, ça représente souvent la présence divine dans la tradition biblique.

Matteo Silvestrini
Oui, facile ! En attendant, c’est nous qui sommes ici-bas, avec nos incertitudes, nos peurs, mais aussi nos envies de nous échapper parfois, de donner des coups de pied à la lune, un clin d’œil à Icare, tutoyer nous aussi les nuages… ce serait magnifique ! S’échapper des terrains vagues remplis de violence que notre monde a créées… Et si, au fond, Jésus voulait juste échapper à cela, et nous laisser entre nous, nous débrouiller seuls…

Emanuelle Dobbler
Tu vas un peu vite peut-être… Tu oublies ce qui s’est passé 43 jours avant, le Vendredi saint ! Là, il n’a échappé à rien du tout, il a traversé même la mort. Jésus n’était pas un doux rêveur, il a eu le courage d’affronter la dure réalité du monde. Je ne suis pas sûre que nous soyons toujours aussi courageux pour voir et affronter la réalité.
Rêver et s’échapper un peu, c’est vrai que ça peut nous faire du bien, même si les défis et les difficultés restent.
D’ailleurs, au début du culte, on a l’habitude de reconnaitre ces lourdeurs et ces difficultés que tu mentionnais et on demande à Dieu de prendre un peu de hauteur, pour les voir avec son regard à lui…

Matteo Silvestrini
Je trouve important de prendre de la distance, de la hauteur non seulement pour nous enfuir ou échapper à l’existence, mais, comme dans la chanson d’ailleurs, prendre conscience de ce qui ne va pas dans nos vies et dans le monde et de dénoncer les choses qui ne vont pas… Je trouve cela important, c’est une belle manière d’être en haut, de prendre de la hauteur.
Mais alors, comment comprendre la suite du récit dans les actes des apôtres quand un homme vêtu de blanc dit aux disciples : « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? » en quelque sorte, c’est comme s’il leur reprochait ce regard orienté vers le ciel.

Emanuelle Dobbler
C’est vrai, on pourrait comprendre ça comme un reproche. Mais dans l’évangile de Luc, où cette même histoire est racontée un peu différemment, après la montée de Jésus dans les nuées, les 11 disciples se rendent au temple, le temple qui à l’époque est considéré comme la représentation de la demeure céleste de Dieu. Ils continuent donc d’avoir leurs regards orientés vers le ciel, et on n’y voit pas de reproches. Ils sont dans la joie et vont louer Dieu…

Matteo Silvestrini
Donc tu veux dire qu’il y a une autre possibilité de comprendre le regard orienté vers le ciel, pas seulement une fuite mélancolique, ni une prise de hauteur pour dénoncer le mal, mais aussi une manière pour être en présence de Dieu, dans la louange. Mais à quoi ça sert ?

Emanuelle Dobbler
Louer Dieu, être en sa présence, ça ne sert à rien, mais ça change tout ! On peut être soi-même, sans artifices, pas besoin d’être quelqu’un de spécial. En présence de Dieu, on peut être tel qu’on est, et puis quand on le loue, on redit qui il est pour nous, on le remercie pour la relation qu’on peut avoir avec lui. A la fin de l’évangile de Luc, les onze disciples bénissent Dieu, ce qui veut simplement dire qu’ils disent du bien de Dieu. Et ça, ça peut changer des choses en nous.

Matteo Silvestrini
Par exemple, ce que tu veux dire, c’est que s’orienter vers le ciel, c’est une manière d’entrer dans un cercle vertueux où nous sommes accueillis tels que nous sommes, et, indépendamment des aléas de la vie, notre existence est fondée dans quelque chose de positif !?
D’ailleurs, c’est vrai, c’est pour cela qu’au culte on continue de faire comme les disciples dans le temple : on loue, on bénit, on chante le bonheur d’être en sa présence.

Cantique Grand Dieu (Psaumes et Cantique 357)

Emanuelle Dobbler
Ah ! On se croirait au ciel !
Mais être en présence de Dieu, le regard orienté vers le ciel, c’est bien, mais à un certain moment il faut redescendre. Les disciples aussi ont dû quitter le temple.

Matteo Silvestrini
En effet, mais Jésus a anticipé la choses avant de monter au ciel.
Selon les Actes des apôtres, Jésus a annoncé à ses disciples qu’ils recevront la puissance de l’Esprit grâce à laquelle ils seront ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre !

Emanuelle Dobbler
Ils ne seront donc pas seuls, même s’ils n’ont plus le Christ avec eux et qu’ils ne sont plus dans le temple à louer Dieu, Dieu sera présent avec eux. Et c’est avec cette promesse qu’ils vont pouvoir garder les pieds sur terre et aller annoncer l’Evangile ; être témoins de ce qu’ils ont vu et vécu avec Jésus.
Et c’est aussi à cela que nous sommes appelés avec l’aide de cette puissance de l’Esprit ; incarner l’Evangile ici et maintenant. Mais pratiquement, ça se passe comment ?

Matteo Silvestrini
Pour incarner l’Evangile ? Difficile… Mais, si on se décalait un peu, et si nous allions voir un peu ailleurs ?
Dans la chanson « La quête », Brel rêve de ce qu’il appelle un impossible rêve. Il nous invite à vivre à fond ce qui donne sens à nos vies, même si cela doit se passer au travers de nos faiblesses, même si c’est difficile et même si ça fait mal.
Dans ces magnifiques mots, je vois un lien avec l’Evangile :
Aimer jusqu'à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D'atteindre l'inaccessible étoile.
Un objectif pas si inaccessible, un rêve pas si impossible si cela signifie tourner notre regard vers les autres, en orientant nos regards vers le ciel et en nous engageant vers les réalités de la terre !

Lecture dans Actes 1, 6-12

C’est toujours difficile d’interpréter des textes à connotation aussi symbolique comme ceux qui ont donné naissance à nos fêtes chrétiennes. Noël, avec la naissance miraculeuse du Christ, Pâques, avec sa résurrection d’entre les morts, l’Ascension, son retour au ciel.
Ces textes nous parlent du mystère qui entoure l’expérience de vie avec le Christ, à partir d’un langage qu’aujourd’hui nous avons de la peine à accepter tel quel. Et pourtant, ce langage possède une richesse spirituelle énorme, une vérité existentielle capable de donner un sens à notre vie.
Alors vous nous pardonnerez d’avoir commencé nos dialogues par des détours par la chanson française et des fantaisies personnelles, en décalage avec le texte. En décalage ? Mmh, peut-être pas…
En effet, le récit commence par une question très pratique : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël? ». Un intérêt très terre à terre, que si nous contextualisons à aujourd’hui signifie : « Est-ce que c’est maintenant que tout va aller pour le mieux dans nos vies ? » ; « Est-ce que c’est maintenant que tout va aller pour le mieux dans nos vies ? » Eh ben, manque de bol, non… « Je m’en vais… », dit Jésus… Alors vous voyez que l’idée saugrenue d’une tentation de fuir la réalité n’est pas si loin du texte… Nous sommes seuls, avec, comme seule image qui nous reste, celle de Jésus montant au ciel au milieu de la nuée… La tentation de regarder le ciel, de rester un peu songeurs, est bien présente. Mais le texte nous invite à aller ailleurs, par la force de l’Esprit il nous invite à partir, partout dans le monde.
Alors, il y a certes la prise de conscience que le Royaume de Dieu n’est pas encore là, prise de conscience que nous avons illustrée avec l’idée de prendre conscience de nos faiblesses, de nos lourdeurs.

Cette prise de conscience ne doit pas nous paralyser, au contraire, elle nous donne la force d’aller de l’avant, de prendre de la hauteur, pour regarder le monde tel qu’il est, et s’approcher d’un Dieu qui nous invite à entrer dans un cercle vertueux où nous sommes accueillis tels que nous sommes, indépendamment des aléas de la vie. Notre existence est fondée dans quelque chose de positif !
Ensuite, nous pouvons nous engager pour le monde, regarder les autres avec un regard différent, qui sache valoriser ce qui est positif chez l’autre. Exercer ce que l’Evangile nous propose : l’accueil inconditionnel de l’autre, même s’il ne nous aime pas, même sil n’est pas sympathique, même s’il me dérange, même s’il sème mon sentier d’embûches.

C’est un engagement qui demande un important lâcher-prise sur nos peurs, nos angoisses, pour aller confiants vers l’avenir, car nous le savons, c’est la seule manière de construire un futur de paix, digne, pour toute l’humanité. Alors, oui, dialoguer, entre ciel et terre, pour que la vie qui surgit soit puissante, orienter son regard vers le ciel et s’engager envers le monde !

Amen.

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Ils sont accompagnés par Nathanaël Morier au piano et l’artiste Amelia Burri, qui danse au son de l’orgue de la Collégiale.

Détails

Avec la participation de
Emanuelle Dobbler
Orgue
Martin Kasparek
Musique
Choeur paroissial de la Paroisse de Tramelan, Nathanaël Morier, piano, Amelia Burri, danse.