Culte transmis transmis de l’église Saint-Thomas de Strasbourg

image

Chères sœurs, chers frères en Christ,
« Passe en Macédoine et viens nous aider » : c’est avec cet appel que commence l’histoire de la mondialisation du christianisme. Ce n’est pas un phénomène moderne mais une caractéristique de la foi chrétienne que de vouloir atteindre des hommes et des femmes du monde entier.

Mais voyons d’abord comment tout a commencé… Dans son combat avec les apôtres, à Jérusalem, l’apôtre Paul avait déjà gagné une première manche, décisive d’ailleurs : la foi en Jésus Christ ne devait pas être accessible aux seuls juifs, mais s’ouvrir à tous les êtres humains. C’était là une décision fondamentale dont nous avons du mal, aujourd’hui, à saisir la portée. Lorsque, après la mort de Jésus et l’expérience de sa résurrection, se formèrent les premières communautés, la question se posa de savoir si seules des personnes de foi juive faisaient partie de ce mouvement ou bien si la bonne nouvelle de Dieu concernait tout le monde ?

Jésus lui-même eut tout d’abord du mal à s’ouvrir. C’est une femme, de la province romaine de Syrie d’alors, qui l’aida à donner à son regard une nouvelle direction. Il dit qu’il était envoyé seulement auprès « des brebis perdues d’Israël ». Mais elle lui répliqua que les chiens mangent bien les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Sa foi a impressionné et convaincu Jésus : Dieu s’adresse à tous les hommes.
Pierre passe par un processus semblable. Grâce à un officier romain, il comprend que le message de Jésus de Nazareth apporte le salut et la guérison pour tous les hommes. C’est ainsi que le concile des apôtres à Jérusalem permet finalement à Paul d’annoncer l’Évangile, sans restriction, à tous. Et c’est avec diligence qu’il répand le message : le premier de ses voyages, que l’on appelle « missionnaires », dure 15 ans, le deuxième et le troisième, environ 8 ans.

En cours de route – nous venons de l’entendre – Paul rencontre le jeune Timothée. Celui-ci incarne déjà la nouvelle génération. Ses parents sont d’ascendance juive et grecque, mais ils sont chrétiens tous les deux. Cette rencontre a dû être formidablement encourageante pour Paul : toute la peine qu’il s’est donnée porte des fruits. D’autant mieux qu’à présent Timothée accompagne Paul. Le jeune homme enthousiaste et le vieil homme expérimenté – ils forment une bonne équipe. Tout va pour le mieux. Les gens écoutent l’Évangile, les communautés grandissent : la situation est réjouissante, optimale même.

Mais soudain, rien ne va plus. Fini le succès. L’horizon est bouché. Le texte dit que le Saint-Esprit les empêche de prêcher. Je trouve cette représentation très irritante. Le Saint-Esprit ne nous encourage-t-il pas à prêcher ? Ne lisons-nous pas que l’Esprit de Dieu veut souffler, veut renouveler ? Ou bien notre représentation est-elle trop étriquée ? Paul fait l’expérience d’une impasse : impossible de poursuivre le travail. L’Esprit de Jésus « ne le leur permit pas » - c’est ainsi que les deux missionnaires vivent la situation. Et leur déception est amère.

Nous connaissons tous de telles impasses dans notre vie :

- Tu perds ton emploi et tu ne vois plus de perspective. Tu as peur, parce que tu ne sais pas comment cela va pouvoir continuer.

- Ou bien le médecin te dit : « Vous avez un cancer ! » Un cauchemar devient réalité et tu ne peux plus rien prévoir comme tu veux, toutes les sécurités semblent remises en question.

- Un homme révèle à sa femme : « Il y a une nouvelle femme dans ma vie, je vais demander le divorce ». Un modèle de vie s’écroule, tout ce que tu as construit, ta famille et ton foyer, est ébranlé en profondeur.

Quiconque vit de tels traumatismes ne distingue pas tout de suite de nouveaux chemins d’avenir. Il faut tout d’abord supporter la remise en question radicale de tous les projets de vie. Nous sommes tout d’abord là, décontenancés, et ne savons plus comment continuer.

Nous connaissons aussi un tel découragement en regardant notre Église. Par exemple, des siècles durant, il allait de soi qu'il fallait être membre d’une Église. Les gens venaient au culte parce que c’était l’événement central dans le village, dans la ville, mais aussi parce que celui qui ne venait pas au culte s’excluait lui-même.

Les temps ont radicalement changé. À Eisleben, la ville où Luther est né, a été baptisé et où, finalement, il est mort, seuls 7 % de la population sont encore membres d’une Église. Et en France, où nous fêtons aujourd’hui ce culte, les chrétiens sont devenus une minorité. C’est déconcertant. Les gens ne cherchent-ils plus Dieu ? Que pouvons-nous faire pour renouveler le questionnement sur Dieu ? L’Esprit de Dieu se tairait-il au lieu de souffler ?

Nous n'imaginons pas que l’Esprit de Dieu puisse-t-être à l’œuvre dans de telles expériences personnelles ou institutionnelles, dans lesquelles nous sommes ainsi contrecarrés. Mais peut-être l’Esprit de Jésus nous incite-t-il à être réceptifs au fait que Dieu nous conduise dans telles impasses, parce qu’elles nous ouvrent des perspectives toutes nouvelles, que nous ne discernons pas immédiatement. Peut-être avons-nous planifié nos chemins de vie, mais ces chemins n’étaient pas les chemins de Dieu ?

Une vision montre à Paul et à Timothée que des chemins tous nouveaux s’ouvrent à eux. Non seulement ils doivent annoncer l’Évangile de Jésus Christ à des hommes de tous les peuples, mais ils doivent aussi risquer le grand pas, au-delà de la mer Méditerranée, aller vers des mondes nouveaux, des mondes jusque-là jamais atteints.

Chères sœurs, chers frères, il ne nous est pas possible de parler aujourd’hui d’un appel qui fait venir des femmes et des hommes en Europe après avoir traversé la mer, sans penser au drame sans précédent des migrants qui se joue actuellement en Méditerranée et dans les Balkans.
Des êtres humains viennent en Europe espérant fuir la guerre, la misère et la destruction pour trouver ici un avenir de paix. Et nous voilà décontenancés, sans réponse appropriée. Nos sociétés sont divisées entre ceux qui veulent proposer aux migrants un refuge et une aide, et ceux qui se cloisonnent, prennent à partie et menacent les migrants. Mais la politique ne dispose pas de concepts pour gérer la misère humaine.

Enfin, il y a ceux qui vont tout simplement à la gare centrale de Munich avec des victuailles, de l’eau, des jouets, et qui applaudissent pour souhaiter la bienvenue à ces arrivants.
À Strasbourg, les enfants de l'école élémentaire Albert le Grand relayent spontanément auprès de leurs parents l'appel du maire à faire des dons, et reviennent quelques jours plus tard chargés de sacs. Plus de 300 enfants remplissent un petit camion de la Croix Rouge avec des dons destinés aux réfugiés attendus et voilà que soudainement souffle un esprit de solidarité et de liberté, comme nous ne pouvions guère l’espérer.

Des femmes et des hommes à travers le monde sont stupéfaits devant les signes d’humanité partagée. C’est vrai, la haine de l’étranger existe en Europe, ces jours-ci, nous ne pouvons plus le nier, mais la culture chrétienne de la miséricorde, qui a imprimé sa marque à notre continent est, elle aussi, audible et visible en Europe.

Il est intéressant de noter que Paul et Timothée ne viennent pas en Europe en tant que réfugiés. Non, ils sont appelés ; appelés à apporter une assistance spirituelle, une aide pour vivre et pour se confier en Dieu, comme le propose la foi chrétienne ; c’est ce que nous croyons.

Si nous réfléchissons à cette image, le texte montre une perspective toute nouvelle. L’Europe est en manque et a besoin de personnes qui montrent des voies nouvelles. L’Europe a besoin d’être enrichie ! Enrichie par une jeunesse créative, parce qu’en Allemagne le renouvellement démographique nous fait défaut. Enrichie à travers une culture de la joie de vivre, parce que notre esprit s’est étriqué. Enrichie en personnes qui savent apprécier à quel point nous vivons dans l’aisance et en sécurité.

Si nous changeons ainsi de perspective, ceux qui traversent la Méditerranée ne représentent pas un danger, ils ne nous harcèlent pas, au contraire, nous pouvons nous réjouir de leur venue.
Mais changer ainsi de perspective, ce n’est pas facile. Car il me faut d’abord reconnaître que j’ai besoin d’aide. Aujourd’hui, tout comme autrefois, c’est difficile, surtout lorsqu’il est question de foi. Paul rêvait de poursuivre sa mission en Europe. Mais il y a aussi rencontré de la résistance et a finalement payé de sa vie le témoignage rendu à Jésus Christ. Et malgré cela, l’Évangile s’est répandu très vite en Europe, puis sur toute la terre.

Aujourd’hui, il y a des chrétiens dans tous les pays du monde. En Europe occidentale, nous luttons avec une foi en perte de vitesse, en Chine les paroisses grandissent, en Syrie, en Irak, au Soudan et dans beaucoup d’autres pays les chrétiens sont persécutés et paient leur foi de leur vie.

Ce que Paul et Timothée ont vécu, nous le vivons aujourd’hui aussi, sans cesse à nouveau. Nous avons l’impression d’aboutir dans une impasse, dans notre vie, dans notre foi, mais aussi en tant qu’Églises. Lorsqu’une nouvelle bifurcation devient nécessaire, nous nous révoltons, nous sommes contrariés, voire effrayés, et très certainement angoissés. Mais si de nouveaux chemins s’ouvrent, rétrospectivement, nous pouvons avoir l’impression que Dieu nous a barré l’autre chemin par l’Esprit saint. Comme s’il nous fallait expérimenter les échecs, les défaillances, les situations sans issue afin de devenir libres et ouverts pour des chemins nouveaux. Ceci est valable pour notre vie personnelle comme pour nos Églises, mais aussi pour les pays dans lesquels nous vivons. Allemands et Français ont vécu un certain nombre d’impasses dans leurs relations avant que nous ne puissions nous réjouir comme aujourd’hui d’un vrai partage communautaire et d’une communion grandissante.

Le message a parcouru la terre entière. C’est ce que nous fêtons aujourd’hui à l’occasion de l’ouverture de l’année Luther placée sous le thème « la Réforme et le monde global ». Même si Martin Luther n’est allé à Rome qu’une seule fois et n’a jamais franchi les frontières des terres allemandes, sa découverte de la liberté du chrétien et de la justification par la foi seule est devenue convaincante pour des femmes et des hommes du monde entier.

Nous allons au-devant d’un jubilé de la Réformation que nous pouvons fêter en tant que communauté internationale. Et nous ne le fêterons pas en fixant des limites, mais dans une perspective œcuménique. Car l’Esprit de Dieu est un esprit de paix, d’amour, de justice et de réconciliation.

Que Dieu nous bénisse richement afin que nous puissions nous confier toujours à nouveau, à l’action de cet Esprit !

Amen.

Prédications dans le même lieu

Aucun résultat.

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique

En collaboration avec