Quand le religieux s'affole!

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Écouter le culte :

- [BM] Quand j'ai lu ce texte, j'ai eu plusieurs surprises. D'abord celle de voir Jésus poussé par l'Esprit de Dieu au désert pour y être tenté par le diable – et la surprise vient de cette mention de l'Esprit, qui pousse, pas de la présence de la figure diabolique en soi.
Les évangiles de Marc, Matthieu et Luc concordent sur ce point: à peine baptisé, à peine sorti d'une expérience spirituelle voire mystique de première importance où il a entendu Dieu lui parler, lui donner quittance de son identité, de ce qu'il est amené à faire, de qui il est, et d'être visité par l'Esprit saint, Jésus est poussé au désert par Dieu pour s'affronter... à qui ? à quoi ? à cette part de lui-même qui pourrait compromettre son ministère. Cette mise au désert de Jésus ressemble à une démarche initiatique et à une exigence d'épure – Jésus doit y éprouver ses ambitions: quel prédicateur sera-t-il ? Tout est là: la visée de cette période de questionnement, comme l'aveu implicite que les choses pourraient tourner court et ne pas aller dans le bon sens. Pour être celui qu'il deviendra, il n'a pas suffi à Jésus d'une naissance particulière, ni d'un baptême mémorable: il faut encore un temps de discernement personnel pour se mettre dans les traces de Dieu.
- [MK] Mais alors, à quoi précisément doit-il faire face ?
- [BM] A lui-même. Et à une triple tentation. A comparer ce qui peut l'être, ce qui est évoqué là concerne du coup toute personne qui a charge de responsabilité ecclésiastique ou assimilée...
- [MK] ...comme vous...
- [BM] ...comme moi, oui. Et comme pas mal d'autres. Il y a donc un enjeu et un enseignement capital sur le leadership chrétien, comme l'a très bien vu par exemple le prêtre et théologien catholique Henri Nouwen.
- [MK] Et cela donc en trois étapes ?
- [BM] Oui. Commençons par la première. Première tentation, premier danger, première dérive: celle de se contenter de soi, dans un acte de puissance en lien privilégié avec Dieu. Parce qu'évidemment, se trouver dans une situation d'autorité spirituelle, avoir charge d'âme, comme on disait avant, avoir une communauté et des gens sous sa responsabilité, voire sous ses ordres, hein, eh bien c'est... comment dire... ça peut être assez exaltant, assez grisant, c'est... heu... je veux dire, c'est... on a envie de dire... d'exprimer... de ressentir...
- [MK] Ca ne va pas ?
- [BM] Si... non... je ne sais pas ce qui m'arrive, je me sens bizarre, tout à coup, je... c'est comme si... comme si je glissais... je... je... me perds... je ne suis plus... Aaaaaaaahhh !!!

JINGLE

- [Jean-Garbriel Cuénod] Hosanna dans la joie !
- [MK] Hein ? Mais vous êtes qui, vous ?
- [JGC] Je suis Jean-Gabriel Cuénod, diacre de la cure de Chastavel, et je viens vous apporter la bonne Parole !
- [MK] Mais comment vous êtes arrivé là ?
- [JGD] Mais j'apparais où je veux et quand je veux dans l'univers connecté. Je suis comme ça.
- [MK] Vous êtes un personnage fictif, mais enfin vous ne pouvez pas débarquer comme ça, en plein culte !?
- [JGC] Mais pourquoi, mon brave ? Au contraire ! Le culte n'est-il pas le meilleur moment pour évoquer les grâces merveilleuses du Seigneur et tous les miracles qu'il a fait pour moi et que je dois annoncer au bon peuple suisse, à l'intérieur des frontières protectrices et rassurantes de notre bon pays ?
- [MK] Et le pasteur Menu, qu'est-ce que vous en avez fait ?
- [JGC] Qui ça ? Ah, lui: mais rien de grave, il s'est effacé, simplement. On n'y perd rien, vous savez: il est beaucoup trop nuancé ce petit, à se demander s'il est vraiment converti et s'il croit à notre Seigneur tout-puissant et à notre Dieu vengeur. Quand je l'entends, moi j'ai des doutes, avec ce gauchiste... Des doutes, quand je dis cela, si j'ose dire...
- [MK] Ah oui, vous, on se demande si vous n'y croyez pas un peu trop quand même...
- [JGC] Rien n'est trop beau pour Christ Sauveur !
- [MK] Vraiment ?
- [JGC] "Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et pourtant le Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux?" Et moi donc, vous pensez ! Heureusement que mes paroissiens me nourrissent et m'entretiennent contre mes bons conseils et mes attentions. C'est que j'ai des frais, vous comprenez: l'entretien du Hummer (c'est ma voiture, elle est belle), les balades de découverte de la création de Dieu en forêt (que je fais avec ma Winchester modèle Seventy Sporster), la nourriture de mon dogue argentin (il est beau, il a cinq ans, il est blanc, il s'appelle Mengele)... les petits plaisirs simples de la vie de diacre évangélique de Chastavel que j'ai, vous voyez ?
- [MK] Je vois: des choses essentielles pour votre... ministère.
- [JGC] Exactement ! Je vois que vous m'avez compris, ça fait plaisir ! C'est quand même fantastique, ce service public ! Ça fait plaisir de payer la redevance... Bon, ici c'est comme dans l'Eglise protestante, il y a un peu trop de gens à gauche à mon goût (les communistes, là...), mais ça n'empêche pas la lucidité, hein ?
- [MK] C'est vrai qu'en matière de lucidité, vous en connaissez un rayon, vous...
- [JGC] Je dirais même toute la bibliothèque, comme la Bible que j'aime citer à toute occasion, et sans rien omettre de son âpreté: je ne vis pas d'un christianisme édulcoré, moi, Monsieur. A Chastavel, dans ma paroisse, il n'y a pas de light.
- [MK] C'est sûr qu'avec une lumière comme vous, pas besoin... Vous éclipsez toutes les Lumières à vous tout seul…
- [JGC] Ben oui, mais c'est un compliment, ça ?
- [MK] Pas vraiment, mais si vous voulez...
- [JGC] Bon, alors, ce texte avec Jésus dans le désert devant le diable, c'est quelque chose, tout de même ?! Vous avez vu comment il lui tient tête au satan. Ha! Ça, Jésus c'était pas une lopette !

JINGLE « Ma femme est pasteure »

- [Clara] Ha ! Ha ! Ha ! Alors n'im-por-te quoi !
- [JGC + MK] Mais vous êtes qui, vous ?
- [CC] Moi ? Mais je suis Clara, la pasteure de Vullierens !
- [JGC] Mais ça va pas ou quoi ?! Une quoi ?!
- [C] Une pasteure !
- [JGC] Mais c'est possible ça ? Une femme, déjà c'est dur, mais alors pasteure en plus, c'est une abomination devant le Seigneur ! L'apôtre Paul le dit: "La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui retiennent la vérité captive de l’injustice ! Se prétendant sages, ils sont devenus fous." (Rm 1,18.22)
- [C] Ben ça vous va bien de citer l'Ecriture à la lettre ! Il faut faire fonctionner les méninges un peu, de temps en temps !
- [JGC] Mais je dis la vérité de Dieu, moi... créature du diable !
- [C] Dieu ? Vous voulez dire celui que vous avez réduit à votre image, là ? Mais votre Dieu n'est qu'une idole !
- [JGC] Oooh, alors attention, hein ! "Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature au lieu du Créateur qui est béni éternellement." (Rm 1,25)
- [C] Voyez-vous ça... "Penses-tu, toi qui juges ceux qui commettent de telles actions et qui agis comme eux, que tu échapperas au jugement de Dieu?" (Rm 2,3)
- [JGC] Ah mais ne cite pas l'Ecriture, c'est péché, tu la souilles, abomination ! "Que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d'y parler": c'est saint Paul qui l'a dit, Madame !
- [C] "Ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme." Ça, c'est Jésus-Christ.
- [MK] Dites voir, vous deux, c'est pas bientôt fini ?!
- [JGC] C'est elle qui est apparue tout d'un coup !
- [MK] Oui, je sais: Clara, vous êtes aussi un personnage de websérie, je vous reconnais à présent, et vous apparaissez quand vous voulez... Votre mari Thomas n'est pas là, d'ailleurs ? Parce qu'au point où on en est...
- [C] J'aurais bien voulu, mais il n'aime pas tellement venir au culte... à part aux miens, parfois, évidemment. Surtout si c'est pour entendre de telles énormités d'un autre âge !
- [JGC] Ah mais quel toupet !
- [C] Chut !
- [JGC] Rhôôôô... Et vous laissez faire, vous ? Alors moi je vais vous dire: je suis déçu... Je crois que je vais retourner prier et tripoter... je veux dire tricoter dans ma paroisse avec les catéchum... euh avec le groupe de dames. C'est que j'ai encore des âmes à sauver, moi, vous voyez !
- [C] Sûrement pas consentantes !
- [JGC] Mais si, je leur promets le ciel et hop! le tour est joué, une âme de plus pour le Seigneur dans ce monde perdu et voué aux ténèbres ! Je suis quelqu'un d'épatant et qui a beaucoup de force de conviction, moi, pas comme certains ou certaines...
- [C] Jean-Gabriel, pour moi, le ciel, il est à tous, même à vous, et je ne crois pas que le monde soit abandonné au mal: il se trouve que je fais confiance à un Dieu d'amour, proche de nous, de nos souffrances, de nos luttes pour plus de paix, de justice, de fraternité, vous voyez, dans ce monde.
- [JGC] Mouais... Femme, pasteure et gauchiste: alors là, devant tant d'hérésie, je m'en vais ! Je suis dégoûté ! Hosanna, y a plus de joie ! Voilà, je pars...
- [Thomas, au loin] Clara, Clara ! Mais est-elle passée où ? Ah, c'est sûr, elle est encore dans un culte ! Clara !
- [C] Ha! C'est Thomas qui me cherche ! J'arrive, mon chéri, j'arrive ! J'avais une petite chose à régler avec un excité ! Bon, excusez-moi, je vais vous laisser, je crois que de toute façon tout est réglé. Allez, adieu les amis !

JINGLE « Ma femme est pasteure »

- [MK] Chers auditrices et auditeurs d'Espace 2, me revoilà: la crise biblique est passée, mais j'avoue me retrouver pour l'instant seul en studio: plus de trace du pasteur... Je ne sais pas très bien comment nous allons pouvoir continuer ce moment...
- [BM] Mmmh ?
- [MK] Ah ben vous voilà enfin, Blaise Menu ! Je pensais vous avoir perdu!
- [BM] Hein, quoi... Qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai eu comme une absence...
- [MK] C'est le moins que l'on puisse dire: vous avez raté un moment de radio tout à fait inattendu... Rien moins qu'un diable et qu'un ange sont passés par là...
- [BM] Aaah oui, c'est sûr, j'ai raté quelque ch... Quoi, un diable ? Et un ange, vous dites? Mais c'est fou !
- [MK] Non, c'est seulement la RTS... Bon, nous n'avons pas eu Dieu en direct, mais pas loin, pas loin...
- [BM] Oui... Vous savez, Michel Kocher, peut-être vaut-il mieux ne pas se vanter d'avoir Dieu sous le coude: des fois qu'on prendrait ça pour un abus de pouvoir...
- [MK] Il vaut mieux que Dieu reste hors de portée ?
- [BM] Et comment ! Et puis, ça évite de diaboliser le regard qu'on porte sur lui... Et de le diaboliser tout court.
- [MK] Attendez voir: diaboliser Dieu ? Que dites-vous là ? C'est une drôle d'idée...
- [BM] Vous trouvez ? Eh bien, reprenez le texte des tentations: oui, on peut diaboliser Dieu, oui, on peut croire qu'il serait comme l'évoque la figure diabolique du texte – mais pourquoi croire le diable, hein ? Vous savez, je suis toujours étonné du nombre de chrétiens qui, en lisant ce texte ou d'autres, croient les paroles du diable. Peut-être s'en trouve-t-il parmi nos auditeurs ce matin ? Mais c'est tout de même étonnant, non ? C'est même sidérant ! C'est comme pour le vieux récit du jardin d'Eden, avec le coup du serpent: la femme n'est pas la seule à croire la parole du serpent, vraiment pas la seule: c'est troublant. Enfin bon...
- [MK] Et ce n'est que tardivement qu'on fera du serpent une figure diabolique, non ?
- [BM] Effectivement, et pas sans raison, évidemment; mais pour le coup, il ne faut pas oublier le sens des mots: nous avons parlé tout à l'heure du désert comme symbole, c'est-à-dire comme lieu d'un sens, d'une connexion, d'une signification possible – là où il y a un enjeu de sens. Eh bien là, il y a aussi manifestement le risque du diabole – oui, c'est un mot un peu bizarre: c'est l'inverse du symbole, c'est-à-dire ce qui vient briser le sens et troubler le regard. Comprenez ? Bon, c'est pas tout ça, mais j'en étais où, moi, avant cet épisode inattendu...? Attendez, je retrouve mes notes... Ah oui, j'allais vous dire, qu'à la lumière du texte des tentations de Jésus, être en situation de leadership chrétien, c'était d'abord...
- [MK] ...c'était d'abord une affaire de renoncement (si je me souviens bien).
- [BM] Euh...oui, c'est cela. Renoncer...
- [MK] ...renoncer au désir d'avoir une parole absolue, ce qui ne veut pas dire sans conviction, j'imagine ?
- [BM] Oui, et aussi renoncer à instrumentaliser la Bible à son profit...
- [MK] ...en la citant n'importe comment et hors contexte, comme ce qu'on a entendu tout à l'heure.
- [BM] Encore oui ! Trouver la bonne distance d'avec le texte - pas toujours facile, d'ailleurs, quel que soit son bagage personnel - et enfin à renoncer aux effets faciles dans un monde désenchanté et oser dire que ce monde, malgré ses parts ténébreuses, reste aimé de Dieu et reste dans sa seule main.
- [MK] Peut-être la chose la plus difficile pour des Eglises en perte de vitesse sociétale et qui cherchent une nouvelle reconnaissance...
- [BM] Peut-être bien, oui. Mais dites-moi, Michel Kocher, mon absence involontaire semble vous avoir été profitable.
- [MK] C'est une affaire de rencontres inattendues qui ont révélé ce texte de désert de manière assez singulière, je dois le dire.
- [BM] Vous m'intriguez... Faudra que je réécoute ça en podcast, alors... Mais avant, j'aimerais terminer ce parcours biblique par un texte souriant, écrit il y a bien des années déjà par le jésuite Albert Longchamp, un homme qui compte parmi les belles amitiés œcuméniques suisses. C'est un texte qui évoque les sept tentations du chrétien...

Lecture du texte d’Albert Longchamp

- [MK] Durant cette heure de culte radio, la pasteure et comédienne Carolina Costa et le comédien Didier Charlet nous ont offert leur voix et leur jeu pour mettre en lumière les dérives possibles du religieux, entre petits travers et gestes inqualifiables. Comme vous, Blaise Menu, et comme de nombreux auditeurs, ils s'interrogent sur ce religieux qui semble parfois oublier les valeurs qui le fondent. Et ils croquent les travers de la lecture religieuse ou politique. Et ils le font avec humour, parfois féroce c'est vrai, mais beaucoup de sérieux.
- [BM] Absolument, et ce que j'apprécie chez eux notamment, c'est qu'il y a là une véritable protestation contre le religieux comme système qui veut occuper toute la place, expliquer le monde, régenter ce que l'on peut dire, croire, penser, et cela parfois jusqu'à occulter l'humain. C'est ce qui se passe aujourd'hui dans chaque radicalisation: l'humain est effacé, Dieu prend toute la place.
- [MK] Dieu... peut-être, mais quel Dieu ?
- [BM] Ha ! c'est là tout l'enjeu d'un texte comme celui que nous avons croisé aujourd'hui : quel Dieu ? Le Dieu fantasmé ou le Dieu inattendu ? Le Dieu étiqueté ou le Dieu qui échappe à nos classements ? Le Dieu lié à la puissance, à la force, au pouvoir, ou le Dieu aimant proche des fragilisés ?
La toute première tentation, dans le jardin l'Eden, était celle de croire être comme Dieu-qui-sait-tout et vouloir être comme ce Dieu-là avec un simple artifice : un fruit. L'autre tentation reste d'arraisonner Dieu à sa cause, à sa lecture, à sa revendication – et à vrai dire je n'y échappe pas non plus.
- [MK] Est-ce une fatalité ?
- [BM] Non, j'espère, même si chacun veut alors son Dieu et placer Dieu dans son camp. Vous savez: quelle redoutable puissance lorsqu'on croit pouvoir agir, parler, décider au nom de Dieu ! On a vite fait de vouloir mettre le monde entier à genoux. Il arrive même qu'on le prie ou qu'on le chante, dans nos cantiques familiers. Mais on franchit si facilement la frontière de l'excusable, même dans l'absurde ou l'horreur... C'est tellement tentant d'être intolérant au nom du bien, du vrai, du juste... Mais quand on annexe Dieu, vous savez, ce n'est jamais finalement que pour justifier son inhumanité à soi et imposer au plus grand nombre l'ordre qui convient à quelques-uns seulement. C'est cela, la manipulation ; or Dieu n'est à personne. Personne : aucun groupe, aucune religion, aucune Eglise ne peut mettre la main sur Dieu, même (surtout!) Bible – ou Coran – en main. J'ose croire que Dieu se dérobe toujours, qu'il garde ses distances.
- [MK] Pourtant la Bible, il faut le dire, évoque aussi « Je serai ton Dieu », et ce lien d'appartenance est très fort que l'on voit dans la tradition biblique.
- [BM] Certes, il signifie quoi ? Ce n'est pas un titre de propriété ; c'est un mot d'amour et d'alliance adressé à ceux qui se voient ou qui s'espèrent comme vivants. C'est un appel qui m'institue dans la responsabilité et le devoir, avant la revendication de droits X ou Y.
- [MK] A leur manière, avec leurs webséries ou leur spectacle, c'est bien ce que dénoncent la pasteure et le comédien, non, bien qu'ils partent de deux objectifs différents ?...
- [BM] Demandons-leur...

- [MK] Carolina Costa, vous, vous essayez de dépoussiérer, si je comprends bien, avec votre série ?
- [Carolina Costa] Dépoussiérer, mais aussi ramener à un regard, à un débat. Je suis pasteure dans une Eglise réformée dans laquelle on croit au débat – les Evangiles sont des débats entre différents croyants qui ont une expérience religieuse; la Réforme est issue d'un débat, c'est le fruit d'un débat. Donc "Ma femme est pasteure" se veut ce regard croisé entre une femme pasteure qui a des convictions mais qui a aussi des doutes, qui discute avec son mari qui a une position agnostique et qui interroge ces liens entre religion, société, vie, existence.
- [MK] Et vous, Didier Charlet, vous ne dépoussiérez pas, vous dénoncez carrément, au fond...
- [Didier Charlet] Oui, c'est vrai, je dénonce les travers de la religion comme Blaise [Menu] l'a si bien dit, le dogme un peu figé. J'aime bien faire une différence entre religion et foi: je vais attaquer la religion, parce que je trouve que souvent la religion est source de problèmes, mais je trouve que la foi est quelque chose de très beau et j'essaie donc de ne pas y toucher; mais de taper très fort sur la religion, c'est vrai.
- [MK] En même temps, le domaine religieux est une source d'inspiration, parce qu'il y a beaucoup de symboles, il y a un grand patrimoine...
- [DC] Oui, j'utilise surtout la religion et tous ses symboles comme cadres pour dénoncer des choses qui m'embêtent chez l'humain, c'est-à-dire que l'être humain est méchant souvent, mauvais, et j'essaie de faire briller ça à travers ce prisme qu'est la religion et ce prêtre qui devrait être bon, qui devrait être gentil, et qui en fait est une immonde créature.
- [MK] Vous parliez de débat, tout à l'heure, Carolina Costa: est-ce que votre série fait débat ?
- [CC] Oui, bien sûr: elle fait débat parce qu'on touche quand même à des figures, des moments de l'histoire [biblique] – par exemple on a des scènes avec Jésus où on a appelé Jésus "Jésuette", avec des femmes qui lapident. On essaie aussi de renverser les images qu'on a des scènes bibliques pour les revisiter, et c'est vrai que certains se sentent heurtés parce que ça toucherait à une sacralité – mais pour moi, la sacralité, c'est le partage, c'est l'amour; ce n'est pas dans ces choses qu'on pourrait dire extérieures à nous: c'est vraiment ce qu'on vit au-dedans qui a une part sacrée.
- [MK] La sacralité, vous y touchez quand même drôlement, Didier Charlet. Est-ce que ça suscite ou du débat, ou des réactions violentes ?
- [DC] Oui, il y a des réactions. Je n'ai pas envie de spoiler mon spectacle, mais il y a un moment au tout début du spectacle qui est très très choquant pour les chrétiens, pour ceux qui ont vraiment la foi, qui voient cela, où j'utilise Jésus lui-même, en tant que "créature", et il y a beaucoup de gens qui me disent : "Ce moment, c'était très fort, c'était presque trop pour moi." Et en fait c'est cela: je vais justement casser ces "sacrés".


Bénédiction

Que la bénédiction de Dieu accompagne la suite de votre journée et vienne nourrir les jours à venir. Qu'au cœur du désert, là où surgit l'expérience du manque et la tentation de le combler sans mesure, que là Dieu le Père vous soit source bienfaisante et qu'il étanche votre soif de vie; que Dieu le Fils vous soit rencontre opportune et compagnon de route; que Dieu l'Esprit saint vous soit souffle rafraîchissant et guide vital.

Amen.

Critiquer le religieux, c'est à la mode. Et bien plus qu'une mode, c'est une nécessité lorsque ce religieux a des penchants totalisants et violents. Mais il se trouve aussi que c'est biblique: avec clairvoyance, de nombreux textes abordent la religion sous un angle critique, dans les paroles de Jésus notamment. Au début de son ministère de prédicateur itinérant, Jésus lui-même a dû clarifier ses ambitions de leadership. Le récit des tentations au désert est au coeur de cette démarche.
L'expérience cultuelle proposée osera emmener l'auditeur au désert. Cela ne manquera pas de surprendre, peut-être de déranger, tant par le contenu que par les rencontres inattendues et décalées qui sont faites: deux personnages connus de webséries viennent en effet s'immiscer dans cette lecture des tentations pour mieux l'illustrer et en montrer l'impact pour aujourd'hui...

Un culte enregistré au Studio 15 de la RTS, proposé par le pasteur Blaise Menu (Espace Fusterie, Genève), avec la complicité active de ses collègues Carolina Costa et Laurence Mottier, du comédien Didier Charlet et de Michel Kocher.

Détails

Avec la participation de
Didier Charlet, humoriste; Carolina Costa, pasteure et comédienne, Laurence Mottier, pasteure
Orgue
Musique
Des extraits tirés des CD "Passion" de Peter Gabriel et "Mozart l'Egyptien" de Hughes de Courson