Culte du Vendredi Saint, Saint-Imier

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1ère partie

Matthieu 27, 45 à 50
45 À partir de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu'à trois heures. 46 Vers trois heures, Jésus s'écria d'une voix forte: «Eli, Eli, lema sabaqthani», c'est-à-dire «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» 47 Certains de ceux qui étaient là disaient, en l'entendant: «Le voilà qui appelle Elie!» 48 Aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge qu'il imbiba de vinaigre; et, la fixant au bout d'un roseau, il lui présenta à boire. 49 Les autres dirent: «Attends! Voyons si Elie va venir le sauver.» 50 Mais Jésus, criant de nouveau d'une voix forte, rendit l'esprit.

Philippe Nicolet
Il y a quelque chose de menaçant dans ce récit d’agonie.
Il y a ces ténèbres qui viennent, en plein milieu du jour, recouvrir et obscurcir la terre entière. Avant même que Jésus ne meure, tout se peint de noir : avec la mort de Jésus, un événement terrible vient assombrir le monde et tout en sera bouleversé.

Il y a cette parole de Jésus, une parole énigmatique qui a suscité les interprétations les plus contradictoires : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?»
Il y a ceux qui ont pensé que Jésus appelait le prophète Elie à son secours et qui en ont profité, une dernière fois, pour prolonger les tourments de celui qui était pendu sur la croix.

Il y a ceux qui, aujourd’hui, dans l’église, supportent mal que le Christ ait pu connaître une telle détresse. Alors, comme Benoît XVI dans son dernier ouvrage, ils font de cette dernière parole de Jésus une déclaration souveraine : en récitant le Psaume 22, ce grand Psaume de l’Israël souffrant, Jésus prendrait « ainsi sur lui tous les tourments de tous les hommes qui, en ce monde, souffrent parce que Dieu leur est caché. »
Or ici, c’est moins la grandeur de l’amour de Jésus que son dénuement qui est mis en évidence : lâché par les siens, raillé et torturé par ses ennemis, Jésus crie son abandon.

Oui la dernière parole de Jésus est un cri de détresse. Et pourtant, dans sa solitude et sa souffrance, Jésus n’en continue pas moins de proclamer d’une voix forte son attachement à celui qui l’abandonne : c’est de Dieu, et de Dieu seul que, d’une façon obstinée, Jésus attend une réponse à la question angoissée qu’il fait monter jusqu’à lui.

Jusque dans son dernier cri, Jésus veut nous empêcher de penser que désormais, le monde, et nos vies aussi, sont irrévocablement livrés à la détresse et au mal. A Vendredi Saint, Dieu ne s’absente pas à tout jamais du monde et de l’histoire humaine. Dans son silence, dans son éloignement même, il reste présent.

Et c’est bien cette présence énigmatique de Dieu, cette présence qui nous ébranle qu’annoncent les ténèbres venues se répandre sur le monde. Ce ciel noir est un signe de jugement et de condamnation. Le prophète Amos l’avait annoncé : dans l’obscurité, c’est Dieu qui vient dans sa colère ; celui « qui réduit le jour en sombre nuit, qui convoque les eaux de la mer pour les répandre sur la face de la terre: il se nomme le Seigneur ».

A Vendredi Saint, Dieu reste présent, d’une façon redoutable et cachée. Dans la mort de celui qui a été cloué sur une croix, dans le visage de douleur de Jésus, c’est le monde qui est démasqué et qui est pris à parti.

2ème partie

Matthieu 27, 51 à 53
51 Et voici que le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas; la terre trembla, les rochers se fendirent; 52 les tombeaux s'ouvrirent, les corps de nombreux saints défunts ressuscitèrent: 53 sortis des tombeaux, après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville sainte et apparurent à un grand nombre de gens.

Dominique Giauque-Gagnebin
Une vision de cauchemar, une atmosphère de film d’horreur…Jésus meurt dans un cri, et tout bascule, tout s’effondre.

Cette mort-là porte en elle une force de jugement définitif et absolu.
Jugement sur la foi, d’abord.
Le voile du sanctuaire, le rideau du temple se déchire. L’espace sacré, dans lequel le peuple juif venait à la rencontre de Dieu est profané. Dieu ne se laisse plus trouver en sa demeure de pierre. Il est à chercher ailleurs.

L’onde de choc se propage à Jérusalem tout entière. Comme si la terre protestait, se rebellait. Même les morts quittent leurs tombeaux pour errer sans repos.
Images d’apocalypse, c’est la fin d’un monde.
Images qui ne sont pas sans en raviver d’autres: gratte-ciel oscillant comme si une main maligne les poussait, vague porteuse de mort, fumée planant au-dessus de sites nucléaires dévastés ou encore ces hommes, ces femmes prêts à mourir pour conquérir le droit de vivre dignement, librement, et la violence de ces dictateurs accrochés à leur pouvoir, à leurs milliards.
Images de terreur, qui jettent bas ce que l’on pensait immuable.

A Jérusalem, ce jour-là, les choses se sont-elles vraiment déroulées ainsi ? Ce récit de la mort de Jésus a-t-il un caractère historique, pour ne pas dire scientifique ?
L’Evangile n’a pas pour rôle et pour but de nous livrer la description exacte de ce qui s’est passé ce vendredi-là. Il nous entraîne sur le chemin d’une autre vérité, d’une autre dimension que celle de l’histoire au sens strict. L’Evangile nous invite à chercher.

Ce récit de Vendredi Saint est bien celui d’un total bouleversement. Ce vendredi-là, avec Jésus mourant sur la croix, ce sont toutes nos certitudes, toutes nos assurances qui s’écroulent. Ce que l’on pensait solide, stable, est mis à mal, déconstruit à jamais.
Jésus meurt.

Jour noir, jour de ténèbres, il ne reste rien.
La foi ne peut pas faire l’économie de ce jour-là, de cette mise à terre de tout ce qui semblait acquis, sûr.
Dans notre vie, nous avons aussi parfois l’impression que la terre se dérobe sous nos pieds. Un décès, la maladie qui vous tombe dessus, un de ces coups tordus que la vie gardait en réserve, et c’est l’écroulement d’un monde, de notre monde.
Jours de souffrance, jours noirs.
Si elle est certitude, confiance fondamentale, la foi n’est jamais une assurance. Elle ne nous garantit pas une existence paisible, à l’abri du mal. Ce serait trop facile et le noir de Vendredi Saint vient s’inscrire en faux, telle une protestation contre cette illusion. Ce vendredi-là, Dieu déserte nos certitudes. Il échappe à tous les temples, aux constructions savantes dans lesquelles notre besoin de sécurité, notre soif d’assurance aurait voulu le retenir.

Aujourd’hui, Dieu se donne à voir. C’est dans le corps de Jésus, sur la croix.

3ème partie
Matthieu 27, 54
54 À la vue du tremblement de terre et de ce qui arrivait, le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus furent saisis d'une grande crainte et dirent: «Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu.»

Philippe Nicolet
Le centurion et ceux qui, avec lui, avaient veillé à ce que Jésus soit bien exécuté, découvrent donc que Dieu se confond avec celui qui a été cloué sur une croix. Mais alors, si Dieu se donne à voir dans le corps de Jésus, la question de la foi se pose à nouveau.

Si Jésus n’est pas un maudit pendu au bois, s’il est le Fils que Dieu n’a cessé d’aimer, alors tout est renversé, tout est mis cul par-dessus tête. Si Dieu doit être reconnu dans celui qui est mort sur la croix, alors, comme le temple dont le rideau a été déchiré, toutes nos certitudes sont profanées. Qui peut comprendre, qui peut croire que Dieu se révèle dans le visage d’un torturé ?

Si Dieu s’identifie avec ce vaincu, que pouvons-nous encore attendre de lui, que pouvons-nous encore espérer ? Tout ce que nous pourrions faire, tout ce que nous pourrions mettre en œuvre pour que notre vie soit assurée, tout cela n’est-il pas réduit à néant ? Mais n’est-ce pas exactement ainsi que nous accédons à la vérité de Vendredi- Saint ? Dans la radicale mise en question qui nous est imposée, n’est-ce pas Dieu qui agit ? Dans la faiblesse de Jésus, n’est-ce pas Dieu qui intervient avec toute puissance pour nous dépouiller de toutes nos assurances ?

Et si Dieu se révèle dans celui qui connaît le mépris et le rejet, cela ne signifie-t-il pas aussi, qu’à Vendredi Saint, Dieu fait une croix sur toutes les hiérarchies et sur toutes les singularités humaines et qu’il vient s’offrir à tous, sans considération de position ou d’appartenance ? N’est-ce pas cela que le centurion et ceux qui sont avec lui nous montrent ? A Vendredi Saint, Dieu s’ouvre aux païens ; il se dévoile à ceux qui ne le connaissent pas, à ceux qui sont sans mérites devant lui.

Et puis, si Dieu, qui se donne à voir dans le visage du crucifié, a dévasté les lieux que les hommes avaient réservés à son usage, cela ne veut-il pas dire que désormais il n’y a pas d’endroits où il ne puisse habiter ? Dieu peut s’inviter chez ceux que leurs insuffisances écartent de la communauté humaine ; il peut relever celles et ceux qui succombent sous le poids du mal et de la faute. Il peut même témoigner son affection aux justes et à ceux que leur arrogance ont conduit à rompre avec lui.
A Vendredi Saint, Dieu vient nous faire mourir à nous-mêmes. Et ce jugement prononcé sur nous et sur nos certitudes, il nous appelle à l’accueillir comme une bénédiction : morts à nous-mêmes, il nous est offert de vivre de la seule grâce de Dieu. Il nous est offert de vivre dans une foi nue, dépouillée et pourtant assurée.

Cette vie qui s’ouvre devant nous est comme la page blanche d’un livre encore à écrire. Mais sur cette page blanche viennent déjà s’inscrire, comme une préface, les promesses de l’Evangile. Pour nous aussi, le crucifié est vraiment le Fils de Dieu.
Amen.

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