Des disciples remplis de joie

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Les Rameaux, c’est une fête de la joie. « Toute la foule des disciples, pleine de joie, se mit à louer Dieu », dit l’évangile des Rameaux. « Que Dieu bénisse le roi qui vient au nom du Seigneur ! » disaient les disciples. Et ce jour-là, Jésus n’a pas boudé leur joie. Pas plus qu’il n’a boudé l’espérance qu’ils avaient mise en lui. Ce jour-là, il a laissé la foule des disciples se réjouir et l’acclamer comme roi.
N’était-ce pas lui qui leur avait parlé du Royaume de Dieu présent parmi eux dans sa personne ? Son message n’avait-il pas redonné une extraordinaire fraîcheur à une religion passablement sclérosée ? Son action n’avait-elle pas laissé entrevoir un formidable renouveau ?
Alors oui : « Que Dieu bénisse le roi qui vient au nom du Seigneur ! » Un roi tant désiré. Tant attendu. Un roi puissant. Celui qui devait venir changer la face du monde et établir la paix, la justice et le bonheur. Celui qu’ils ont vu accomplir des miracles, celui qu’ils ont vu faire du bien aux corps et aux âmes. Celui peut-être aussi que certains avaient rêvé de voir prendre le pouvoir, chasser l’occupant romain et redonner à son peuple l’indépendance, la prospérité et la grandeur tant désirées. Un roi surprenant tout de même, déroutant. Ce jour-là, il a l’air de se laisser entraîner par la foule des disciples. Il a l’air de se laisser emporter par le joyeux cortège qu’ils ont formé pour marquer son entrée à Jérusalem. Presque l’air de subir l’événement.
En réalité, c’est lui qui a organisé cette entrée royale et festive. Il avait auparavant envoyé deux disciples au village voisin lui chercher la monture dont il avait besoin : un petit âne. Et la monture lui a été remise. Une monture fort peu royale. Une monture qui était plutôt signe de pauvreté et d’humilité. A la place, on aurait plutôt vu un cheval. Mais une monture qui pouvait aussi devenir une monture royale. Elle avait en effet déjà été utilisée quand un roi en visite dans une partie du pays voulait indiquer qu’il ne venait pas pour punir, mais avec des intentions pacifiques. Et c’était bien le cas de Jésus. Un roi pacifique. Un roi doux, sans violence et sans pouvoir répressif. Un roi humble.

Jésus a donc voulu cette fête, cette joie, cette liesse des disciples, cette entrée royale et pacifique à Jérusalem. Laissons-nous donc aussi gagner par la joie en ce dimanche qui marque le début de la semaine sainte ; comme la foule des disciples ce jour-là « pleine de joie». Oui, laissons-nous gagner par cette joie, même avec ce que nous savons de la suite, même avec le chagrin et les tourments qui peuvent être les nôtres.
Cette joie est peut-être pour un court moment, c’est vrai. Court comme le jour des Rameaux. Mais ce moment est précieux, donné par Dieu. C’est le moment privilégié où soudain nous est révélée la prochaine victoire de la vie sur la mort, de la liberté sur la servitude, de l’amour sur la haine ou l’indifférence, de la joie sur la tristesse.
Oui, c’est aujourd’hui un jour où nous sommes invités à nous laisser gagner par la joie, la joie des Rameaux, prélude à la joie de Pâques.
Il y a bien eu ce jour-là quelques Pharisiens qui auraient voulu voir stoppée la joie de la foule des disciples. Ils se trouvaient là et ont tenté de les faire taire. Mais Jésus a catégoriquement refusé. Car il ne fallait pas que fût étouffé ce que la foule des disciples proclamait ce jour-là. Jésus était bien « le roi » qui venait « au nom du Seigneur». Ils avaient donc raison de se réjouir. Ce qu’ils disaient était vrai et il fallait que cela fût dit au grand jour. Quoi qu’il advienne, cette vérité triompherait. Elle ne pouvait pas être tue.
Simplement, ce roi allait prendre le pouvoir autrement que dans les rêves de celles et ceux qui l’ont acclamé ce jour-là. En effet, il n’était pas venu pour régner par la force des armes, mais par celle de l’amour. Et s’il allait prendre le pouvoir, c’était sur la volonté de puissance, sur l’esprit de domination, sur tout ce qu’on appelle ordinairement « le pouvoir » justement. Il allait nous libérer de nos esclavages intérieurs. Il allait nous libérer du souci usant de maintenir notre image, nous libérer de la tâche épuisante de toujours vouloir être les meilleurs.

Simplement, ce roi venant « au nom du Seigneur » a ceci de particulier qu’il est aussi serviteur. Serviteur de Dieu et serviteur de ses frères et sœurs en humanité. Serviteur prêt à servir jusqu’à donner sa vie. Il ne sera effectivement pas un roi arrogant, celui dont l’apôtre Paul a écrit qu’« il a pris la condition de serviteur ».
Mais les disciples qui s’étaient mis à étendre leurs manteaux sur le chemin et à louer Dieu avaient raison. Ils ne s’étaient pas trompés en réservant à Jésus l’acclamation messianique « Béni soit le roi !» Jésus est clairement le roi envoyé par Dieu. Et ne nous y trompons pas : cette conviction n’a pas été le fruit du soudain enthousiasme d’une foule qui aurait vu en lui son libérateur politique. Cette conviction n’a pu résulter que d’un mûrissement qui s’est opéré dans l’esprit et le cœur de disciples qui avaient suivi Jésus sur les chemins de Galilée et de Judée.
Aux Rameaux, Jésus ne s’est pas improvisé comme un faux roi, un roi dérisoire et ridicule, un roi de plaisanterie de premier avril. En laissant la foule des disciples se réjouir et l’acclamer, il s’est affirmé sans ambiguïté comme le roi envoyé de Dieu.
Nous voici aujourd’hui invités nous aussi à célébrer joyeusement et sans arrière-pensée ce roi qui s’apprête à entrer à Jérusalem. Comme les disciples se sont réjouis à la vue de celui que Dieu leur envoyait pour les servir et les protéger, nous voici invités à nous réjouir avec eux et à louer Dieu.

Bien sûr, nous connaissons la suite. Nous savons que Jésus allait mourir quelques jours plus tard. Mais lui aussi le savait. Et pourtant, aux Rameaux, cela a été la fête. La foule a crié la joie et l’espérance messianiques. Cette fête, Jésus l’a partagée. Et non seulement il l’a partagée, mais il l’a lui-même voulue et organisée. Car il a assumé le risque. Il savait que Dieu ne l’abandonnerait pas. Et en effet, il sera relevé d’entre les morts, celui dont l’apôtre Paul a écrit que « Dieu l’a élevé à la plus haute place ».
Ce matin, Luc, dans son évangile, nous invite à considérer l’entrée de Jésus à Jérusalem de manière joyeuse et reconnaissante. Car sur son petit âne, Jésus n’est pas un roi au rabais : il est « le » roi, le roi des rois, le Messie déjà vainqueur. Et si Jérusalem, dans laquelle il est entré, est la ville de sa mort, elle est aussi la ville de sa résurrection. Si elle est la ville du Vendredi-Saint, elle est aussi la ville de Pâques.
« Le roi qui vient au nom du Seigneur » et qui, aux Rameaux, est entré dans sa ville, laissons-le aussi entrer dans notre vie. Laissons-nous gagner par la joie, ce jour-là, des disciples qui l’ont acclamé. Et laissons-nous aussi gagner par la joie, celle-là, qui durera toujours : la joie d’accueillir celui qui est venu et qui vient nous parler de ce qui est essentiel pour notre vie.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Sara Gerber
Musique
Jean Sidler, violon