La colère de Jésus ne justifie pas toutes nos colères

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Chers amis,

La colère de Jésus dans le temple de Jérusalem ne justifie pas toutes nos colères. Il ne faut pas faire dire au texte biblique ce qu’il ne dit pas ! Trop souvent je le crains, on a utilisé cet épisode de la colère du Christ pour justifier les nôtres. Il ne faut quand même pas tout confondre !
Sans transition, mais pas forcément sans rapport, je sens malgré tout la colère monter en moi lorsque j’entends des chrétiens justifier leurs actes ou leurs décisions au nom de notre Dieu. Guerres, massacres, internements abusifs, purification ethnique ou plus proche de nous : exclusion, rejet, mépris, refus des droits élémentaires auxquels chacun a droit, quel qu’il soit, tel qu’il est. Et cela prétendument au nom de la foi alors que c’est souvent la peur qui gouverne ces choix. On est là dans l’extrême confusion.
Cela dit, Jésus fait donc le ménage au temple : ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. Et nous comprenons bien sa révolte, son indignation, qui le pousse à purifier ce lieu tellement important pour la foi juive. Le temple vous le savez est le centre de la foi, le centre religieux du pays; ce lieu est intouchable et même en partie impénétrable : seul le grand prêtre n’entrait qu’une fois pas an, dans le sanctuaire, dans le Saint des Saints, au cœur du Temple. Ce Temple que Jésus appelle la maison de son Père. Et cette maison Jésus veut en faire autre chose que ce qu’elle est devenue : un centre religieux bien sûr, où probablement, il ne faut pas l’oublier, pas mal de gens priaient sincèrement, mais aussi un lieu organisé en super marché à offrandes qui permettait d’exploiter la foi des plus sincères mais aussi des plus pauvres.

Jésus fait donc le ménage, chasse les marchands à coups de fouet et renverse les comptoirs. Les disciples s’en sont souvenus et citent un psaume l’amour de ta maison fera mon tourment... Si on en reste là, la scène nous demeure extérieure. Et il est trop facile de s’indigner avec lui sans nous remettre en question nous aussi sur les dérives que nous pouvons parfois vivre. L’acte de Jésus ce matin doit à mes yeux nous faire réfléchir sur nos propres pratiques religieuses et sur notre foi. À quoi est-ce que je suis vraiment attaché ? Suis-je du côté des marchands qui s’accommodent assez bien du trafic de la foi ou suis-je du côté du Christ qui nous invite à faire toute la place à Dieu, à épurer notre foi, notre vie, comme nos actes.
Et mon culte à moi... c’est quoi ? Est-ce que j’y assiste ou est-ce que j’y participe ? Suis-je avec Jésus brûlé, fasciné, dévoré par l’amour de la maison de Dieu ? Jésus est-il vraiment toute ma joie ? Dans son motet Bach met en musique ces paroles de Johann Frank qui devraient nous interpeller : Agneau de Dieu mon bien-aimé, rien sur terre ne saurait m’être plus précieux que toi....
Dans la suite du texte, Jésus va rapprocher le temple de Jérusalem de sa propre vie, de son propre corps. Et le texte de l’Évangile joue sur les termes. Jésus lorsqu’il parle du temple de son corps utilise un autre mot qu’il faudrait traduire par « sanctuaire » : détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. Ce sanctuaire, et c’est le même mot utilisé pour le cœur du temple, le Saint des Saints, le lieu le plus sacré, c’est donc son corps. Son corps d’homme, détruit par les hommes mais relevé par Dieu. Depuis ce jour-là, l¹humanité de Jésus manifeste l¹éminente dignité que Dieu confère à tout être humain. St Paul à son tour nous posera la question : ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ?
Quel ménage avons-nous à faire dans ce temple que nous sommes ? Qu’y a-t-il à purifier en nous pour que nous soyons ce que Dieu nous donne ? Car si nous sommes le temple du St-Esprit à la suite du Christ, la vie humaine, la nôtre et celle de chacun de nos prochains et même de chacun de nos « lointains » est sacrée. C’est la vie dans toute sa dimension, dans nos relations les uns avec les autres, dans notre relation avec nous-mêmes comme avec Dieu qui est sainte. Et non plus un lieu, quel qu’il soit, aussi beau soit-il. Pas même un rite. À propos de rite : lorsque Jésus nous partage le Pain et la Coupe de l’Eucharistie, nous devenons ce qu’il nous donne.
Nous devenons son corps; et aucune église, aucune cathédrale, aucun temple ne peut l’enfermer. Je suis, nous sommes, ensemble le corps du Christ. Alors permettez que je me mette en colère quand des hommes, d’où qu’ils soient et de quel bord qu’ils soient, bafouent la vie et la dignité humaine, bafouent ce corps auquel nous appartenons et que nous formons, en légitimant leurs actes au nom du Dieu d¹amour.
Mais la colère est risquée. Parce qu’alors il faut mettre en actes ce que nous proclamons. Aller au bout de notre logique, ne plus vivre sous le régime de nos propres peurs. Et sans doute prendre le risque d’aimer plus fort même ceux qui ne nous aiment pas.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Michel Jordan
Musique
Chapelle vocale de Romainmôtier (Evonova), direction de Michel Jordan (40 personnes);